Lors du sommet de Dublin, les Dix parviennent à un accord pour limiter le coût du marché du vin, qui s'est élevé à 1,3 milliard d'ECU cette année. Comme pour le lait, une limitation de la production est instaurée ; elle sera encouragée par une distillation automatique des excédents, dès que l'on atteindra 109 % de la production moyenne des années 1980-1984, l'idée étant de revenir à une production globale d'une centaine de millions d'hectolitres pour les Dix. La distillation pourra survenir aussi si les stocks dépassent quatre mois de consommation ou si les prix tombent à 82 % du prix d'intervention.
Ces mesures draconiennes ont aussi pour objet de dissuader les futurs membres, l'Espagne et le Portugal, de développer leurs vignobles — qui ont une productivité très faible — afin de tirer profit des avantages de la politique communautaire.
Élection de l'Assemblée
La discussion laborieuse sur le vin, qui a dominé le sommet de Dublin des 3 et 4 décembre, n'a pas permis aux Dix d'avancer sur le terrain de l'Europe politique. L'examen du dossier a pratiquement été ajourné de six mois, puisqu'il devrait constituer le thème central du Conseil qui se tiendra au mois de juin 1985 en Italie. C'est le signe des difficultés que soulève le projet d'union politique, à la fois entre les États membres, mais aussi au sein des institutions communautaires elles-mêmes, et notamment avec la crise qui se développe entre l'Assemblée de Strasbourg et la Commission, considérée comme l'émanation des gouvernements nationaux.
Pour la deuxième fois, l'Assemblée européenne est élue au suffrage universel entre les 17 et 21 juin 1984 (les jours de vote variant selon les États). Le choix du mode de scrutin, appliqué pour la première fois en 1979, donne à ses membres la volonté de se comporter en un véritable Parlement, ce qui lui vaut de prendre des initiatives de plus en plus spectaculaires. Globalement, les élections ne modifient pas fondamentalement la coloration majoritaire, qui reste orientée au centre droit : démocrates européens, libéraux et membres du Parti populaire européen rassemblent 220 députés. Mais l'événement est l'entrée en scène des écologistes, qui regroupent une vingtaine de personnes avec leurs alliés du groupe Arc-en-ciel, et de l'extrême droite (16 sièges). Les députés de Strasbourg tentent de faire entendre leurs voix par tous les moyens.
Le projet d'union
Le 14 février, l'Assemblée européenne adopte, à la majorité de 237 voix contre 31 et 43 abstentions, un projet de traité instituant une union européenne. Seul le Danemark vote contre. Le texte est transmis aux autorités nationales afin qu'elles puissent engager la procédure d'approbation susceptible de déboucher sur une modification des traités de Rome. Le président du Conseil en exercice, François Mitterrand, approuve cette démarche le 24 mai et suggère que « s'engagent des conversations préparatoires qui pourraient déboucher sur une conférence des États membres intéressés ».
Les six membres fondateurs (France, Allemagne, Italie, Benelux) sont favorables à une évolution vers une intégration plus poussée. L'Assemblée de Strasbourg et la Commission verraient leurs pouvoirs s'accroître sensiblement. Les décisions pourraient être prises à la majorité, non seulement dans les domaines qui relèvent explicitement des traités de Rome, mais aussi pour des questions susceptibles d'entraîner une modification des législations nationales. L'idée d'une banque centrale européenne avec une unité monétaire chemine aussi dans certains esprits.
En revanche, les pays plus récemment admis dans le club européen sont farouchement contre tout ce qui pourrait entamer les prérogatives nationales : c'est le cas de la Grèce et du Danemark ainsi que de l'Irlande et de la Grande-Bretagne.
Les clivages sont tels qu'il paraît pratiquement impossible que les premiers parviennent à convaincre les seconds. Certains songent donc à une Europe à géométrie variable, rappelant celle à deux vitesses que d'autres avaient conçue dans un domaine plus strictement économique ou monétaire.
La fronde du Parlement
Pour éviter l'enlisement de ce débat fondamental, le Parlement européen ne perd pas une occasion de rappeler sa présence aux Dix.