Derrière ce chef-d'œuvre, les autres films britanniques, ils sont trois, chacun dans un style différent, ne déméritent pas. Malgré un artificiel contrepoint contemporain, la très romantique histoire d'une Anglaise des années 20 séduite par l'Inde et par l'un de ses nababs a visiblement inspiré James Ivory dans Chaleur et poussière. Le Polonais Jerzy Skolimowsky, dans Travail au noir, a évoqué magistralement la solitude et l'exploitation des travailleurs immigrés — ici polonais — et le fossé gigantesque qui sépare nos sociétés d'opulence (même au période de crise) et de liberté de celles qui, comme à Varsovie, manquent de tout... Enfin, les Monty Python frappent encore avec un film inégal mais plein de tonitruante insolence, Le sens de la vie. Un bon cru.

La Suisse, elle aussi, tient bien son rang, avec trois films qui comptent parmi les plus attachants de l'année. Les deux premiers sont dus à des cinéastes toujours attendus : Alain Tanner, qui, avec sa sensibilité habituelle, son sens des images et de l'angoisse impalpable de personnages en marge d'un confort trop étriqué, a tracé, de la dérive d'un marin (Bruno Ganz, formidable), Dans la ville blanche de Lisbonne, un portrait particulièrement envoûtant. On retrouve la même impalpable vérité, faite de menues notations toutes très justes, et d'un art subtil de faire sentir à la fois le poids et la futilité du temps qui passe, chez Claude Goretta qui choisit l'extraordinaire Gian Maria Volonté pour incarner le journaliste désabusé de La mort de Mario Ricci. Enfin, il serait injuste d'oublier le film du Suisse-Allemand Marius Imhoff, La barque est pleine, une évocation sobre et bouleversante d'un épisode douloureux de la dernière guerre où des réfugiés, même juifs, étaient refoulés à la frontière suisse.

L'Espagne n'offre aucune surprise : c'est toujours Carlos Saura son représentant exclusif. Avec, cette année, un superbe film-ballet, Carmen (un sujet dans le vent de la mode, puisqu'on a pu voir aussi la version filmée des trois Carmen naguère montées par Peter Brook sur la scène des Bouffes du Nord, avant la libre, très libre adaptation de Godard dans Prénom Carmen, et le Carmen-opéra de Francesco Rosi), où Saura retrouve le maître du flamenco Antonio Gadès et révèle une brûlante nouvelle venue, Laura del Sol.

En revanche, l'Australie affirme chaque année davantage son dynamisme. Cette fois, elle nous a offert, d'abord, le seul western de 1983, L'homme à la rivière d'argent, un hymne aux grands espaces où l'on a retrouvé avec plaisir Kirk Douglas dans un double rôle. Et, surtout, un film injustement méprisé par une partie de la critique, parce que sans doute trop commercial dans son romantisme sentimental, mais pourtant passionnant à la fois par son incursion dans la misère asiatique et par le regard porté sur le rôle des journalistes, L'année de tous les dangers, de Peter Weir, histoire d'un reporter découvrant l'Indonésie de Sukarno en 1965. À rapprocher de l'étonnant Boat people tourné en Chine populaire par une Chinoise de Hongkong, Ann Hui, qui montre à la façon d'un reportage romancé l'horreur de la vie quotidienne dans le Viêt-nam d'aujourd'hui.

Restent les deux authentiques chefs-d'œuvre de l'année. Venus, c'est presque rituel, du Japon et de Suède...

Du Japon, curieusement, on attendait l'un des grands, Nagisa Oshima. Mais son Furyo (une coproduction, il est vrai), malgré le beau David Bowie et le subtil Tom Conti, hésite trop entre la violence pure et le clin d'œil racoleur, dans son évocation d'un camp de prisonniers britanniques régi par un Japonais à la fois intransigeant et... amoureux. En revanche, un presque inconnu, dont pourtant, l'année précédente, la brutale Violence est à moi avait attiré l'attention, Shohei Imamura, a créé la sensation, à Cannes, avec la Ballade de Narayama.

Ce récit plus mythique qu'ethnologique nous plonge, dans un Japon rural sans âge, au plus profond d'une vie faite, à la fois, d'instinct animal de survie et de croyances très éthérées. Et l'on n'oubliera plus la douloureuse montée de la vieille Orin juchée sur le dos de son fils, vers cette montagne de Narayama où l'attend, sous la neige, une mort voulue, nécessaire à la survie, en bas, des plus jeunes. Rythmée par les somptueuses images d'une montagne animiste que l'on voit changer au fil des saisons, cette ballade est l'un des plus beaux films de ces dernières années.

Suède

Ce n'est pas la première fois que le bilan d'une année de cinéma se termine par ce pays. Voici, dans ce qu'il prétend être son dernier film — Ingmar Bergman le Suédois. Film testament, film à la gloire d'un bonheur de vivre qu'il faut savoir cueillir dans l'instant, film synthèse de tous les thèmes chers au réalisateur, l'enfance, période privilégiée, la maladie, la vieillesse, la mort, la nature, Dieu, avec lequel, ici, il règle un compte lié à ses souvenirs personnels, et même, à travers le malicieux personnage d'un vieux talmudiste, les clins d'œil d'un au-delà un peu surréel, Fanny et Alexandre, somptueusement filmé, est un véritable régal. Ingmar Bergman, lui, ne vieillit ni ne s'essouffle. Le cinéma non plus, finalement...

Annie Coppermann

Architecture

Les grands projets

Les réalisations voulues exemplaires par le président de la République, annoncées en mars 1982, confirmées en juillet 1983, doivent être, précise-t-il lui-même, « l'occasion d'un renouveau de la création architecturale ». Il s'agit, « d'une part, de mieux ancrer notre pays sur son histoire et de rendre son héritage culturel plus accessible et familier... et, d'autre part, de mieux ouvrir notre pays aux révolutions technologiques en cours et à venir et aux nouveaux modes de communication ».