Jacques Higelin fait sa rentrée début septembre au Casino de Paris : une forme éblouissante, une verve conquérante en font désormais l'un des tout premiers. De son côté, Alain Souchon revient à la chanson après quelques années de cinéma (Je vous aime, Tout feu tout flamme, L'été meurtrier). Champion de la ballade désabusée mais souriante (Allo maman bobo, Rame, Poulailler song), il propose de nouveaux couplets où sa désillusion devant la vie moderne trouve une expression gris-rose, comme les couleurs de son dernier disque (On avance, Saute en l'air). Quelques jours plus tard, Gilbert Bécaud investit l'Olympia : 30 ans de chansons, depuis l'Olympia de 1954, où il déchaîna ses premiers spectateurs. Puis Jean Guidoni, un jeune interprète d'une présence vocale étonnante et enfin Véronique Sanson.

Il fallait bien de tels événements pour secouer cet automne routinier, fataliste. Et triste : certains se souviennent qu'il y a vingt ans, Édith Piaf s'en allait. Il y a cinq ans, Jacques Brel s'éteignait et il y a deux ans, Georges Brassens laissait des milliers d'orphelins.

Le 26 septembre meurt un autre géant de la chanson : Tino Rossi qui avait fêté ses 50 ans de music-hall au Casino de Paris, un an auparavant, là où il fit ses débuts parisiens. Son héritage est considérable : plus de 2 200 sérénades, complaintes, bluettes en tous genres. Plus de 200 millions de disques vendus à travers le monde, dont ses immortels succès : Marinella, O Caterinetta bella, O Corse, île d'amour et Petit Papa Noël. Cette chanson, créée en 1946 dans le film Destins, continue à se vendre chaque année à près de 500 000 exemplaires ! Un score exceptionnel dont rêvent bien des vedettes.

Francois-Régis Barbry

Musique

Un répertoire surtout classique

L'appétit culturel des Français se tourne en priorité vers la musique. Tous les sondages le disent. Mais cette musique tant désirée et tant proposée s'appelle, avant tout, répertoire. Art d'interprétation plus que nul autre, la musique vit sur son passé, ce qui n'empêche pas les compositeurs d'aujourd'hui de déchiffrer l'avenir.

L'année 1983 se distingue par ses commémorations : Rameau, Wagner, Brahms, Webern, Poulenc, Varèse, tandis que, bien qu'aucune rencontre chronologique ne l'explique, Rossini, Verdi, Strauss soient à leur manière également célébrés. Anniversaires de vivants, de morts et de naissances.

Un événement majeur

Première énumération d'où se dégage un fort parfum d'opéra. N'est-ce pas aussi par l'opéra, dont on a tant de fois déploré la disparition, que la création en chair et en os marquera l'année ? On veut parler de l'événement majeur qu'est la représentation au Palais Garnier du Saint François d'Assise d'Olivier Messiaen (28 novembre). Messiaen, le plus grand compositeur en vie, fait ses premiers pas dans le temple de la tradition. Paradoxe ! Pas tant qu'on ne se l'imagine si l'on convient que Messiaen, le patient scripteur du Chant des oiseaux (Saint François), s'est probablement glissé dans la foule des curieux venus, grâce au festival d'Automne, découvrir les musiciens et danseurs aborigènes d'Australie (Bouffes du Nord).

Une ligne droite relie Messiaen à Rameau, autour de laquelle s'est accumulée une pleine année d'opéras et de musiques diverses, d'hier à aujourd'hui. Massimo Bogianckino, le nouvel administrateur de l'Opéra de Paris, a pris la barre, tandis qu'un autre Italien, de même réputation (applaudi déjà à Paris), Pier Luigi Pizzi, pourrait à bon droit être sacré meneur en scène de l'année : Parsifal à Venise pour célébrer Wagner, Lucie de Lammermoor de Donizetti à la Scala de Milan en mars, Les Indes galantes au TMP en mai, Hippolyte et Aricie à Aix-en-Provence en juillet, le seul triomphe des festivals d'été, en attendant pour 1984 la Khovanchtchina de Moussorgski à Paris. Qui opposer à Luigi Pizzi ? Un Béjart inégal, montant la Salomé de Strauss à Genève avec, en vedette, Julia Migenes, la Noire superbe qui sera Carmen dans le film de F. Rosi, ou l'enfant terrible de Moscou, Youri Lioubimov, exhumant le Salammbô de Moussorgski à Naples le 29 mai, ou encore la production vénitienne (1982) de Don Quichotte de Massenet par Piero Faggioni... à l'Opéra d'Avignon ?

Rameau et Wagner

Voici Rameau traité, si l'on ajoute les deux versions concert des mêmes Indes galantes par J.-C. Malgoire (festival de Saint-Denis, 17 juin) et de Pygmalion et Anacréon par les Arts florissants au festival de Vaison-la-Romaine (28-29 juillet), sans compter une demi-douzaine de livres et autant de disques.