Des événements plus modestes — événements quand même — se produisent au fil des mois. Les Chambres approuvent en mars l'institution d'une autorité indépendante qui recevra les plaintes dirigées contre la radio et la télévision. Hedi Lang, ancienne présidente du Conseil national, devient, le 24 mai, à Zurich, la première femme conseiller d'État. Au grand soulagement de la société Hoffmann-La Roche, les 41 fûts de dioxine produite lors de la catastrophe de Seveso sont retrouvés le 19 mai dans le village français d'Anguilcourt.
Le Laufonnais décide, le 11 septembre, par 4 675 voix contre 3 573, de ne pas devenir bâlois, et de rester dans le canton de Berne. Et, le 13, la signature d'un accord met fin, sur le plan matériel du moins, à un drame qui aura profondément secoué les consciences, inquiété les esprits : la société Givaudan et sa filiale italienne Icmesa conviennent de verser 15 millions de FS, à titre de réparation, à la commune de Seveso.
Le 16 octobre, la campagne électorale, qui bat son plein, est marquée par un véritable deuil national. Démissionnaire, mais encore à son poste, le conseiller fédéral Willi Ritschard, chef des Finances, est fauché par un accident cardiaque. Âgé de 65 ans, le socialiste soleurois, monteur en chauffage de son métier, célèbre par ses mots à l'emporte-pièce, avait atteint, malgré ses déconvenues politiques, une exceptionnelle popularité.
La réélection des Chambres le 23 octobre marque un léger glissement à droite. Les radicaux deviennent le groupe le plus nombreux, tandis que les socialistes reculent modérément, que les Verts doux passent de 1 à 4 sièges et que le parti du Travail doit se contenter désormais d'un unique député. Le choix de deux nouveaux conseillers fédéraux pourra réserver des surprises quant aux personnes ; la formule magique du gouvernement ne sera pas mise en cause par un Parlement semblable au précédent.
Jean-Marie Vodoz
URSS
Le style Andropov
Bien que treize mois et demi à la tête du pays soient insuffisants pour bénéficier d'une toute-puissance, Youri Andropov peut déjà se targuer d'être le seul maître de l'URSS. Concentrant entre ses mains tous les pouvoirs, il procède, lentement mais sûrement, au limogeage d'une partie de la Nomenklatura, premier stade d'une stratégie qui devrait lui permettre d'imposer sa politique. De cette dernière, on ne connaît pas encore toutes les facettes. Mais une chose est sûre, l'ère Andropov se caractérise — pour l'instant — par trois mots : patience, résolution et pragmatisme.
Fin politique, formé à l'école du KGB, Youri Andropov sait que, pour asseoir son pouvoir, il doit éloigner ses rivaux, les remplacer par des fidèles et assumer la direction des principaux leviers de commande. Il doit aussi, simultanément, souligner, à l'adresse de son opinion et de l'Occident, le bien-fondé de cette remise en ordre, sur le plan économique notamment. Le bilan du combat qu'il mène depuis sa nomination à la tête du parti, le 12 novembre 1982, est positif, sinon spectaculaire.
Seul handicap du chef de l'État, tout relatif dans le cadre de cette gérontocratie que reste le gouvernement soviétique : sa santé médiocre. On en parle dès février lors d'une modification de dernière minute du programme du ministre français Claude Cheysson, en visite à Moscou, puis en mars à l'issue d'une courte absence, due, semble-t-il, à une hospitalisation. Le sujet est de nouveau à la une des journaux en juin, alors que, recevant le président finlandais, Youri Andropov apparaît, dans les salons du Kremlin, soutenu par deux personnes. Le numéro un soviétique (qui fête son 69e anniversaire le 15 juin) doit, contrairement à l'usage, s'asseoir pour prononcer son allocution, et des témoins rapportent le tremblement inhabituel de ses mains. Ce qui alimente la rumeur selon laquelle il serait atteint de la maladie de Parkinson, alors que d'autres sources affirment qu'il souffrirait de troubles rénaux et cardiaques, et de diabète.
Qu'elles soient vérifiées ou non, ces multiples maladies n'empêchent pas Youri Andropov (dont tous les interlocuteurs — Claude Cheysson en tête — vantent les capacités intellectuelles) de donner l'impression d'être partout, de tout superviser, tout en cumulant les plus hautes charges. En effet, alors que Leonid Brejnev avait mis treize ans pour ajouter à sa fonction de secrétaire général du Parti le titre de chef de l'État, le nouveau maître de l'URSS y parvient en moins de huit mois. Il est élu le 16 juin président du Praesidium du Soviet suprême. Comme lors de son élection à la tête du PCUS, c'est à Constantin Tchernenko, numéro deux du parti et son rival malheureux lors de la guerre de succession, que revient le soin de proposer son nom et de rendre hommage aux « qualités humaines et à l'expérience » de ce « chef exceptionnel ».
Tous les pouvoirs
Quelques semaines auparavant, Youri Andropov avait déjà consolidé son pouvoir et son influence en assumant le poste de président du Conseil national de défense, organisme militaire suprême, auquel n'avait accédé L. Brejnev qu'après être devenu chef d'État.