Relations sociales
Atonie des relations syndicats-patrons
Une diminution spectaculaire du nombre des conflits, le gel des négociations, une désunion syndicale plus forte que jamais, un attentisme politique de toutes les confédérations syndicales à l'exception de la CGT, dont l'appareil se mobilise pour Georges Marchais. Mais, finalement, après le succès de François Mitterrand, une relance générale des discussions sociales, des mesures sociales immédiates substantielles, l'annonce de profondes réformes de structure, telles sont les caractéristiques contrastées d'une situation qui s'est paradoxalement retournée à partir du succès politique de la gauche, auquel aucun syndicaliste ne croyait vraiment.
Apathie
Craintes pour l'emploi, démobilisation des militants devant les désaccords des états-majors, durcissement patronal et gouvernemental, effacement progressif du social devant le développement de la campagne électorale : les raisons ne manquent pas pour expliquer l'atonie des relations sociales.
Çà et là, quelques conflits durs mais ponctuels contrastent avec l'absence générale de luttes réelles. Ils sont parfois sanctionnés par un succès partiel, comme chez Dufour (Montreuil), où l'occupation de l'usine aboutit à une reprise de l'activité malgré les polémiques entre la CFDT et la CGT, qui n'admet pas qu'en plein fief communiste le pilotage du conflit lui échappe.
Mais le plus souvent l'épreuve de force échoue. Les marins-pêcheurs, menacés de réduction des effectifs par les armateurs, décident au cours de l'été de bloquer les principaux ports de pêche français. Mais l'intervention, parfois brutale, de la marine nationale et la politique de fermeté préconisée par les pouvoirs publics conduisent les marins-pêcheurs à cesser leur mouvement sans avoir pu obtenir de garanties sur l'emploi.
Malgré les bilans flatteurs de la CGT sur le nombre de salariés concernés par les conflits ou les secteurs et départements dans lesquels des actions sont menées, l'heure est à l'apathie. L'action revendicative reste à l'état de projet. C'est le cas de la campagne organisée par la CFDT en faveur de la création d'emplois, tout comme les actions envisagées par la CGT en vue de la défense du pouvoir d'achat ou du soutien à l'automobile. Les journées organisées par le secteur public (à la RATP, chez les enseignants, les chercheurs) ne dépassent pas le stade de la protestation de principe, et les tentatives plus sérieuses de grève, comme chez les mineurs de Lorraine, échouent.
La négociation sur la diminution et l'aménagement du temps de travail, relancée au premier semestre 1980 par l'intermédiaire de Pierre Giraudet, s'enlise définitivement au cours de l'été. Tout en rendant hommage au rapport établi par le président d'Air France, François Ceyrac écarte l'adoption de ses conclusions : « le rapport Giraudet a fait avancer les choses, mais il ne doit pas emprisonner définitivement les gens de bonne volonté ».
Les syndicats eux-mêmes ne cachent ni leurs hésitations ni leurs divisions : tandis qu'André Bergeron se polarise sur la 5e semaine de congés payés, la CFDT met l'accent sur des réductions d'horaires différenciées suivant les branches et les catégories, et la CGT marque son hostilité à abandonner la législation héritée de 1936. Ainsi, dans l'embarras et le silence, tous les partenaires décident de surseoir à la relance d'une négociation ouverte depuis 900 jours.
Crise
La diminution des effectifs de toutes les confédérations et surtout de la CGT (elle passe de 2 400 000 adhérents vers 1970 à moins de 1 500 000 en 1981) autorise-t-elle à parler de crise du syndicalisme ?
– Les élections professionnelles ne traduisent aucun recul global des grandes confédérations, mais simplement une lente modification du rapport des forces qui se fait aux dépens de a CGT et, suivant les branches, au profit de la CFDT et ce FO.
– Tout en pressentant l'importance de l'opinion dans la vie sociale, les syndicats ont du mal à abandonner une vision engagée et unilatérale de la communication sociale : le cas de la radio libre Lorraine, cœur d'acier, reprise brutalement en main par l'appareil de la CGT, a valeur d'exemple. Il témoigne de la difficulté qu'ont tous les appareils syndicaux à représenter les aspirations diffuses, parfois contradictoires, venues de la base.