– La segmentation du marché du travail, créant de nouvelles catégories (les travailleurs intérimaires, les titulaires de contrat à durée déterminée, les vacataires) qui s'intègrent ma dans les structures syndicales classiques, conduit à la remise en cause des modes traditionnels d'organisation et à des pertes évidentes d'influence.
Toutes les confédérations syndicales adoptent un ton mesuré à l'occasion de l'élection présidentielle, à l'exception de la CGT ; celle-ci multiplie les prises de positions en faveur du candidat communiste et les opérations coup de poing parallèles à celles du PCF sur la drogue et les immigrés. Tirant les leçons de son recentrage, la CFDT, qui, jusqu'à la veille du second tour, ne croit guère au succès de François Mitterrand et veut incarner de façon visible une ligne d'action d'une nature différente de la CGT, marque sa volonté de distinguer le rôle des syndicats et des partis. Elle ne cache pas son orientation à gauche, mais ne prononce pas le nom de François Mitterrand avant le deuxième tour. De surcroît, elle réaffirme constamment son scepticisme à l'égard de l'action politique. Dans un style tout différent, la CGC fait planer la menace de présentation d'un candidat à l'élection présidentielle. Toutefois, reçue en début de l'année par le président Giscard puis par le Premier ministre Raymond Barre, elle renonce finalement à son projet.
De son côté, dès la déclaration de candidature de Georges Marchais à l'automne 1980, la CGT souligne l'identité de vues entre ses positions et celles du PCF. Même si le nom du candidat communiste n'est pas prononcé, personne ne s'y trompe. D'ailleurs, très vite, Henri Krasucki, le numéro 2 de la CGT, ne cache pas que « le seul candidat des travailleurs » est Georges Marchais. Cette mobilisation suscite la protestation de plusieurs organisations : Fédération des finances, des officiers de la marine marchande, du personnel pénitentiaire, de l'ONIC, des impôts, sans compter celle des militants socialistes comme Claude Germon, membre de la commission exécutive. La contestation se développe d'ailleurs à plusieurs niveaux. Une pétition « pour l'unité dans les luttes », soutenue par deux membres du bureau confédéral, Jacqueline Lambert et René Buhl, d'ailleurs démissionnaires en décembre, recueille plus de 160 000 signatures.
Après les affaires d'Afghanistan et de Pologne, elle demande l'ouverture d'un débat démocratique dans la CGT et dénonce « les comportements anti-unitaires » et « le glissement sur des positions partisanes et électoralistes » de la direction confédérale. Mais cette opposition ne modifie en rien la ligne confédérale, au moins jusqu'au soir du premier tour. « Tout ce tapage, affirme Henri Krasucki, s'est heurté à la réalité des choses et à la réplique puissante de la CGT. »
Retournement
Dans la semaine qui suit les résultats du premier tour de l'élection présidentielle, un double changement s'opère :
– La CGT, soucieuse de restaurer son unité à bon compte, appelle immédiatement à voter pour François Mitterrand, mais insiste sans complaisance sur le flou du programme socialiste et sur le refus de toute allégeance au candidat de la gauche. Elle affirme : « Il n'y a pas de trêve sociale ou électorale lorsque des problèmes revendicatifs urgents se posent. » Ce soutien, assorti d'allusions voilées à l'éventualité de grèves, suscite chez certains des doutes quant à la volonté de la CGT de soutenir réellement le candidat de la gauche ;
– La CFDT, rompant en souplesse avec sa prudence précédente, se déclare clairement « pour un président de gauche ». « Nous sommes très proches de François Mitterrand », souligne Edmond Maire.
Aussi, en fin de compte, le mouvement syndical se partage en deux blocs bien tranchés : tandis que la CGT, la CFDT et surtout la FEN, qui paraît paradoxalement la plus fervente à soutenir F. Mitterrand, prennent clairement parti, FO, CFTC et CGC demeurent fidèles à leur tradition d'apolitisme.
Immédiatement après la prise de fonctions du nouveau président de la République et la nomination du gouvernement Mauroy, tous les syndicats sont reçus à l'Élysée, puis à Matignon et dans les principaux ministères.