L'effort de simplification se porte vers les forces de la nature, naguère considérées comme étant au nombre de quatre et réduites à trois depuis l'unification des interactions faible et électromagnétique. L'objectif des théoriciens est d'y adjoindre l'interaction forte et peut-être la gravité ; celui des expérimentateurs, de disposer bientôt des machines plus puissantes en projet ou en cours d'aménagement, comme par exemple l'anneau de collisions proton-antiproton du CERN, qui doit entrer en service en 1981.
La vie
Biologie
Le rapport « Science de la vie et société » prévoit un plan d'ensemble pour la biotechnologie
À l'issue de la mission qui leur avait été confiée par le président de la République, les professeurs François Gros, François Jacob et Pierre Royer ont remis, le 12 novembre 1979, un rapport intitulé Sciences de la vie et société. Il propose à la bio-industrie et à la biotechnologie françaises des axes de développement raisonnes pour les vingt années à venir, compte tenu des ressources humaines (chercheurs) et techniques (appareillages, laboratoires) disponibles actuellement.
L'ouvrage est divisé en cinq parties. La première est un inventaire des connaissances de base en 1979 : biologie de la cellule (procaryote et eucaryote) et de ses constituants, biologie de l'organisme, interaction des organismes entre eux et avec leur milieu. Sont notamment développés les effets des hormones et des facteurs métaboliques limitants, la biologie des sols, les gènes de régulation.
Le chapitre suivant est consacré aux interactions de la recherche biologique avec la médecine, l'agronomie et l'océanographie. Les parties trois et quatre forment le noyau de l'ouvrage. Les auteurs y décrivent en détail les technologies qui devraient d'ici la fin du siècle transformer profondément la production agro-alimentaire, la pharmacologie et la production d'énergie par conversion biologique. La conclusion générale, consacrée à des prévisions sur les interactions biologie-société, forme la cinquième partie. Malgré les difficultés d'un projet aussi vaste et compte tenu de la brièveté du délai imparti, malgré les multiples apports partiels d'autres spécialistes à la rédaction du rapport, une idée centrale sous-tend l'ensemble du rapport : l'unité du vivant. Les sciences de la vie forment un tout cohérent. Ce thème central conditionne les propositions d'une stratégie d'ensemble de la recherche fondamentale.
La recherche appliquée s'appuie sur quatre techniques de base :
– utilisation directe des bactéries et levures, en leur faisant fabriquer à haut rendement, principalement par fermentation, des produits qu'elles synthétisent naturellement ;
– utilisation de bactéries dont le génome a été modifié par recombinaison génétique ;
– culture de cellules eucaryotes animales et végétales ;
– génie enzymatique, c'est-à-dire utilisation d'enzymes insolubilisées ou piégées dans un support et capables de fonctionner en consommant très peu d'énergie.
Agro-alimentaire
Le très important déficit alimentaire mondial incite à chercher de nouvelles sources de protéines et de sucres pour les hommes et le bétail. Dans la décennie 70, le pays le plus avancé dans ce domaine, le Japon, a misé sur l'utilisation systématique de la fermentation. Un criblage de 4 000 souches bactériennes a permis de découvrir un micro-organisme qui fabrique l'acide glutamique (acide aminé indispensable) et qui, dépourvu de membrane cellulaire, laisse diffuser cet acide dans le milieu de culture ; l'acide glutamique peut donc être récupéré sans que l'on tue la bactérie. Cette technique a été généralisée et, en 1979, le Japon produisait par fermentation une vingtaine d'acides aminés pour 80 % de la production mondiale. Dans les projets de POU (protéines d'organismes unicellulaires) qui se développent dans d'autres pays (États-Unis, Canada, Grande-Bretagne, Scandinavie, Suisse, France...), la production artificielle de biomasses alimentaires met à contribution d'autres micro-organismes : levures et microchampignons, micro-algues. Peu à peu, les substrats à base de dérivés du pétrole (paraffines) sont remplacés par d'autres matières premières : méthanol, substances cellulosiques (paille, bagasse de canne à sucre), déchets agricoles et industriels (liqueurs sulfitiques de papeteries, lactosérum). D'autres projets tirent parti des eaux usées : les protéines seront produites par des algues unicellulaires, seules ou associées à des bactéries, ou encore, en pays tropicaux, par la jacinthe d'eau.