Bourse
Le retour au libéralisme donne le signal du réveil
La reprise enregistrée depuis les élections législatives dépasse déjà 30 % à la veille de l'été 1978. Une reprise qui exprime parfaitement le soulagement de la Bourse devant les résultats du scrutin et le rejet des menaces de nationalisation, mais tient compte aussi, dans une certaine mesure, des nouvelles orientations données à la politique économique.
La nomination de René Monory au ministère de l'Économie avait été bien accueillie. L'annonce du retour à la liberté des prix vient renforcer cette confiance. Un élément technique s'y ajoute bientôt, l'adoption de la loi Monory visant à encourager les achats d'actions en offrant aux personnes physiques la possibilité de déduire de leur revenu imposable une somme de 5 000 F par an consacrée à l'achat d'actions françaises cotées à la Bourse, somme majorée de 500 F pour chacun des deux premiers enfants à charge et de 1 000 F par enfant à partir du troisième, sous réserve que cet investissement corresponde réellement à une augmentation du portefeuille. Il s'agit de répondre à l'intention de Raymond Barre de réconcilier les Français avec leur industrie, de faire d'eux les propriétaires de la France, y compris de la France industrielle, tout en renforçant la situation financière des entreprises.
Cela coïncide avec la baisse du loyer de l'argent. Les taux du marché monétaire au jour le jour, qui se maintenaient à 10,5 % à la veille des élections pour défendre le franc, sont déjà revenus en dessous de 8 %. Le taux de base bancaire est abaissé en juillet de 9,30 % à 9,05 %, favorisant un nouvel envol des cours, de l'ordre de 14 % selon l'indice de la Compagnie des agents de change, qui déborde début août le niveau de 85 (base 100 fin 1961).
La loi Monory
Le marché marque alors une pause pour repartir de plus belle en septembre avec un élargissement considérable du volume d'affaires. La réserve initiale qui a accueilli la loi Monory, s'adressant davantage à une clientèle de nouveaux actionnaires qu'aux fidèles de la Bourse, est en effet vite effacée, sinon balayée par la campagne qui se développe. Les banques jouent le jeu sous la conduite de la BNP, créent de nouvelles Sicav investies à 60 % au moins en valeurs françaises pour bénéficier de la loi, invitent leur clientèle à se tourner vers le marché des actions.
Sans doute y a-t-il dénaturation, ou du moins confusion. De part de société, l'action devient produit fiscal. Mais le résultat est là, puisque les cours progressent de nouveau en septembre, dans un climat fiévreux où l'on craint un moment le manque de papier, la pénurie d'actions. Le raisonnement est simple : si René Monory a raison, un million de nouveaux actionnaires vont acheter 5 000 F d'actions. Cela fait 5 milliards d'argent frais à absorber avant la fin de l'année, à raison d'une vingtaine de séances par mois. Le temps compte. Mieux vaut acheter tout de suite. Cela d'autant plus que s'accentue la décrue des taux d'intérêt : bientôt moins de 7 % au jour le jour et 8,90 % pour le taux de base bancaire, à l'inverse de ce qui se passe aux États-Unis où le marché faiblit malgré l'issue favorable des entretiens qui réunissent, à Camp David, Carter, Sadate et Begin.
Augmentations de capital
Mais les arbres ne montent pas au ciel et, si les cours culminent fin septembre à 93,1, la décrue s'amorce bien vite. Il y a au moins trois raisons à cela. D'abord, la faculté offerte aux Sicav de reporter au premier trimestre 1979 les achats effectués avec les sommes recueillies dans le cadre de la loi Monory. Ensuite, la faiblesse de Wall Street, premier marché financier du monde, qui s'accentue en octobre devant la hausse des taux et la baisse du dollar ; celui-ci ira jusqu'à fléchir en dessous de 4 F, tandis que l'or établira de nouveaux cours records au-dessus de 240 dollars l'once, avant que le président Carter ne mette au point un plan de soutien de sa monnaie. Enfin et surtout, le flux des augmentations de capital qui viennent drainer une fraction importante des liquidités nouvellement orientées vers le marché et permettent à la Bourse de jouer à nouveau son rôle.