Le ton avait été donné à la veille des vacances par la CGE. Son exemple est rapidement suivi par certaines des plus grandes sociétés comme la Française des pétroles ou Saint-Gobain-Pont-à-Mousson, qui sollicitent chacune près de 600 millions de F, mais aussi Lafarge, Ferodo, les Machines Bull, Thomson CSF, l'Oréal ou la Lyonnaise des eaux, pour ne parler que des affaires les plus importantes. Les capitaux disponibles n'ont dans ces conditions aucun mal à s'employer et le marché peut consolider sans peine une hausse qui reste exceptionnelle, tout en faisant preuve à nouveau d'une certaine sélectivité.
Le vaste éventail des affaires cotées n'offre pas en effet un attrait uniforme. Certains secteurs restent dans une situation catastrophique, comme la sidérurgie, dont l'état critique conduit le gouvernement à mettre en œuvre un plan d'assainissement financier. Les pouvoirs publics prennent le contrôle de fait du secteur, même si le mot de nationalisation n'est pas prononcé. Une restructuration industrielle s'y. ajoute, qui entraînera regroupements, fermetures d'usines, licenciements.
Le textile n'est, lui-même, pas encore sorti d'affaire qui voit les Willot reprendre Boussac, alors que l'automobile fait au contraire toujours preuve de brio au point que Peugeot-Citroën peut annoncer la reprise des filiales européennes de Chrysler. Matra, qui a d'ailleurs un pied dans l'automobile, n'a rien à lui envier et demeure l'une des vedettes du marché. Une faveur que ne peut que conforter son entrée dans Manurhin et Europe no 1. Les magasins connaissent aussi un redressement remarquable, à commencer par le Printemps, dont le retour à l'ère bénéficiaire est plus rapide et sensible que prévu. Ce qui est également vrai, dans un autre domaine, de Béghin-Say.
Crise iranienne
La Bourse ne peut, de plus, rester insensible à l'évolution de la situation internationale. Le succès du sommet monétaire européen de décembre est une chose. La conférence de l'OPEP qui fixe à 14,5 % la hausse globale du prix du baril en 1979 en est une autre, de même que la tension qui se manifeste en Iran où le chah doit en janvier céder la place à l'ayatollah Khomeiny. Ce qui met aussitôt le lingot à près de 32 000 F, et bientôt à plus de 33 000 F.
Les fournitures iraniennes de brut sont en effet suspendues, la peur de la pénurie s'installe en Occident, les prix grimpent sur le marché libre de Rotterdam. Avec pour corollaire une hausse de l'or qui déborde, début février, le seuil de 250 dollars l'once sur le marché international. Le lingot atteint à Paris 34 000 F et les cours plongent sur les différentes places mondiales. La traditionnelle reprise technique de janvier a tourné court. Le repli est d'autant plus sensible que monte la tension sociale, notamment dans les régions sidérurgiques où pèse la menace de licenciements. Il ne manque plus que le bruit des armes. C'est chose acquise fin février 1979 avec le conflit sino-vietnamien.
Une grève dure
Survient à point nommé la grève de la Bourse. Une grève qui revêt d'emblée le caractère d'un conflit dur. Échaudés par les crises précédentes, les agents de change n'ont pas l'intention de céder aux revendications du personnel, revendications légitimes sans doute mais difficiles à expliquer, voire à justifier à l'extérieur si l'on songe que la profession a connu en 1978 une année exceptionnellement favorable alors que dans le même temps certaines industries se trouvent dans une situation réellement dramatique. Les maladresses accumulées de part et d'autre laissent craindre un conflit prolongé. L'interruption des cotations durera de fait plus d'un mois. Une interruption qui n'est certes pas totale. Les agents de change recourent en effet à la procédure spéciale qui permet d'assurer un service minimal, en l'occurrence la négociation des valeurs du terme dans un lieu autre que la Bourse. Considérée par les syndicats comme une atteinte au droit de grève, cette initiative n'est pas de nature à apaiser les tensions.
Pétrolières en vedette
Mais tout a une fin. Il faut bien négocier, céder et reprendre le travail à l'approche de Pâques, cela à des cours en hausse. L'Iran reprend ses approvisionnements, et, pour inquiétant qu'il soit, le déficit qui subsiste entre production et besoins n'est plus de nature à justifier un pessimisme excessif. Ni d'ailleurs un optimisme inconditionnel. Devant les cours pratiqués sur le marché libre, les pays producteurs relèvent leurs tarifs. Dans le désordre, en attendant la conférence de l'OPEP prévue pour le mois de juin.