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Presse : les années charnières

L'heure de vérité sonnera-telle pour la presse française en 1976 comme le pense le Premier ministre Jacques Chirac ? La fièvre n'est pas retombée après la crise qui l'a sérieusement malmenée au cours des précédentes années : tous les problèmes qu'elle connaît actuellement ont pour origine des conflits antérieurs. De la façon dont elle s'applique à les résoudre dépendent son existence et son indépendance elle aborde les années charnières.

– Le Parisien libéré. Tandis qu'Emilien Amaury dispose de trois imprimeries à Évry, à Chartres et à Saint-Ouen pour confectionner le Parisien libéré et les éditions régionales qu'il reprend progressivement, les ouvriers occupent toujours les locaux de la rue d'Enghien. Leur exaspération croît devant le pourrissement d'un conflit dont on ne voit pas l'issue (Journal de l'année 1974-75). Les manifestations qu'ils entreprennent (à l'arrivée du Tour de France ; à la Bourse, où ils interrompent les cotations et où deux personnes sont victimes de crise cardiaque ; en occupant les tours de Notre-Dame, le paquebot France ou l'hôtel de ville de Saint-Étienne) n'ont aucune influence sur la reprise des négociations. Pire môme : les grèves qui empêchent la parution des quotidiens (pour la huitième fois le 20 février) rencontrent l'indifférence quasi générale des lecteurs mais provoquent la réprobation des journaux qui connaissent déjà suffisamment de difficultés financières. Entre ce qu'ils estiment être les temps forts de leur action, les ouvriers interceptent des véhicules transportant des exemplaires du Parisien libéré, en gênant la vente, appellent à des manifestations les ouvriers syndiqués qui interrompent alors leur travail. Le syndicat de la presse parisienne constitue un comité au niveau des directeurs de journaux, afin de prendre des dispositions face à ces états de fait, et une commission d'enquête parlementaire est créée sur les entraves que peuvent subir les organes de presse lors de leur fabrication ou lors de leur diffusion.

– Le Figaro. Au quotidien du rond-point des Champs-Élysées qu'il acquiert le 30 juillet 1975 pour un prix total de 70 millions de F, échelonnés en plusieurs versements, Robert Hersant procède à une restructuration de l'entreprise ; 56 rédacteurs s'en vont en faisant jouer la clause de conscience et 23 autres sont licenciés. Habitué à provoquer la tempête, Robert Hersant oppose à tous les remous l'alternative : licenciement ou fermeture. Le comité d'entreprise engage une action en référé contre son plan et demande la désignation d'un expert, mais le tribunal civil de Paris se déclare incompétent. Parmi les projets de Robert Hersant la réalisation du Figaro dans sept imprimeries de province, ce qui supprimera l'édition actuellement imprimée l'après-midi et acheminée en fin de journée et la nuit. Là encore des licenciements sont à prévoir pour s'adapter aux nouvelles normes de fabrication.

– Paris-Normandie. Après le Figaro, le plus beau fleuron de la couronne de Robert Hersant, Paris-Normandie, qu'il a acquis en 1972, renâcle. D'abord, à propos du 13e mois. À la suite de difficultés de trésorerie, le personnel est avisé qu'il ne pourra pas être réglé avant la fin de l'année. Une action en référé est engagée. Le tribunal décide qu'une provision de 50 % doit être versée et qu'un expert comptable doit être nommé pour examiner les comptes en cas de non-paiement au 31 décembre. Cette mesure a un effet dissuasif certain ; tout rentre dans l'ordre.

Les syndicats s'émeuvent encore lorsque deux journalistes de Paris-Normandie sont inculpés d'injure, diffamation et vol de documents à la suite de la publication d'un livre noir critiquant la gestion depuis l'arrivée de Robert Hersant, et lorsque celui-ci annonce son intention de fermer le bureau parisien du journal ; R. Hersant estime, en effet, que ce bureau fait double emploi avec son agence destinée à fournir des informations à tous les journaux de son groupe.

– Groupe Prouvost. Le comité d'entreprise du Groupe Prouvost (Paris-Match, Télé 7 Jours, Marie-Claire, la Maison de Marie-Claire, Parents, Cosmopolitan, Madame Fouineuse) demande à être informé sur les tractations que mène Jean Prouvost. En effet, celui que tous ses collaborateurs et ses anciens collaborateurs, dont Philippe Bcegner, appellent le Patron a 91 ans et des fissures apparaissent dans l'empire de presse qu'il a bâti. La librairie Hachette acquiert, en juin, Télé 7 Jours (dont elle possédait déjà la moitié des actions), Paris-Match et Parents. Par contre, les magazines féminins (Marie-Claire, la Maison de Marie-Claire, Madame Fouineuse et Cent-Idées) restent sous le contrôle des petites-filles de Jean Prouvost.