L'affaire Dim constitue l'une des rares modifications de structures intervenues depuis deux ans. L'opération la plus spectaculaire de l'année a été la fusion quelque peu surprenante de Sommer (revêtements de sols) avec Allibert (transformateur de plastique), les deux firmes n'ayant apparemment en commun que leur dimension (400 millions de francs de CA) et la forte personnalité de leurs patrons.
Ailleurs, Bidermann (confection masculine) a pris le contrôle de Prouvost-Crépy et monté une usine en Grèce ; La Redoute a acheté 70 % des parts des magasins Prémaman. Les Anglais ont, comme dans l'alimentation, fait preuve d'une certaine agressivité : rachat de TRICOSA par Selincourt, du CCC par Acrecrest, des 100 000 Chemises par Great Universal Stores, de l'Aiglon par Griffiths Benitdley. La fin de l'année 1973 est marquée d'un point d'interrogation. La production se maintiendra-t-elle à un niveau aussi élevé ? Les grèves contre le salaire au rendement, comme celles de mars chez Coframaille (groupe Willot) et chez Boussac, n'auront-elles pas tendance à se multiplier ?
Deux problèmes de politique économique se posent enfin : l'ouverture, en septembre 1972, d'une grande négociation sur le commerce international textile et les conséquences de l'élargissement de la CEE.
L'élargissement de la CEE dresse les Français contre les Britanniques : les Anglais, gros importateurs d'articles de Hongkong, d'Inde, du Pakistan, voudraient nous voir partager le fardeau que constituent ces importations, qualifiées par les Français d'anormales. Elles représentent en effet actuellement 58 % de leur production de tissus de coton, contre 12 % de la nôtre !
La grande négociation internationale serait destinée à introduire des règles dans un commerce mondial chaotique. Mais ne sera-t-on pas tenté, comme semblent le souhaiter les autorités de Bruxelles, de favoriser le commerce naissant des pays de l'Est et des pays en voie de développement, ce qui reviendrait à pénaliser les pays occidentaux, dont les coûts de fabrication sont nettement plus élevés ?
En toute hypothèse, la France ne maintiendra sa position internationale qu'en se concentrant sur ses productions spécialisées : les articles en laine peignée, les cotonnades fines (sous-vêtements notamment), le jersey et, plus généralement, la mode.
Laissons donc le tapis aux Belges, les draps aux Polonais et le shetland à Macao.
Distribution
L'évolution commerciale dans une nouvelle phase
L'appareil commercial est loin d'être figé, même en période calme, lorsque aucune mutation grave n'est en gestation : bon an, mal an, il s'ouvre et se ferme environ 60 000 boutiques ou magasins.
Depuis 1968, il s'en fermait tous les ans beaucoup plus qu'il ne s'en ouvrait : en quatre ans, 27 738 points de vente ont ainsi disparu. Pour la première fois depuis cette date, en 1972, le solde de ces ouvertures et de ces fermetures est de nouveau positif : il y avait, au 31 décembre 1972, 5 253 commerces de plus qu'un an plus tôt. Est-ce à dire que les mutations brutales qui ont secoué l'univers commercial sont maintenant terminées, et que le désespoir et la colère des petits patrons, victimes de la distribution de masse, n'ont plus aucune raison d'être ? La réalité est plus complexe. Certaines branches, et tout spécialement l'épicerie et l'alimentation générale, continuent à subir le contrecoup des changements économiques : créations de supermarchés et d'hypermarchés, exode rural qui a vidé les campagnes pour grossir démesurément certaines agglomérations, modifications d'habitudes d'une clientèle toujours plus motorisée, nécessité pour faire face à la concurrence d'une compétence accrue du commerçant en matière de gestion, etc. En revanche, d'autres branches du petit commerce connaissent une expansion régulière : produits d'hygiène et de beauté, vêtements, articles de sports et de loisirs, appareils électroménagers, par exemple.
Aide
Il reste des cas sociaux fort douloureux : petits commerçants des campagnes dont le fonds ne vaut plus rien et qui se retrouvent, déjà vieillis, pauvres comme Job. L'action de Gérard Nicoud et de ses fidèles a contraint les pouvoirs publics à les aider et à faciliter les mutations du petit commerce. Une « aide spéciale compensatrice » financée par la solidarité professionnelle et par une taxe sur les grandes surfaces facilitera quelque peu le départ à la retraite des commerçants âgés, et les ouvertures d'hypermarchés seront plus que jamais soumises à approbation. Un projet de loi d'orientation du commerce (fait d'incitations diverses à la formation, à la reconversion, à la modernisation et d'une meilleure réglementation de la concurrence) complète l'action en faveur des petits commerçants. Le gouvernement ne pouvait guère aller plus loin pour se concilier les bonnes grâces électorales des travailleurs indépendants.