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Énergie

Les pays développés sont menacés de pénurie

Des écoles, des usines arrêtées faute de chauffage ; des stations-service fermées parce que l'essence manque... De tels incidents, observés aux États-Unis depuis l'hiver 1972-73, étaient absolument sans précédent chez le plus gros producteur et consommateur – voire gaspilleur – d'énergie.

Ces faits dépeignent la situation nouvelle où les États-Unis, et les pays développés, sont entrés désormais : celle d'une pénurie croissante de ressources énergétiques, se traduisant économiquement par une inéluctable hausse des prix.

Pollution

Les causes de ce déséquilibre étaient prévisibles, même si elles ont tardé à se manifester. Les gisements américains d'hydrocarbures (pétrole et surtout gaz naturel) sont exploités intensément et depuis longtemps, de sorte que la découverte de ressources nouvelles est de plus en plus difficile, et leur mise en production de plus en plus coûteuse.

La hantise de la pollution multiplie les obstacles : on a hésité, longtemps, à violer la nature vierge de l'Alaska par des pipelines qui achemineraient vers le sud le pétrole du cercle polaire. On refuse, par crainte des fumées corrosives, de brûler dans les centrales électriques le charbon et le pétrole sulfureux, qui sont les plus abondants. On ne sait plus où implanter les raffineries. Enfin, la croissance des besoins ne donne aucun signe de ralentissement, alors que l'énergie atomique arrive en retard aux rendez-vous.

Importations

La pénurie qui menace les États-Unis menace par voie de conséquence le reste du monde. Alors que, historiquement, le continent américain se suffisait en énergie, il va se porter désormais importateur sur le marché mondial, pour des quantités rapidement croissantes et considérables. Décision révélatrice, le président Nixon a levé, en mars 1973, le système de contingents qui protégeait les producteurs américains de pétrole contre les importations.

On estime que, vers 1980, les États-Unis importeront la moitié des énormes quantités qu'ils consommeront alors. D'où ce flot d'hydrocarbures viendra-t-il ? Peut-être en partie de l'URSS, avec laquelle les États-Unis sont décidés maintenant à commercer sur une vaste échelle, et qui dispose d'immenses réserves de gaz naturel (transportable après liquéfaction). Mais, pour le pétrole, le seul fournisseur capable de répondre à cette demande massive est le Moyen-Orient, qui détient 60 % des réserves de la planète. Or, c'est déjà là que s'approvisionnent les autres gros consommateurs, Europe et Japon, beaucoup plus pauvres en ressources propres, et dont la consommation, elle aussi, s'accroît rapidement. L'URSS elle-même pourrait un jour y faire appel. Bref, le Moyen-Orient, c'est le seul sauveur possible pour un monde assoiffé de pétrole.

Augmentations

Les conséquences de telles perspectives se font déjà sentir. L'autorité nouvelle dont disposent les États producteurs du Moyen-Orient face aux compagnies pétrolières internationales s'était déjà manifestée en 1971 par les accords de Téhéran et de Tripoli, qui avaient relevé massivement les redevances pétrolières payées aux États. Dès janvier 1972, un troisième accord, signé à Genève, relevait encore les prix de 8,5 %, pour compenser la dévaluation du dollar d'août 1971. À la fin du printemps 1973, la question des prix, avec la nouvelle dévaluation du dollar, était de nouveau remise en question par les pays producteurs. Le 2 juin, un nouvel accord était signé entre l'OPEP et les compagnies, prévoyant, entre autres, une hausse de 11,9 % du prix du pétrole.

Nationalisations

Des négociations s'étaient ouvertes parallèlement sur une autre revendication, plus fondamentale encore, des producteurs : la participation au capital des sociétés exploitantes. Elles ont abouti en octobre 1972 à un accord signé à New York et qui prévoit l'octroi d'une participation de 25 %, devant être portée par paliers à 51 % d'ici à 1982.

Cet accord général est d'ailleurs déjà dépassé de toutes parts, chaque pays s'efforçant d'aller un peu plus loin que les autres : ainsi, la Libye a-t-elle purement et simplement nationalisé en décembre 1971 les gisements détenus par la British Petroleum ; l'Iraq a nationalisé en juin 1972 le riche gisement de Kirkouk, fleuron franco-anglais ; enfin, l'Iran – après une négociation conclue à Saint-Moritz par le chah lui-même – a pratiquement remis la main sur ses richesses pétrolières, achevant la révolution entreprise sans succès par Mohamed Mossadegh en 1951.

Investissements

Il n'y a donc plus d'illusions à se faire : les pays du Moyen-Orient sont désormais en position de force, et décidés à en jouer. D'ores et déjà, on voit se gonfler la vague sans précédent de revenus financiers qui va s'abattre sur eux. Dans les cinq ans qui viennent, les producteurs vont recevoir la somme colossale de 90 milliards de dollars, soit deux fois et demie le montant des réserves en or des banques centrales du monde entier.