Un autre Breton, Tugdual Kalvez, fondateur du groupe An Namnediz, proclame : « Nous refusons la lettre figée d'un folklore de podium, pour répondre à la nécessité d'une culture populaire vivante. » La Bretagne se porte d'ailleurs beaucoup. Un spectacle réunit (Olympia, mai 1973) les groupes bretons Tri Yann an Naoned, Diaouled ar Menez, ainsi que les Écossais Doon a Moor et les Irlandais Wolse Tones.

Des groupes ayant pour objectif le dépoussiérage des chansons traditionnelles se constituent : les Doubles-Dièzes, le Crëche, les Halleluiah folk-loves et le Bourdon, animé par John Wright et Catherine Perrier.

D'importantes collections de disques ont entrepris la diffusion des instruments traditionnels : Chant du monde, le dulcimer et l'épinette vosgienne (Mary Rhoads et J.-F. Dutertre), le fiddle irlandais (Ted Furey), le dobro hawaïen (Gilbert Caranhac) et le galoubet provençal (Jean Coutarel) ; Arion, la kora du Sénégal, jouée par un extraordinaire virtuose qui est en même temps un griot, Lamine Konte ; la harpe indienne du Paraguay (Sergio Cuevas), le charango des Andes (Los Yungas). L'Ocara poursuit, sous la direction de Charles Duvelle, la publication systématique de chants et de musiques traditionnels d'Afrique, du Proche- et de l'Extrême-Orient.

Le TEP organise des « ateliers-chansons » avec des artistes en dehors des circuits commerciaux : Annie Colette, Henri Tachan, Pia Colombo, James Olivier, etc.

La chanson continue...

Cinéma

Du scandale à la qualité discrète

Le cinéma, s'il faut en croire les déclarations satisfaites de la plupart des producteurs rassemblés au mois de mai au Festival de Cannes (dont la vocation de grand marché financier du film paraît maintenant solidement établie), se porte à merveille. La fréquentation se stabilise, la programmation se diversifie, les multi-salles prolifèrent, de nouveaux pays s'ouvrent à la production.

Mais un danger menace : entre le film prétendu commercial et lancé à grand fracas publicitaire et le film dit d'art et d'essai, le fossé, au lieu de se combler, se creuse. Dans la première catégorie les échecs sont parfois imprévisibles (est-il besoin de rappeler que Le parrain, lancé à Paris et dans sa proche banlieue dans 22 salles, n'a enregistré en seize semaines d'exclusivité que 767 930 entrées, alors qu'un film infiniment plus modeste comme Family life a atteint en trente semaines d'exclusivité le chiffre flatteur de 230 000 entrées dans deux petites salles seulement). Les surprises sont aussi quelquefois spectaculaires (Le grand blond avec une chaussure noire, César et Rosalie). Dans la seconde catégorie, c'est toute l'incertitude des coups de poker (Family life comme l'an passé La salamandre restent des exceptions). Un film doit désormais être lancé après une étude sérieuse : le choix des salles, la période de programmation, le conditionnement du public virtuel, rien ne peut plus être laissé au hasard. Le risque est grand de voir ainsi se constituer des petits ghettos à l'intérieur même des circuits de distribution et de couper de plus en plus la province de Paris.

Les films qui ne sont pas inclus dans un circuit de grande diffusion risquent de mourir étouffés, alors même qu'ils ont triomphé dans certains festivals internationaux et qu'ils représentent parfois ce qui se fait de plus neuf, de plus courageux dans leur pays d'origine.

France

Le cinéma français poursuit sa longue et laborieuse traversée du désert. Nombreux pourtant ont été les jeunes auteurs qui ont eu tant bien que mal la possibilité de prouver leur talent. Nombreux aussi parmi eux ceux qui n'ont pu franchir le cap des distributeurs. Ce n'est pas toujours, hélas, par manque de valeur commerciale. L'imagination ne parvenant que bien rarement à s'élever à la hauteur des ambitions, c'est le fiasco, source de grogne et d'amertume contre un système qui a toujours bon dos.

Faute de génie, les cinéastes misent sur la poudre aux yeux, le faux brio, le snobisme. Certains sont passés maîtres dans l'art d'accommoder les recettes. On ne s'étonnera pas ainsi que bien des gâte-sauce se prennent pour des maîtres queux. L'imitation est au goût du jour. À défaut de copier les autres (et les autres ce sont surtout les Américains et les Italiens), on s'imitera soi-même. C'est le cas de Claude Lelouch avec La bonne année, plus encore de Jean-Pierre Melville avec Un flic. L'influence américaine est visible dans L'héritier de Philippe Labro, qui est un lointain surgeon du Citizen Kane de Welles, dans Un homme est mort de Jacques Deray, dans La course du lièvre à travers les champs de René Clément, deux films où Jean-Louis Trintignant ne nous cache rien de ses possibilités de sprinter et de coureur de fond. Quand la distribution s'internationalise, cela devient Le serpent d'Henri Verneuil ou Cosa Nostra de Terence Young, sempiternelles histoires d'espionnage ou de mafia qui ne parviennent à aucun moment à renouveler un genre.