Par contre, les jazzfans ont à leur disposition les plus étonnantes rééditions. Le développement du marché du disque a récemment permis de délivrer de l'oubli des œuvres qui semblaient condamnées à la poussière des 78 t (séries Jazz Héritage chez MCA, Black and White et The Works of Duke chez RCA).

Le free jazz a apporté une couleur sonore, mais sa frénésie libertaire l'a condamné à tourner en rond – John Coltrane restant le dernier jazzman à avoir défini de manière incontestable une esthétique différente (curieusement proche du rhythm and blues par certains aspects, et non sans parenté avec le blues éclaté d'un Jimi Hendrix). Parmi ses suiveurs, un Gato Barbieri, Argentin d'origine, commence à connaître une certaine renommée – à laquelle a contribué sa musique du Dernier Tango à Paris.

Il existe pourtant une école en plein épanouissement, contestée par certains amateurs de free jazz. Elle marque un retour à certains impératifs harmoniques et mélodiques, et n'est pas restée sourde aux trouvailles de la pop music. Il s'agit des enfants de Miles, c'est-à-dire des musiciens qui ont fait partie des différents orchestres de Miles Davis, lui-même toujours incroyablement présent, l'un des derniers grands du jazz.

Les organisateurs du festival de Chateauvallon (août 1972) ont eu l'intelligence d'ouvrir leur programme à certains de ces davisiens aux conceptions parfois inorthodoxes : le batteur Tony Williams, animateur du Lifetime, ou bien le guitariste John McLaughlin, habile à user de l'amplification électrique, à la tête de son Mahavishnu Orchestra, marqué d'orientalisme. Mais, parmi les plus prestigieux élèves de Miles Davis, il faut également citer les pianistes Herbie Hancock, Chick Corea et Keith Jarrett. Ce sont ces créateurs qui, après s'être livrés à un très habile travail de synthèse, donnent au jazz une nouvelle direction, depuis quelque temps la plus prometteuse.

Chansons

Le folk à la première place parmi des crus qui s'améliorent

La chanson semble retrouver sa forme la meilleure après quelques années noires. Le texte (ou souvent l'absence de texte !), trop souvent assujetti au rythme et à la musique, reprend une place prépondérante.

On aurait pu penser que la chanson à texte, bien proche de la chanson littéraire, était réservée à une petite élite, fidèle à Cora Vaucaire, Hélène Martin ou Catherine Sauvage. Mais le public, le grand public, applaudit à présent des chansons poétiques qui racontent une histoire, et d'où se dégage même parfois un romantisme sous-jacent.

Dès l'année dernière, quelques jeunes chanteurs semblaient destinés à prendre la relève des vétérans. Leur ascension s'est confirmée, et on peut dire qu'ils ont conquis à présent le vedettariat.

Jeunes

En tête du peloton arrive sans conteste Michel Fugain. Entouré d'une sympathique bande de petits clowns, Le big bazar, il présente à la fois un show, une fête, une comédie musicale qu'il promène par toute la France.

Michel Delpech, prince charmant fatigué de ses succès auprès des minettes, après avoir écrit la musique du film Le rempart des béguines, continue à fabriquer des tubes dont il est le parolier : Ah ! que Marianne était jolie, Toutes les filles (musique de Papadiamondis).

Malgré quelques erreurs de parcours, Michel Sardou reste une valeur sûre. L'affiche de son récital à l'Olympia (janvier 1973) le représentait les yeux bandés, bras liés, poitrine offerte au peloton d'exécution. Dans l'esprit de Sardou, ce peloton était constitué par les critiques du show business. Ceux-ci ne l'ont pas raté, mais reconnaissent que Michel Sardou est en train de s'installer au premier rang des chanteurs de variétés de France.

Serge Lama, après un accident qui avait interrompu sa carrière, repart en flèche à l'Olympia (mars 1973), avec d'excellentes chansons de genres très différents.

Gérard Lenorman, Les matins d'hiver ; Julien Clerc, Elle a au fond des yeux ; Gérard Palaprat, lancés la saison passée par Hair, Mort Shuman, Le lac Majeur, semblent aussi très bien placés ainsi que Maxime Le Forestier. Carlos, épaulant Sylvie Vartan de sa forte stature, renouvelle le style caf'conc' avec une scie : Les pieds bleus, mais ce nounours est plus fin qu'il n'y paraît.

Vétérans

À côté de jeunes vedettes encore fraîchement émoulues, il reste les valeurs sûres, les grands de la chanson et de la scène. 1973 a été l'année des anniversaires : Tino Rossi fête ses quarante ans de succès tandis que Gilbert Bécaud célèbre ses vingt ans de carrière. À chaque apparition sur scène, il continue à transmettre son dynamisme à toute la salle. Brassens s'est contenté de remplir Bobino pendant les trois derniers mois de 1972, apportant avec lui « une besace pleine de refrains nouveaux taillés à l'ancienne ». Charles Aznavour, après un triomphe à l'Olympia (décembre 1972), a démontré que ses succès d'hier, Le cabotin, Tu t'laisses aller, Dans le petit bois, etc., n'étaient pas devenus des plaisirs démodés à côté de chansons plus récentes.