Le grand prix de l'Eurovision (avril 1973) est de plus en plus contesté. L'Eurovision a couronné Tu te reconnaîtras (Claude Morgan-Évelyne Buggy), mais surtout une fraîche Arlésienne, représentant le Luxembourg (!) : Anne-Marie David, qui avait débuté l'an dernier dans le rôle de Marie-Madeleine (Jèsus-Christ superstar).

Enfin, la SACEM et la revue Artistes et Variétés réunies décernent pour la seconde année le prix Maurice-Chevalier a une chanson de style Mac Orlan : La mer était grise (Manoury-Delfoss-Provence), interprétée par Mireille Desbois. Le grand prix international de la chanson va au Canada : Le dernier invité est parti (Raymonde Royal-Lucien Brillin), interprété par une Canadienne sans accent, Shirley Theroux ; le prix de la SACEM est décerné à l'auteur-interprète Jacques Mells (Ma ville).

Colloques

La chanson préoccupe un nombre de plus en plus important de gens. Aussi, des chanteurs, des animateurs, des sociologues se penchent-ils gravement sur ce phénomène ancien, surtout en France où la chanson a fait partie de la vie quotidienne depuis le Moyen Âge.

À Lille, l'Institut d'opinion publique a tenu une assemblée pour discuter autour de la phrase prononcée par Michel Fugain : « Le public a-t-il la chanson qu'il mérite ? » (avril 1973).

Les lampions de Lille étant à peine éteints, Royan (en prélude au festival de la musique) réunissait des Bretons, conduits par Per-Jacque Hélias, des occitans, par Yves Rouquette, et plusieurs producteurs de l'ORTF autour du thème : La chanson et les ethnies.

Publicité

Chaque année la publicité vient pour un moment fausser le palmarès. Tous les moyens sont bons pour relancer une vedette ou attirer l'attention du public sur un débutant. S'il a du talent, il en réchappe à grand-peine. S'il n'en a pas, il retourne au néant.

Il y a « le mariage de l'année » (février 1973), celui d'Annie Chancel et de Guy Bayle, plus connus sous les pseudonymes de Sheila et de Ringo Willy Cat. Orchestré à grand renfort d'interviews, de photos et de reportages, il dégénère en kermesse et arrive à point pour lancer au no 1 du Hit Parade le disque enregistré en duo avant la cérémonie : Gondoles à Venise (600 000 disques vendus en un mois !). Après quoi Sheila (18 millions de disques) et Ringo (3 millions) annoncent qu'ils reprennent leur liberté dans le domaine de la chanson et feront dorénavant « disque à part ».

Dans cette compétition publicitaire, la palme revient à Michel Polnareff, avec l'affiche de son spectacle Polnarévolution (Olympia, octobre 1972), le représentant de dos, les fesses à l'air.

Après une tournée dans les principales capitales du monde (février-mars 1973), Polnareff lente de revenir à l'Olympia avec un spectacle intitulé Polnarêve. Les affiches le représentent de face cette fois, un chapeau en guise de cache-sexe. Mais le spectacle n'est pas prêt.

Folklore

Le Français reste entiché du folklore étranger. La multiplication des disques sur la musique des Andes en est un exemple. Mais le folklore monte aussi sur scène. Le Portugal est apprécié lorsque Amalia Rodriguez fait vibrer l'auditoire de la Tête de l'Art, à l'heure du fado (avril 1973). La Roumanie enchante le public des Jeux d'automne internationaux (Dijon, septembre 1972) avec le Taragott, de Ferenc Farkas, et celui de l'Olympia (mars 1973) avec la flûte de Pan de Georghe Zamfir. Dans un tout autre genre, Taos-Amrouche, au Théâtre de la Ville, fait connaître les chants berbères.

Au Ranelagh, Atahualpa Yupanqui chante les Incas (nov. 1972). Lui succède sur la même scène le poète musicien brésilien Vinicios de Moraes, auteur de Orfeu Negro et de la Bossa Nova (décembre 1972). Enfin, tant au Théâtre de la Ville qu'au Théâtre 102 (ORTF, mai 1973), le chœur national bulgare remporte un succès mérité.

Et le folklore français ? Débarrassé des poncifs qui le faisaient considérer comme un art mineur, il conquiert de plus en plus le grand public du music-hall.

Alan Stivell, à la harpe celtique, remplit les salles de l'Olympia et de Bobino en donnant aux airs de sa Bretagne natale des échos de pop music.