Ne disposant plus de majorité au Bundestag, Willy Brandt est contraint à l'immobilisme. Depuis la ratification des traités de Moscou et de Varsovie, en mai 1972, aucun acte politique important n'a été accompli. Les élections anticipées ont été fixées au 19 novembre. Le 20 septembre, le chancelier pose la question de confiance. Conformément à ses vœux, il est battu : il ne recueille que 233 voix contre 248 et une abstention.
La campagne électorale se déroule dans un climat de grande sensibilisation de l'opinion publique. L'opposition chrétienne-démocrate, menée par R. Barzel, exploite la peur de l'extrémisme et le thème de l'inflation. La coalition socialiste-libérale met en valeur sa politique de paix et les succès qu'elle a entraînés dans la réconciliation avec les pays de l'Est. À quelques jours de la consultation, le gouvernement annonce la fin des négociations avec la RDA sur un traité posant les bases des relations entre les deux États allemands.
Les résultats du scrutin dépassent les prévisions les plus optimistes de W. Brandt et de ses amis. En obtenant 272 sièges sur 496, la coalition dispose d'une majorité de 48 voix. Avec 45,9 % des suffrages, le SPD devient le premier parti du pays. Les libéraux sortent, eux aussi, renforcés de l'épreuve et reçoivent des responsabilités accrues dans le second cabinet Brandt.
Les chrétiens-démocrates se remettent mal de leur échec. La défaite accroît les dissensions dans leurs rangs. Partisan d'une ligne dure, F.-J. Strauss, chef de la branche chrétienne-sociale bavaroise, agite la menace d'une scission. La crise couve pendant plusieurs mois. R. Barzel est de plus en plus contesté par ses propres troupes. Le 9 mai 1973, il décide d'abandonner la présidence du groupe parlementaire de la CDU-CSU après avoir été mis en minorité sur la question de l'entrée de la RFA aux Nations-unies pour laquelle il s'est personnellement prononcé. Quelques jours plus tard, il renonce à solliciter le renouvellement de son mandat de président de la CDU. En juin, un congrès extraordinaire désigne Helmut Kohl à sa place, et Karl Carstens prend la présidence du groupe parlementaire.
Des luttes de tendances se déroulent aussi au sein du SPD. Fer de lance de l'aile gauche, les Jeunes socialistes, qui ont été particulièrement actifs pendant la campagne électorale, cherchent à accroître leur influence. Ils réclament des réformes sociales plus audacieuses et le départ des troupes américaines d'Allemagne.
Ces incartades leur valent un avertissement de W. Brandt. Au congrès de Hanovre, en avril, ils réussissent cependant une percée en faisant élire leur président, Wolfgang Roth, au comité directeur du parti socialiste.
L'affaire Steiner
La République fédérale a connu, elle aussi, son scandale politique, qualifié de mini Watergate allemand. À la fin du mois de mai 1973, un ancien député chrétien-démocrate, Julius Steiner, alarmé par des informations de presse, révélait qu'il n'avait pas voté contre le gouvernement du chancelier Brandt lors du vote de défiance constructif du 27 avril 1972. Ce jour-là, il s'en était fallu de deux voix pour que W. Brandt soit battu et soit remplacé immédiatement à la chancellerie, comme le prévoit la Constitution, par Rainer Barzel, le chef de l'opposition chrétienne-démocrate. En même temps, Steiner avouait avoir travaillé pour les services de sécurité est-allemands. Cette affaire devait entretenir la chronique pendant plusieurs semaines. Après avoir nié avoir reçu de l'argent pour son geste favorable au gouvernement social-libéral, Steiner indiquait ensuite qu'il avait touché 50 000 marks (80 000 francs) des mains de Karl Wienand, secrétaire du groupe parlementaire social-démocrate.
Inflation
Le retour à une stabilité relative de l'économie est une préoccupation constante du gouvernement qui, à quatre reprises, prend des mesures pour réduire la masse monétaire et limiter les méfaits de l'expansion. Les résultats sont fort décevants. En avril 1973, l'inflation atteignait, par rapport à avril 1972, un taux de 7 %, et les cinq sages, aréopage d'économistes écoutés, prévoyaient dans leur rapport annuel l'échec de la politique anti-inflationniste.