Bien que le pacte du Front national, programme élaboré pour sceller la collaboration entre les partis et les courants progressistes du pays, n'ait été signé que par le parti communiste – dont le rapprochement avec le Baas s'accentue –, la coalition gouvernementale se maintient tant bien que mal. La tension grandissante avec le mouvement autonomiste kurde menace de faire éclater la coalition.
Kurdes
Les incidents se multiplient. Le 3 juillet 1972, le gouverneur arabe du district kurde de Sinjar est assassiné. Le 15, le général Barzani, leader du parti démocratique kurde (PDK), échappe à un attentat attribué par ses partisans à un agent du gouvernement de Bagdad. Le 21, l'officieux Al Thawra accuse le général Barzani d'entretenir dans les régions qu'il contrôle des prisons secrètes (où il internerait ses adversaires politiques) et de mobiliser ses guérilleros, les peshmerga. Le 26, le même journal soutient que le PDK reçoit de l'armement lourd d'Iran et qu'il a ouvert des camps d'entraînement militaire en vue de renverser le régime de Bagdad.
Le PDK passe à la contre-offensive. Le bureau politique rédige, le 31 juillet, un mémorandum – publié deux semaines plus tard dans la presse libanaise – dans lequel il affirme que la « dégradation des rapports entre les Kurdes et le gouvernement a atteint un degré sans précédent depuis l'accord du 11 mars 1970 » (Journal de l'année 1969-70).
Le PDK reproche notamment au gouvernement central :
– d'arabiser systématiquement les districts kurdes de Kirkouk, Diallah et Ninive ;
– de faire obstacle aux activités politiques, syndicales et professionnelles de ses partisans ;
– de retarder par divers moyens l'accession du Kurdistan à l'autonomie, prévue par l'accord de 1970.
Le 20 octobre, une grenade est lancée dans un café arabe de Kirkouk, tuant 28 personnes. Début novembre, Al Thawra déclenche une campagne de presse contre le PDK. Il accuse des membres du parti nationaliste kurde de « commettre presque quotidiennement des actes de sabotage, des enlèvements et des crimes ». Début novembre, on apprenait que le général Barzani avait battu le rappel de ses troupes et qu'il s'apprêtait à engager le combat contre l'armée irakienne. Celle-ci aurait pilonné certaines localités kurdes. Le 14 novembre, le Baas, dans une note officielle remise au PDK, exige que les peshmerga remettent aux forces irakiennes les positions qu'ils occupent sur la frontière iranienne.
Iran
Les rapports entre Bagdad et Téhéran demeurent tendus, tandis que la guerre des ondes se poursuit entre les deux pays que des différends frontaliers et politiques opposent. La tension dégénère en affrontements armés en décembre, en janvier et en avril.
La rivalité entre les deux États dans le golfe Persique se manifeste à l'occasion du conflit irako-koweitien en mars. L'Iran, aussitôt, offre à la principauté son soutien militaire contre son voisin arabe du nord.
Fin avril, Bagdad et Téhéran envoient à Genève d'importantes délégations, dirigées par leurs ministres respectifs des Affaires étrangères, pour tenter de régler le contentieux. La rencontre, tenue secrète, paraît avoir abouti à une relative détente, à en juger par l'accalmie qui prévalait fin juin.
Le gouvernement irakien cherche à se dégager des pressions iraniennes pour avoir les mains libres dans le golfe Persique. Un mois à peine après le règlement de son différend avec l'Iraq Petroleum Company, les troupes de Bagdad occupent le poste frontalier de Samitah, au Koweït.
L'objectif est à la fois stratégique et économique dans la mesure où le régime du général Bakr vise à s'assurer le contrôle de deux îles et à allonger son littoral sur le golfe, facilitant ainsi l'écoulement de son pétrole dans de meilleures conditions de sécurité. Samitah, en outre, commande l'entrée du port d'Om Qasr, où les Soviétiques sont en train de construire une importante base navale.
Diplomatie
Le gouvernement irakien s'efforce d'améliorer ses rapports avec l'ensemble du monde arabe. Il rétablit les relations diplomatiques avec la Libye, règle en janvier son conflit avec la Syrie au sujet des droits de transit pour le pétrole, intensifie les échanges commerciaux avec la Jordanie, refuse de prendre parti dans le conflit qui oppose les deux républiques yéménites, malgré ses sympathies évidentes pour le régime marxisant d'Aden.