Finances
Un effort d'harmonisation fiscale
De 1970 à 1971, le budget de la France a changé de visage. Cette transformation reflète celle de la conjoncture économique, qui est progressivement passée de la surchauffe consécutive à mai 1968 à une langueur marquée. La loi de finances pour 1970 était austère et elle a été exécutée avec sévérité ; le budget de 1971 prétend, au contraire, « accompagner la croissance ».
La loi de finances initiale pour 1970 avait été conçue dans la foulée de la dévaluation, comme l'un des instruments essentiels du redressement économique et financier. Les dépenses progressaient moitié moins vite que les recettes (moyennant le sacrifice des équipements), grâce à quoi le budget pouvait présenter un excédent symbolique. Or, la rigueur qui a présidé à son élaboration s'est retrouvée dans son exécution. Valéry Giscard d'Estaing lui-même s'est ainsi vanté d'avoir réalisé la déflation « la plus énergique de notre histoire financière récente ». À la mi-70, l'excédent d'exécution du budget dépassait 5 milliards de francs...
Équilibre
Il est vrai que la croissance de l'économie (supérieure de moitié à celle qui avait été officiellement prévue : environ 6 % au lieu de 4 % !) a sécrété d'abondantes plus-values fiscales. Le supplément de recettes a atteint 4,7 milliards de francs, comme en 1969 (remboursements exclus). Le déblocage de la moitié (1,1 milliard de francs) des crédits inscrits au Fonds d'action conjoncturelle (FAC), en juillet, et l'ouverture de crédits supplémentaires d'équipement, régularisée dans le lourd collectif de fin d'année, ont d'ailleurs entraîné une augmentation des dépenses (prêts non compris) de 5 milliards de francs. Mais le budget a néanmoins été exécuté en équilibre, comme prévu.
C'est la première fois depuis une quinzaine d'années que cette performance a été réalisée. Trois lois de finances ont bien présenté un excédent prévisionnel, en 1965, 1966 et 1967, mais aucune d'elles n'a été exécutée en excédent ; le plus faible déficit a été enregistré en 1965, avec 253 millions de francs (opérations avec le FMI exclues). Qu'en sera-t-il pour 1971 ?
Comme celui de 1970, le budget initial de 1971 comporte un excédent prévisionnel, tout aussi symbolique (2 millions de francs au lieu de 5). Il a été rendu possible par une progression modérée des dépenses, facilement compensée par l'évolution des recettes.
L'augmentation prévue des dépenses (prêts non compris) est de 7,7 %, c'est-à-dire sensiblement moins que la croissance que le gouvernement envisage pour l'économie (+ 9 % en valeur, c'est-à-dire avec le glissement des prix). C'est sans doute plus qu'en 1970 (+ 6,3 %), mais il ne faut pas oublier que ce budget a été présenté comme un budget d'« accompagnement de l'expansion ». Cette progression reste inférieure à celle des lois initiales des années 1969 (de moitié), 1968 et 1967.
Parent pauvre
Avec une croissance de 8,6 %, les dépenses civiles de fonctionnement sont les plus favorisées. Ainsi l'Administration pourra-t-elle embaucher davantage de fonctionnaires et les mieux payer. Les dépenses militaires progressent moins que l'ensemble, avec + 6,1 %. Mais cela est encore plus vrai des dépenses civiles d'équipement, qui se trouvent encore être le parent pauvre du budget. Pourtant, les investissements de l'État sont habituellement très sensibles aux changements d'orientation des budgets. Les tours de vis entraînent de sévères réductions (comme en 1970), mais les relances leur donnent la priorité (comme en 1967). Or, cette année, les dépenses d'équipement doivent augmenter sensiblement moins que les dépenses totales : de 5,3 % seulement (contre 7,7 %). Cette progression moyenne dissimule d'ailleurs les faveurs accordées aux routes et aux télécommunications, et la stagnation de l'Éducation nationale, du logement, des hôpitaux, etc. Sans compter la contribution substantielle que l'épargne privée apporte maintenant au financement des autoroutes et du téléphone.
Quant aux prêts que fait le Fonds de développement économique et social (FDES) aux entreprises publiques, pour leurs investissements, ils sont en diminution, de même que l'ensemble des concours financiers de l'État à ces entreprises. Cette évolution marque, comme la délégation de certaines tâches au secteur privé, la volonté de désengager le Trésor, au prix d'une plus grande autonomie des sociétés nationales... et d'une pression accrue au relèvement des tarifs publics.