– En 1970, ultime année de transition, la charge du « budget de l'Europe », qui comprend non seulement les dépenses agricoles, mais aussi celles d'Euratom, du Fonds social européen et du fonctionnement de la Communauté, soit 19 milliards de francs, est légèrement modifiée ; la France, qui avait payé, en 1969, 25,21 % des dépenses agricoles, doit en payer 28 % en 1970, car elle en est le principal bénéficiaire ; en contrepartie, l'Italie voit sa part réduite de 25,27 % à 21,50 %.
– À partir de 1971, tous les prélèvements agricoles (perçus sur les importations de produits agricoles en provenance des pays extérieurs au Marché commun) et les droits de douane (sur les produits industriels) perçus aux frontières de la Communauté sont progressivement affectés à une caisse financière commune. Toutefois, cette caisse ne sera pas assez riche pour financer toutes les dépenses de la Communauté. Il a donc été prévu qu'on y ajoutera des contributions budgétaires de chaque pays, calculées en fonction des productions nationales.
– À partir de 1975, la caisse commune ne recevra plus d'argent des États nationaux ; elle n'aura plus que des ressources propres : prélèvements agricoles, droits de douane et un certain pourcentage de la TVA, pourcentage qui ne pourra pas dépasser 1 %. Rappelons, en effet, que la TVA doit être instituée dans tous les pays de la Communauté et que les taux, actuellement très différents, (ils vont du simple au double), devront être progressivement harmonisés. Cet accord est très important, car il donne à la Communauté européenne un budget autonome, comme en a un État national, à partir de 1975 ; ce qui en fait pratiquement une entité politique.
L'accord du 22 décembre a été parachevé, en février, par un compromis sur les pouvoirs du Parlement européen, que la France ne souhaite pas voir trop étendus ; puis, le 22 avril, par un accord sur le marché du vin, dont les Italiens avaient fait un ultime préalable pour ratifier l'accord du 22 décembre. Pratiquement, les échanges intracommunautaires sur le marché du vin devaient être libérés à partir du 1er juin. Avec quatre mois de retard, l'accord du 22 décembre devenait ainsi un véritable traité que les Parlements des États membres doivent encore ratifier, ce qui constituait un dernier moyen de pression pour les partenaires de la France, dans l'hypothèse où Paris aurait mis de la mauvaise volonté à ouvrir les négociations avec les Anglais.
L'union monétaire
Dans le triptyque, achèvement, approfondissement, élargissement, le premier point était donc acquis. En matière d'approfondissement, le gouvernement français rencontrait les préoccupations de la commission de Bruxelles pour faire de la Communauté européenne non seulement une union douanière, ce qu'elle était effectivement, mais aussi une union économique, ce qui restait à faire en dehors du domaine agricole.
À cet égard, un problème a dominé tous les autres au cours de l'année 1969-70 : c'est celui de l'union monétaire. Pour la première fois depuis la mise en œuvre du Marché commun, les Six ont fait l'expérience d'un profond bouleversement dans les rapports entre leurs monnaies. Le franc français a été dévalué de 12,5 %, le 8 août 1969 (11,11 % si l'on calcule du point de vue des monnaies étrangères). Le Mark allemand a été réévalué de 9,29 %, le 27 octobre 1969. Or, ces manipulations monétaires mettent en péril l'existence de l'union économique et, singulièrement, celle de la politique agricole commune. Les prix des produits agricoles dans la Communauté sont exprimés dans une unité de compte indépendante des monnaies nationales, et qui se trouve être, pratiquement, l'équivalent du dollar. Ce qui revient à dire que, toutes les fois qu'un pays membre dévalue sa monnaie, les prix des produits agricoles, exprimés en unité de compte, diminuent d'autant, ce qui aggrave la concurrence pour les partenaires du pays qui a dévalué, à moins que celui-ci ne relève ses prix intérieurs d'un montant équivalant à la dévaluation pour maintenir inchangés les prix de ses produits agricoles exprimé en unité de compte.