Journal de l'année Édition 1970 1970Éd. 1970

1968 — L'abolition totale des droits de douane est réalisée entre les Six, le 1er juillet, avec dix-huit mois d'avance sur le traité.

1969 — À La Haye, début décembre, les Six décident de relancer la politique européenne, en achevant la politique agricole et en assurant des négociations avec les Anglais, toujours candidats.

1970 — Le Marché commun entre dans sa période définitive. Les négociations commencent sur l'adhésion de la Grande-Bretagne, de la Norvège, du Danemark et de l'Irlande.

Des militants aux gérants

L'Europe est née, il y a vingt ans, de trois préoccupations dominantes : la recherche d'une solution au problème allemand, par une réconciliation entre la France et l'Allemagne ; la reconstruction économique du vieux continent détruit par la guerre ; la défense contre l'hégémonie soviétique. Or, ces moteurs ne peuvent plus jouer, aujourd'hui, le rôle qui a été le leur dans les années 50. Ce qui n'a pas été réglé dans le problème allemand, c'est-à-dire la réunification de ce pays, ne peut pas être résolu avec l'Ouest, mais avec l'Est ; c'est d'ailleurs ce que le chancelier Brandi a parfaitement compris en pratiquant une politique d'ouverture vers les pays communistes. La reconstruction économique de l'Europe est un fait acquis depuis plusieurs années déjà et le problème actuel n'est pas de redonner au vieux continent des outils industriels, mais de donner un sens à l'usage de ces outils. Enfin, malgré ce qui s'est passé en Tchécoslovaquie au mois d'août 1968, l'URSS ne constitue plus, aux yeux des Européens, une menace suffisamment oppressante pour justifier leur regroupement. La politique d'unification européenne a donc besoin de nouveaux moteurs et ceux-ci n'ont pas encore été mis en route.

Les animateurs de cette construction ne sont plus les mêmes. À la période des militants de l'Europe, tels que R. Schuman, K. Adenauer et A. De Gasperi, a succédé celle des gérants. Le président Pompidou, le chancelier Brandt, le Premier ministre E. Heath ne sont pas de la race des prophètes, mais plutôt de celle des PDG. Cela n'enlève rien à la rencontre historique des 1er et 2 décembre 1969 à La Haye, où les dirigeants des pays du Marché commun, réunis au sommet, ont sorti de l'ornière la construction européenne frappée de sclérose. Ce fut une opération de déblocage tout à fait vitale, car, sans elle, ce qui avait été fait n'aurait probablement pas disparu, mais n'aurait pas eu non plus de prolongement. Tout était bloqué par un double veto : celui de la France, aux négociations avec les Anglais ; celui de nos partenaires, au règlement des dossiers en instance, tant que le veto français aux négociations avec la Grande-Bretagne n'aurait pas été levé. L'accord de La Haye a donc porté très précisément sur la levée simultanée des deux vetos. G. Pompidou a clairement indiqué que le gouvernement français ne chercherait plus n'importe quel prétexte pour éviter l'ouverture de négociations avec le gouvernement de Londres. Simultanément, nos partenaires ont accepté le triptyque de Paris : achèvement du Marché commun ; approfondissement de l'Union économique et monétaire ; élargissement de la Communauté. Des perspectives ont été tracées en pointillé à La Haye en vue de progresser notamment vers l'union monétaire et une coopération politique.

Concrètement, le premier effet de cette conférence a été de permettre l'achèvement de la période de transition du Marché commun. Bien que les tarifs douaniers entre les pays membres de la Communauté aient disparu déjà depuis juillet 1968, le Marché commun n'était pas terminé. Il restait notamment à définir le règlement financier de la politique agricole commune, règlement qui ne concernait pas seulement l'agriculture dans la mesure où il engageait la Communauté européenne sur la voie de l'autonomie financière.

L'accord du 22 décembre

Selon la tradition, c'est après un marathon de cinquante heures de négociations que les Six ont abouti, le 22 décembre 1969, à un accord, dont voici les grandes lignes :