La musique populaire traditionnelle des pays anglo-saxons exaltant l'amour, la plage et le ciel bleu, a fait place, à partir de 1955, à une pop'music qui hurle la liberté, la paix et milite pour un nouveau mode de vie. À l'origine de cette évolution, les pionniers blancs du rock (Elvis Presley, Bill Haley, Buddy Holly, etc.) et le courant noir toujours vivant du Rythm and blues. En 1963, quatre jeunes gens venus de Liverpool, les Beatles, remodèlent cet héritage, lui donnent son second souffle : leur pop'music part pour le tour du monde.
Sonorités nouvelles
Trois ans après leurs premiers grands succès commerciaux, en 1966, ils sortent un disque révolutionnaire : Revolver. Musiques d'époques et de continents divers, musique classique et orientale se fondent en une originalité d'écriture jamais réalisée jusqu'alors. Au même moment, à Manhattan, Los Angeles, Londres, on trouve de nombreux groupes où cohabitent sitar, flûte, saxo, trompette, piano, et dont l'éclectisme mêle aussi bien le jazz et la musique indienne.
La musique pop trouve sa source dans le blues traditionnel. Elle lui emprunte ses harmonies et son rythme binaire pour les torturer et les enrichir, pour en faire ce nouveau sound envahissant et vivant qui n'hésite pas à pimenter de musique orientale la ballade anglaise ou à y mêler quelques notes de Stockhausen. Recherchant sans cesse des sonorités nouvelles qu'elle emprunte souvent au tiers monde, cette musique destinée aux jeunes, faite par les jeunes, puise aussi bien dans l'arsenal le plus perfectionné de la société de consommation qu'elle conteste. Les instruments électroniques créent un amalgame sonore infiniment plus complexe.
L'invention du melotron, sur lequel on peut jouer de tous les sons préalablement enregistrés : voies humaines, cris d'oiseaux, violons, trompettes, ouvre encore d'autres possibilités. En 1966, les Stones suivent l'orientation des Beatles avec Her Satanic Majesty ; folie du collage musical, la pop se développe.
La rentabilité commerciale quasi immédiate de la pop'music a permis son développement en Angleterre comme aux États-Unis. Les sociétés d'édition de disques américaines et anglaises ont rapidement compris qu'en favorisant l'imagination des jeunes musiciens on pouvait créer un gigantesque marché fondé sur la nouveauté du son. Le jeu consiste à trouver un groupe qui s'écarte de la norme, à lui permettre de développer ce qui le différenciera suffisamment pour qu'il soit immédiatement consommable. Les universités américaines se battent à coups de dollars pour organiser des concerts avec les groupes in : Jimi Hendrix 100 000 dollars, Led Zeppelin 100 000, Blood Sweet and Tears 20 000, Sly and the Family Stone 15 000.
Les festivals
Rendez-vous de 250 000 jeunes sur les pelouses de Hyde Park, le 14 juillet 1969, pour rendre un dernier hommage à Bryan Jones, le guitariste du groupe pop le plus célèbre après les Beatles, les Rolling Stones. Mods, hippies, rockers se sont rassemblés dès la veille au soir, venus de tous les coins de Grande-Bretagne, des États-Unis, du Canada, d'Australie. Mini-jupes, robes transparentes, pelisses de fourrure, fleurs à la bouche et chevelures fluviales, ils écoutent le leader des Stones qui reprend les vers de Shelley, « Paix, paix, il n'est pas mort, il n'est qu'endormi ». Puis c'est le déchaînement de la musique. Pendant cinq heures les Rolling Stones et six groupes se succèdent.
Premier des grands rassemblements de la pop'music, Woodstock, 15-18 août 1969 : 400 000 jeunes et 40 groupes réunis pour « Trois jours de musique et de paix ». Le jeune financier du festival, John Roberts, vingt-trois ans, partisan convaincu de la philosophie hippie et de la pop, perd dans cette opération 1 million de dollars.
Quinze jours plus tard, ils étaient 200 000 à l'île de Wight pour fêter le retour du prophète Bob Dylan, disparu de la scène depuis un grave accident de moto trois ans auparavant. Soixante-douze heures de musique déversée par des centaines de haut-parleurs de 2 500 W. Bob Dylan chante une heure pour le cachet de 500 000 F. Symbole d'une manière d'être, la pop'music devient le signe de ralliement d'une jeunesse qui se veut à tout prix différente des modèles de la société établie.