Le bicentenaire de Beethoven a naturellement suscité une fébrile agitation chez la plupart des éditeurs. La réalisation la plus spectaculaire (la seule de son envergure) est celle de la firme allemande qui lance une édition intégrale de la production beethovénienne en 75 disques, avec quelques-uns des plus grands noms de la spécialité (Kempff, Karajan, Fischer-Dieskau, Quatuor Amadeus Fournier, Böhm, Eschenbach, etc.). Plusieurs intégrales des symphonies également : par Jochum et le Concertgebouw, par Klecki et la Philharmonie tchèque, par Klemperer et le Philharmonia de Londres ; sans compter la réédition d'une version de référence, celle de Bruno Walter.

Deux belles intégrales pour les concertos pour piano : Emil Guilels, avec Georg Szell, ou Rudolf Serkin, avec Ormandy et Bernstein. Le Concerto pour violon, avec Isaac Stern, direction Bernstein, la Missa solemnis, avec Klemperer, Söderström, Hoeffgen, Kmentt et Talvela, l'intégrale des quatuors à cordes, avec le Quatuor hongrois ou avec le Quatuor bulgare, et les œuvres pour violoncelle et piano avec la réédition des disques Casals-Serkin. Ce ne sont là que quelques suggestions, et l'année Beethoven n'est pas close.

Dans le domaine de la musique contemporaine, le choix est difficile entre les quelque 150 œuvres de composition récente qui ont été aussitôt enregistrées sous le contrôle de leurs auteurs, garantie d'authenticité. Il faut, en tout cas, citer Pli selon pli, l'une des œuvres capitales de Pierre Boulez ; une remarquable version de Laborintus 2 de Luciano Berio ; un ensemble d'œuvres de Gyorgy Ligeti, où se trouve notamment son très beau Requiem : la splendide Sonate pour piano de Jean Barraqué, par Claude Helffer ; dans le domaine électro-acoustique, la saisissante Apocalypse de Jean de Pierre Henry ; et le coffret comportant dix œuvres de Iannis Xenakis en cinq disques. Dans le choix trop restreint suggéré ici, toutes les tendances et esthétiques actuelles sont représentées.

Certains des grands classiques du XXe siècle sont particulièrement honorés cette année. Bela Bartok avec son 2e concerto pour violon, par Isaac Stern, direction Bernstein, ses 1er et 3e concertos pour piano, par Daniel Barenboïm, direction Boulez, et le Mandarin merveilleux, direction Bruno Maderna.

Encyclopédie de l'orgue

Dans le domaine de l'orgue, deux très grandes réalisations : l'intégrale de l'œuvre de Dietrich Buxtehude, en 7 disques, par Marie-Claire Alain, sur de beaux instruments nordiques, et les premières parutions d'une encyclopédie de l'orgue, notamment les Livres d'orgue de D'Agincourt, d'Andrieu, Clérambault, du Mage, et l'œuvre complète de César Franck, en 3 disques, par les meilleurs organistes.

Un événement dans le domaine de la polyphonie vocale : l'intégrale en 7 disques des madrigaux de Gesualdo, prince et aventurier de la Renaissance, dont le génie musical fut d'une audace moderniste stupéfiante. Au même chapitre, un enregistrement intégral de l'ensemble des œuvres religieuses de Monteverdi, la Selva morale e spirituale en 8 disques, dans une interprétation admirable de l'Ensemble vocal de Lausanne, direction Michel Corboz.

Le choix est difficile pour les enregistrements de musique romantique, tant les réalisations sont nombreuses et remarquables. Une mention s'impose : le premier coffret — 12 disques — de l'intégrale des Lieder de Schubert par Dietrich Fischer-Dieskauet Gerald Moore. C'est aussi un disque Schubert exceptionnel que nous offre Wilhelm Kempff, avec deux versions des sonates en la majeur op. 120 et en ut majeur inachevée.

Danse

La saison chorégraphique

Les spectacles du théâtre français de la danse, dirigés par Joseph Lazzini, ouvrent la saison. La diversité de son répertoire ne réussit pas à assurer le succès de cette nouvelle troupe. Le public parisien, maintenant familiarisé avec les tendances de la danse contemporaine des autres pays, est devenu exigeant. Les ballets de Lazzini, notamment les reprises de Ecce Homo et de E = MC 2, pourraient être intéressants s'ils étaient construits sur une chorégraphie solide. Mais, trop souvent, la chorégraphie est simplifiée et ensevelie sous une profusion d'inutiles éléments scéniques. L'interprétation de Claire Sombert dans le pas de deux Pour deux orchestres à cordes et deux danseurs, sur une partition de Serocki, a été remarquable. On a beaucoup apprécié aussi le mobile d'Alexandre Calder réalisé pour le ballet les Métaboles, sur une musique d'Henri Dutilleux. Mais une danseuse étoile et un sculpteur ne suffisent pas pour assurer le succès d'une première saison.

Note de fraîcheur

À l'automne 1969, le VIIe Festival international de danse débute avec le ballet de l'Opéra national de Budapest, qui présente la version intégrale de Spartacus, chorégraphie de Lazzlo Seregi. L'Américain Don Redlich, chorégraphe moderne, n'a pas réussi à rallier l'unanimité du public. La participation des jeunes solistes de l'Opéra de Paris apporte une note de fraîcheur et permet d'applaudir les espoirs de la danse traditionnelle, en particulier Francesca Zumbo et Patrice Bart. Le ballet de l'Opéra de Bakou clôt ce festival avec la participation de deux danseuses exceptionnelles : Natalia Makarova et Nina Sorokina. En fait, la seule troupe valable a été celle de la Suédoise Birgit Cullberg, chorégraphe de rayonnement international. Son ballet Mlle July est connu du monde entier. L'occasion s'offre aux Parisiens de découvrir le style personnel de Birgit Cullberg, avec ses ballets Eurydice est morte et Adam et Ève. La compagnie danse également Summerspace, du chorégraphe moderne américain Merce Cunningham, et la Table verte, de Kurt Joos, créée en 1932, sur ce même plateau du théâtre des Champs-Élysées. L'interprétation de quatre ballets de style différent prouve l'éclectisme d'une équipe de danseurs bien entraînés, d'un ensemble sans faille, d'où émerge un admirable danseur interprète, Niklas Ek, le fils de Birgit Cullberg.