Pour leur part, les États-Unis ont certes accru fortement leurs exportations, mais la vigueur de leur économie les a conduits à importer également beaucoup, si bien que leur déficit commercial, certes en baisse, n'a pas diminué autant que prévu. De même, leur déficit budgétaire reste encore trop élevé. Il est vrai que cette année a été pour ce pays – et par contrecoup pour l'économie mondiale – une année d'attente, compte tenu de l'élection présidentielle.

Pour l'instant, tous ces déséquilibres encouragent la recrudescence des tensions protectionnistes (la loi sur le commerce adoptée en août par les Américains en est un exemple), qui contrastent avec l'effort parallèlement mené pour libéraliser le commerce international (particulièrement l'agriculture et les services) dans le cadre des Négociations commerciales multilatérales dites « Uruguay Round », menées au sein du GATT depuis septembre 1986 et dont un bilan à mi-parcours a été fait en décembre à Montréal, d'ailleurs sans grand succès.

Comme les années précédentes, les déséquilibres économiques rendent toujours nerveux les marchés des changes et les marchés financiers. Après avoir atteint son plus bas niveau en décembre 1987, le dollar s'est ensuite repris – avec des hauts et des bas – grâce aux vigoureuses interventions des banques centrales ; mais la menace de surchauffe outre-Atlantique, à partir d'avril, a provoqué la hausse des taux d'intérêts américains, bientôt suivis par les autres pays (chacun devenant alors plus soucieux de ses problèmes nationaux que de coordination internationale), si bien que le dollar n'a cessé alors de remonter pour atteindre son plus haut niveau au cours de l'été.

À ce moment, la moindre correction des déséquilibres américains, puis, à partir de novembre, le scepticisme quant à la volonté du nouveau président américain George Bush de réduire le déficit budgétaire du pays (à partir du moment où il exclut tout alourdissement de la fiscalité), ont provoqué la baisse du dollar en dépit de nouvelles interventions des banques centrales pour l'empêcher. Face à ces mouvements désordonnés du dollar, le yen japonais et le mark allemand – mis à part un léger accès de faiblesse de celui-ci vis-à-vis du dollar au second trimestre – sont restés des monnaies solides, tandis que la livre anglaise restait dopée artificiellement par le relèvement des taux d'intérêts britanniques à partir de juin (de 7,5 % à 13 % en neuf étapes).

De même, les marchés financiers restent instables. En effet, si la crise financière de l'automne 1987 est en partie effacée, les conditions qui l'ont provoquée, à savoir la persistance des déséquilibres et la hausse des taux d'intérêts, sont à nouveau réunies et certains analystes redoutent un autre krach boursier. En attendant, les turbulences financières internationales reflètent l'inquiétude et l'incertitude des milieux financiers.

L'aggravation des problèmes sociaux

L'aggravation des problèmes sociaux constitue le second danger après les déséquilibres. La communauté internationale reconnaît leur existence, mais aucune coordination n'existe à ce niveau pour tenter réellement d'y remédier. En fait, les sacrifices demandés aux populations sont toujours présentés comme le prix à payer des erreurs passées et donc comme une solution inévitable. Certes, la crise économique que subissent les pays depuis les chocs pétroliers contribue à cette situation, mais, plus encore, la vague libérale qui inonde l'économie mondiale depuis 1979 a accentué le phénomène. En effet, l'idéologie libérale est fondée sur la logique de l'économie de marché et son corollaire, la recherche du profit. Ce discours dominant favorise l'esprit de compétition et conduit à l'apologie du meilleur et à l'élimination des autres. Au nom de cet économisme triomphant (auquel même la gauche socialiste française, de retour au gouvernement en mai 1988, se rallie) sont sacrifiées les exigences sociales. Dans les pays développés, les politiques de redressement économique, axées sur le respect des grands équilibres, la réhabilitation des entreprises et la recherche de la compétitivité, se sont accompagnées d'un accroissement du chômage ou, au mieux, de la généralisation des emplois précaires et de la rigueur salariale. Sous couvert de déréglementation et de flexibilité, les acquis sociaux ont été remis en cause et les systèmes de protection sociale n'ont jamais été aussi menacés, d'autant qu'ils sont confrontés à de nouveaux défis comme par exemple le coût croissant des retraites.