Panorama

Introduction

S'il est souvent difficile d'apprécier sur-le-champ la portée exacte d'une découverte scientifique ou d'une innovation technique, il devient beaucoup plus aisé, quelques décennies plus tard, de mettre en relief les progrès, parfois considérables, qu'elle a autorisés.

Vingt ans après la première transplantation cardiaque, le 3 décembre 1967, au Groote Schuur Hospital du Cap, en Afrique du Sud, par le professeur Christian Barnard, près de 4 500 greffes du cœur ont été réalisées dans le monde et l'opération est presque devenue une routine dans les grands services qui la pratiquent. Mais il a fallu aux pionniers de la patience, de l'obstination même, pour en arriver là. Au début, presque tous les patients mouraient au bout de quelques jours ou de quelques semaines, victimes de crises de rejet ou d'infections liées aux traitements immunosuppresseurs destinés à combattre ces crises. À l'enthousiasme initial – 115 greffes effectuées en 1968 – succéda peu à peu un certain découragement des chirurgiens face aux échecs répétés qu'ils enregistraient. Ce n'est que depuis l'avènement du traitement à la ciclosporine, un médicament antirejet très efficace, que la transplantation cardiaque a trouvé sa vraie place dans l'arsenal d'assistance aux grands cardiaques. De 85 greffes réalisées en 1980, on est passé à 111 en 1981, 181 en 1982, 293 en 1983, 652 en 1984, 1 008 en 1985 et 1 415 en 1986. En 1980, un mois après l'intervention, 17 p. 100 des greffés décédaient, victimes de complications. Aujourd'hui, un an après l'opération, 80 p. 100 des patients survivent et le recul que l'on commence à prendre laisse à penser qu'au bout de cinq ans ce taux se maintiendra. La survie la plus longue enregistrée jusqu'à présent est celle d'Emmanuel Vitria, opéré le 27 novembre 1968 à Marseille. Il a vécu, débordant de vitalité, pendant dix-huit ans et demi avec le cœur d'un autre, en se dévouant à la cause du don d'organes et du sang, avant de décéder d'une insuffisance respiratoire le 11 mai 1987.

La conquête de l'espace

Trente ans après le lancement, par l'URSS, du premier satellite artificiel, Spoutnik 1, le 4 octobre 1957, la conquête de l'espace est devenue une aventure majeure de l'humanité. Une aventure qui reste toutefois largement dominée par les États-Unis et l'URSS puisque, selon une étude de la Federation of American Scientists, sur les 337 satellites artificiels en fonctionnement autour de la Terre lors du trentième anniversaire de Spoutnik 1, 146 étaient soviétiques et 129 américains, les 62 restants étant partagés entre 13 nations ou organisations internationales. Si l'indisponibilité de la navette a lourdement pénalisé, en 1987, le programme spatial américain, les Soviétiques ont, en revanche, fourni une nouvelle démonstration de leur avance en matière de station orbitale, avec l'amarrage, le 9 avril, du module d'astrophysique Kvant à la station Mir. Ils ont aussi confirmé leur maîtrise des vols spatiaux de longue durée, avec le nouveau record de séjour dans l'espace (326 jours et demi) établi par le cosmonaute Iouri Romanenko. Ils ont enfin révélé l'impressionnante capacité de lancement que leur confère désormais la fusée Energia : celle-ci, expérimentée en vol pour la première fois le 15 mai, peut placer plus de 100 tonnes de charge utile en orbite basse autour de la Terre.

L'Europe, grâce à la fusée Ariane, est parvenue à se hisser à la troisième place dans le club très fermé des puissances spatiales. La reprise, avec succès, des vols d'Ariane, en septembre, après seize mois d'interruption, laisse bien augurer de la mise en service, en 1988, de la version plus puissante Ariane 4. À La Haye, les 9 et 10 novembre, le Conseil des ministres de l'Agence spatiale européenne a donné son accord de principe à un ambitieux programme de plus de 110 milliards de francs en trois volets – le lanceur lourd Ariane 5, l'infrastructure orbitale Columbus et l'avion spatial Hermès – qui devrait assurer à l'Europe d'ici la fin du siècle l'autonomie pour toutes les opérations orbitales. La France, l'Allemagne et l'Italie financeront ensemble 77 p. 100 de Columbus, 82 p. 100 d'Ariane 5 et près de 90 p. 100 d'Hermès. Les deux autres principaux actionnaires seront la Belgique et l'Espagne, qui contribueront au total à 10 p. 100 environ des dépenses. Ces cinq pays assureront donc quasiment à eux seuls le financement de la nouvelle triade spatiale européenne, à laquelle le Royaume-Uni a refusé de s'associer.

Microbiologie et virologie

Cent ans après sa création, en juin 1887, l'Institut Pasteur garde sa vocation initiale : l'étude des maladies infectieuses, bactériennes, virales et parasitaires, ainsi que des moyens propres à les prévenir et à les combattre. Son champ d'investigation s'est élargi avec l'essor considérable des connaissances concernant ces maladies, comme l'indique son président, François Jacob, prix Nobel 1965, qui nous présente Un jeune centenaire : l'Institut Pasteur. C'est ainsi qu'on y conduit aujourd'hui des recherches fondamentales en biologie moléculaire. Celle-ci est devenue la biologie de base, dont les découvertes intéressent la physiologie, la virologie, l'embryologie et la pathologie. L'un de ses dérivés, le génie génétique, constitue désormais une arme essentielle de la médecine.