Cette expérience longue et variée au service de l'État, une connaissance étendue de la société israélienne, des relations nombreuses à l'étranger, ainsi que des opinions religieuses et politiques modérées expliquent la victoire de Haïm Herzog dans l'élection du 22 mars. Sa présence à la tête de l'État pour cinq ans, à partir du 4 mai, garantit un certain équilibre au sein des institutions d'Israël.

Portrait
Itzhak Shamir : un faucon

Né en 1915 en Pologne, Itzhak Shamir reste, à bien des égards, un personnage mystérieux. Très jeune, il s'engage dans le mouvement sioniste, au sein du Betar qui en représente la tendance maximaliste. Il gagne la Palestine en 1935 pour rejoindre l'organisation clandestine Irgoun — rivale de la Hagannah —, principale instigatrice du terrorisme antibritannique et anti-arabe. Abandonnant cette organisation en 1940, il fonde son propre groupe, l'organisation Stern (ou Lehi), qui tirera gloire d'un certain nombre d'actions spectaculaires : attentats contre l'hôtel King David à Jérusalem, massacre de Deir-Yassin, assassinai du comte Folke Bernadotte. Itzhak Shamir devient un homme traqué. Il est arrêté, déporté en Érythrée jusqu'en 1946, s'évade, se réfugie à Djibouti, pour ne se retrouver en Israël qu'au moment de la création de l'État. Suit une longue période assez trouble : les Israéliens le recherchent, ce qui l'oblige à retourner à la clandestinité, mais, en 1955, le Mossad le recrute et le garde en son sein jusqu'en 1966. Sa réapparition publique coïncide avec sa réconciliation avec Menahem Begin, qu'il rejoint au Hérout en 1970. Élu député, il préside la Knesset à partir de 1977, après le succès du Likoud. En 1979, Menahem Begin l'appelle à la succession de Moshe Dayan, aux Affaires étrangères. Hostile aux accords de Camp David, désapprouvant l'évacuation du Sinaï, soutenant activement le général Sharon dans l'aventure libanaise, Itzhak Shamir est un véritable faucon, ce qui semble assurer la continuité de la politique intransigeante de son prédécesseur, à la tête du gouvernement israélien.

Philippe Rondot

Liban

Un pays déchiré

Confirmation du partage de fait du territoire libanais entre forces d'occupation syriennes et israéliennes, défi permanent à l'autorité précaire d'un État dont 1983 devait marquer la lente restauration après sept années de vacuité presque totale de l'exécutif, telles sont, avec la perpétuation d'une violence endémique qui se solde par des centaines de morts dans l'ensemble du pays, les principales caractéristiques de l'année. Tandis que la souveraineté nationale s'exerce tant bien que mal sur un périmètre d'une centaine de km2 (Beyrouth et sa grande banlieue), les Syriens campent fermement sur leurs positions dans le nord et dans l'est du pays, les Israéliens pour leur part — même après leur retrait du Chouf — continuent d'en occuper près de 3 000 km2 dans le Sud et le Sud-Est. Les frontières séparant les deux armées suivent le tracé commandé sur le terrain par le dernier cessez-le-feu de la guerre de 1982. Plus que jamais, le Liban, où toutes les rivalités du Proche-Orient s'affrontent depuis 1975, apparaît comme un pays sous influence.

Dégradation

Pourtant, fort de la levée de l'hypothèque palestinienne et d'un consensus, fondé pour une part sur une lassitude générale, le président Amine Gemayel peut encore se permettre, au début de l'année, d'espérer en un processus de renforcement de l'État fragile qu'il incarne : un espoir que de très nombreux Libanais partagent et expriment, dans diverses communautés du pays — à l'exception des Druzes engagés depuis six mois dans une guérilla qui les oppose aux forces libanaises (bras armé du parti phalangiste) dans le Chouf. Mais la première semaine de janvier se solde déjà par une centaine de morts, notamment à Tripoli (entre factions rivales, prosyrienne et anti-syrienne) et dans les affrontements entre Druzes et chrétiens. Surtout, la dégradation de la situation atteint bientôt, et pour la première fois depuis l'élection du président libanais, Beyrouth, symbole de son pouvoir. Après deux actes de terrorisme commis au cœur de la cité et un attentat contre le contingent français de la Force multinationale (1 para tué), le dernier week-end du mois se termine par un violent bombardement des quartiers chrétiens de la capitale à partir de positions syriennes et druzes de la montagne. Dès lors, l'autorité de l'État ne cessera plus d'être défiée. Sur le plan de la sécurité, les troubles deviennent quotidien dans le Grand Beyrouth, où le gouvernement est censé exercer son autorité. Attentats contre les représentants de la Force multinationale, bombardements des secteurs chrétiens, attentats à la voiture piégée contre diverses institutions, dont le plus meurtrier et le plus spectaculaire dirigé contre l'ambassade des États-Unis fait plus de 80 morts, se multiplient.

Défis

Mais Amine Gemayel subira plusieurs défis d'un autre ordre, politique celui-là, tant de la part de ses compatriotes que de celle des États occupants. Si le plus humiliant de ces défis fut — sur le plan intérieur — l'enlèvement pendant vingt-quatre heures de trois des ministres du gouvernement séquestrés par les milices druzes et renvoyés, de plénipotentiaires qu'ils étaient arrivés, en « télégraphistes » porteurs des conditions posées par leurs ravisseurs au chef de l'État, l'un des plus sérieux, avant la bataille du Chouf, fut l'insurrection de miliciens en majorité chiites, mais aussi sunnites et druzes, à Beyrouth-Ouest. L'armée libanaise, qui subissait son baptême du feu, ne réussit à réprimer ce soulèvement qu'au terme de trois journées de combats acharnés.