L'accord de cessez-le-feu et la conférence de Genève à laquelle participe le chef de la diplomatie du président Assad sont pour celui-ci d'indiscutables succès, qui consacrent le redressement de ses positions politiques et militaires en même temps que la reconstitution d'une opposition libanaise qui sort plus forte de son affrontement avec les phalanges et les partisans du président Gemayel. Les États-Unis, de leur côté, n'ont pas réussi à réunifier ni à restaurer un État libanais qu'ils auraient incorporé à leur zone d'influence. Leur contingent et les unités françaises à Beyrouth subissent de lourdes pertes à la suite de sanglants attentats. L'armée israélienne est, elle aussi, durement touchée dans le Sud. L'équilibre qui résulte de cette nouvelle phase de l'interminable crise du Proche-Orient semble singulièrement précaire. C'est un équilibre qui reste à la merci des prochaines épreuves de force.

Paul-Marie de La Gorce

Algérie

Pour une vie meilleure

À quelques mois de la réunion, en 1984, du congrès du FLN et de l'élection du président de la République, Chadli Bendjedid s'efforce de mettre ses actes en accord avec ses paroles.

Grand Maghreb

Préparée par de multiples contacts secrets, la rencontre Hassan II-Chadli Bendjedid, le 26 février sur la frontière algéro-marocaine près de Akid-Lotfi, amorce un rapprochement entre Alger et Rabat après sept années d'une crise marquée essentiellement par le différend à propos du Sahara occidental. C'est l'occasion pour l'Algérie, qui se veut toujours la championne du non-alignement, de confirmer sa volonté d'apaisement et de proclamer que l'un de ses objectifs majeurs est l'édification d'un Grand Maghreb arabe. Mais la reprise d'un dialogue serein, impliquant de grandes concessions de part et d'autre, s'annonce délicate tant demeure grande la méfiance entre ces deux régimes aussi différents.

La signature, le 19 mars, d'un traité de fraternité et de concorde avec la Tunisie, à l'occasion de la visite du président algérien à Tunis, vient confirmer que le processus d'union maghrébine semble engagé. De leur côté, les Tunisiens, dont le président, Habib Bourguiba, se trouve quelque temps après (29-31 mai) en visite officielle à Alger, y sont fermement décidés. Pour Alger, cette coopération, ainsi engagée, doit être exemplaire. Pour éviter de nouveaux conflits semblables à celui du Sahara, le président Chadli Bendjedid règle, par des accords de bornage, quelques litiges frontaliers persistants avec le Niger, la Tunisie, le Mali, la Mauritanie, cependant qu'il élude habilement une nouvelle proposition libyenne d'union, en mars.

Assainissement

En arrivant au pouvoir, le président Chadli Bendjedid avait décidé de mettre fin à certaines pratiques — la corruption et l'enrichissement illicite — courantes sous Houari Boumediene. La Cour des comptes ouvrit alors quelques dossiers sur des personnalités proches de l'ancien chef d'État. L'arrestation, en février, de Messaoud Zeghar (qui avait défrayé la chronique en juin 1978 en couvrant l'enlèvement, au Canada, de sa sœur mariée à un Français) cause quelque bruit, d'autant plus qu'au même moment la rumeur court de la mise à l'écart et de la mutation de plusieurs officiers supérieurs. Certains annoncent qu'il s'agit d'un complot visant à écarter les boumediennistes, encore nombreux dans l'appareil d'État. Le lancement d'un mandat d'arrêt international contre l'ancien ministre des Affaires étrangères, Abdelaziz Bouteflika, dont la Cour des comptes étudie aussi le dossier, sa condamnation à reverser plusieurs centaines de milliers de francs suisses, celle, également, de l'ancien ministre de l'Hydraulique, Ahmed Bencherif, celle de plusieurs hauts fonctionnaires sont l'occasion pour le régime de rappeler la volonté du président Chadli Bendjedid de créer « l'esprit de rigueur dans la gestion, et le respect de la moralité dans le service de l'État ».

Islamisme

L'Algérie avait connu en décembre 1982 un accès de fièvre intégriste que les autorités s'étaient aussitôt employées à stopper en démantelant quelques organisations musulmanes clandestines à l'origine de violences armées. La chasse aux intégristes se poursuit en janvier 1983, avec l'arrestation à Alger — spectaculaire à cause des fusillades qu'elle entraîne — de nouveaux activistes. L'interpellation presque simultanée (25 janvier), en France, de cinq personnes séjournant dans la villa d'Ahmed Ben Bella, le premier président de la République algérienne, donne une dimension exceptionnelle à cette agitation, dans la mesure où l'on est tenté de lui voir des ramifications extérieures.