Témoignant à sa façon d'un incontestable savoir-faire politique, jouant de son charme avec habileté, Ronald Reagan a su, à de nombreuses reprises, déjouer les critiques de ses adversaires libéraux et conservateurs. Il a opéré comme promis d'importantes réductions en matière d'impôts et de dépenses. Il a jugulé l'inflation. Il a renforcé militairement les États-Unis et redonné à ses compatriotes un sentiment de force et de fierté.

En revanche, il s'est montré incapable de relancer l'économie, d'enrayer la progression du chômage et de combler l'impressionnant déficit du budget fédéral. Faute d'une ligne directrice claire, sa politique étrangère, volontiers pragmatique, s'est fréquemment révélée flottante et incertaine. Le remplacement, à la tête du secrétariat d'État aux Affaires étrangères, de Alexander Haig, démissionnaire, par George Shultz, un ancien ministre de R. Nixon âgé de 62 ans, illustrera fin juin 1982 le malaise qui règne au sein de l'équipe chargée de fixer les grandes lignes de la diplomatie américaine.

Lorsqu'en janvier 1982 R. Reagan aborde la deuxième année de sa présidence, l'état de grâce dont il a bénéficié depuis son accession à la charge suprême n'est pas encore tout à fait révolu. De toute évidence, le chef de la Maison-Blanche demeure populaire, mais la confiance que lui témoignent ses compatriotes s'érode lentement. La plupart des Américains reconnaissent qu'il a tenu ses promesses électorales et sont prêts à lui accorder les circonstances atténuantes dans les domaines où les résultats n'ont pas été à la hauteur de ses ambitions.

Désenchantés

Cependant, les difficultés que rencontre l'économie et les incertitudes de la politique étrangère tendent à aviver les inquiétudes. Au printemps, les sondages laissent apparaître pour la première fois une majorité de citoyens désenchantés. C'est à cette époque aussi que le président commence à s'en prendre à la presse, « qui manque du sens des responsabilités et dont le battage négatif permanent peut contribuer psychologiquement à ralentir la reprise économique qui se dessine ».

Les critiques de plus en plus ouvertes qui sont adressées au chef de l'exécutif n'émanent pas seulement des libéraux, des écologistes, des pacifistes, des associations de consommateurs, des Noirs, mais aussi de certains secteurs ultra-conservateurs de l'électorat républicain — la majorité morale —, déçus de ce que Reagan n'ait pas respecté tous ses engagements, par exemple sur l'avortement.

Le plan de décentralisation, proposé par le président dans son message sur l'état de l'Union, le 26 janvier 1982, provoque de vives réactions d'hostilité dans les rangs démocrates et suscite des réticences chez les républicains modérés. Presque tous mettent en doute le bien-fondé de ce nouveau fédéralisme qui devrait se traduire en particulier par une importante réduction de l'aide apportée aux États par le pouvoir central.

Économie

C'est à partir du 29 juillet 1981 que le président Reagan peut engager dans les meilleures conditions possibles la bataille économique qu'il a décidé de livrer sur la base d'un programme entièrement nouveau : les sénateurs, par 89 voix contre 11, et les représentants, par 238 voix contre 195, ont adopté en effet un projet de réforme fiscale dont les traits majeurs sont une diminution uniforme de 25 % en trois ans des taux d'imposition sur le revenu et une réduction de l'impôt frappant l'investissement des entreprises.

Pour le chef de l'exécutif, il s'agit de relancer une productivité en régression et d'arrêter la marée inflationniste. Le plan de redressement implique également une limitation du rôle de l'État fédéral, qui, selon les dirigeants républicains, entrave le développement du secteur privé. Les dépenses budgétaires prévues seront donc diminuées de près de 150 milliards de dollars en trois ans, grâce aux coupes sombres qui affecteront quelque 250 programmes sociaux.

Ainsi, après le vote du Congrès, le président a désormais tous les moyens de sa politique, même si celle-ci repose sur certains postulats qui ne font pas l'unanimité dans les milieux industriels et financiers américains. R. Reagan peut se flatter d'avoir rassemblé autour de lui, dans les deux chambres, ce qu'il appelle « une solide coalition bipartisane unissant des démocrates et des républicains ».