Le monde du spectacle, blasé comme d'habitude, est réveillé par cette abondance de biens et cette richesse si variée d'inspiration. Il s'attendait encore moins au choc que produit en février l'apparition d'Anna Prucnal au Petit Forum des Halles : Polonaise d'origine, comédienne de formation, Anna Prucnal a tout simplement séduit par sa sûreté, son professionnalisme, autant dans le répertoire folklorique de sa patrie que dans les œuvres de composition. Même surprise du côté du Canada, avec, au mois d'avril à Bobino, la comédienne Carole Laure (La mort du bûcheron), et le compositeur Lewis Furey, dans un spectacle attachant où Kurt Weill rencontre soudain Elton John.

Chants des exilés

Faut-il joindre à cette année de la femme dans la chanson une forte participation des artistes des autres continents ? Sans doute la sensibilité du public était-elle prête à recevoir le chant de ces exilés, de ces messagers, venus d'autres cultures, dont les œuvres en disent aussi long que le chemin qui mène à la liberté. C'est ainsi que le Théâtre de la Ville, à Paris, fait fête à Soledad Bravo : Vénézuélienne d'origine espagnole, la voix de cette artiste, puissante et touchante, défend un folklore particulièrement riche et la poésie engagée des troubadours de la nouvelle vague cubaine, Silvio Rodriguez et Pablo Milanès. Ceux-ci se produisent en France au mois de mars.

L'Amérique latine perpétue son appel à la fraternité à travers les répertoires des Chiliens Isabel et Angel Parra, du grand poète uruguayen Daniel Viglietti (Chanson pour notre Amérique), de la Brésilienne Nazaré Pereira qui nous fait découvrir le chant du Nord-Est de sa patrie (Chero da Carolina) et de Maria d'Apparecida, une diva qui a préféré les chansons du guitariste Baden Powell aux airs de Carmen ou de La Traviata (O que sera que sera, Construcao).

Enfin, il faut retenir d'une année de chansons l'intense activité des artistes en direction des enfants. Répertoire gentiment commercial comme celui de Chantal Goya (La poupée) ou Noam (Goldorak), mais plus largement chansons d'animation qui peuvent intervenir comme pédagogie d'éveil ou approche de la poésie. Les artistes et les groupes se multiplient sensiblement, qui se vouent à cette tâche.

Citons en particulier ceux qui s'y consacrent depuis des années, sur une heureuse intuition : Jo Akepsimas et Mannick (Cigales, Les maringouins), Raymond Fau (Enfanfreluches), Jacqueline Farreyrol (Trila ritron) et Maren Berg. Cette jeune Allemande, séduite par l'œuvre d'Anne Sylvestre et les merveilleuses fabulettes qu'elle a composées il y a plus de dix ans avant que la vague ne démarre, propose aux enfants qui viennent l'entendre des histoires et des chansons qu'ils apprécient entre toutes (Le secret d'Anatole, J'ai une maison). Maren Berg, tout comme les autres artistes, va au-devant des auditeurs en culottes courtes, parfois dans leur école.

Et l'on se dit que, si les gentils saltimbanques parviennent à entrer dans les enceintes scolaires, la chanson ne fait, au milieu des enfants, que retrouver sa spontanéité et sa richesse premières. Chanter n'est-il pas encore ce que l'être humain pratique le plus naturellement dès le plus jeune âge ?

Jazz et pop

Un nouveau souffle confirme une grande vitalité

Surprenantes années 70 ! Il y a deux ans à peine, la grande presse ne jurait plus que par le mouvement punk — phénomène certes spectaculaire, mais plutôt limité sur le plan musical. Qu'en reste-t-il aujourd'hui ? Pas grand-chose si l'on s'en tient aux aspects purement extérieurs de ce bouleversement. En profondeur, tout a changé. Une nouvelle génération de musiciens — et de public — a vu le jour, profitant du fait que les punks avaient relégué au magasin des vieilleries les superstars croulantes nées à l'époque des Beatles.

On a pris l'habitude d'englober tout ce nouveau mouvement sous le terme global de new wave. En fait, les tendances qui l'animent sont variées. On peut en discerner quelques traits dominants. Tout d'abord, un intérêt prononcé pour le reggae, cette musique jamaïcaine popularisée chez nous par Eric Clapton, l'un des premiers musiciens blancs à s'y être intéressés. Les créateurs de ces rythmes caraïbes connaissent à leur tour un certain succès, comme en témoignent les nombreuses tournées faites en Europe et l'estime dont bénéficient des gens comme Bob Marley ou Peter Tosh (Paris, novembre).