Cette politique des petits concerts, étendue à l'ensemble de la France, a été un élément déterminant dans le réveil de la musique chez nous, aussi bien dans le rock que dans le jazz. Côté rock, les groupes apparus il y a deux ou trois ans ont fait beaucoup de petits. Certains sont même appréciés en Angleterre, comme Téléphone ; tandis que Bijou ou Starshooter ont su s'attirer la sympathie, voire la collaboration, de vieux routiers comme Serge Gainsbourg. Et, pour une fois, la province est à l'honneur, puisque la quasi-totalité des formations en viennent. Comme si Paris était néfaste à la cohésion d'un groupe ou à sa survie.

L'Europe du jazz

Côté jazz, il semble qu'on ait suivi l'exemple américain : concerts dans de petits endroits, dans une atmosphère presque intime, où les séparations entre les musiciens et le public sont réduites au maximum. Plus que dans aucune autre musique, l'initiative individuelle est déterminante. Soit pour organiser un concert, comme au Totem presque tous les soirs, soit pour lancer un petit label de disques, les grandes maisons ayant trop souvent l'habitude de tourner le dos à tout ce qui se fait de créatif.

Enfin, les lieux culturels traditionnels semblent s'ouvrir plus facilement à une musique qui a l'avantage de posséder une physionomie plus sérieuse, plus « respectable » que celle de la pop. Le musée d'Art moderne présente ainsi chaque semaine, sous l'impulsion du batteur Daniel Humair, un programme où figurent souvent les tendances les plus avant-gardistes du jazz.

Les artistes français qui participent à ces programmes sont plus nombreux chaque année et s'expriment dans un idiome qui, tout en étant lié au jazz, possède sa propre individualité, une sorte d'identité nationale. On peut ainsi évoquer un jazz français — avec notamment François Cahen, Henri Texier, Jacques Thollot — faisant écho à un jazz anglais (Keith Tippett, Elton Dean), hollandais (Willem Breuker), allemand (Joachim Kühm, Manfred Schoof) ou norvégien (Terje Rypdal). Autant d'identités qui se situent dans une perspective européenne relativement indépendante des grands courants américains. Ces derniers fusionnent parfois avec elles, pour le meilleur plutôt que pour le pire, comme on a pu en juger au dernier festival de Nîmes, avec l'Europamerica Sextet (juillet 1978) ou à celui d'Antibes, avec le Carla Bley Band (juillet 1978).

Climat houleux

Ces festivals, grosses machines un peu indigestes offrant à peu près un mois ininterrompu de musique, permettent de faire un tour d'horizon complet de toutes les tendances actuelles. Chacune d'entre elles a ses fanatiques, et les concerts se déroulent souvent dans un climat houleux. Les batailles d'Hernani sont quotidiennes, ce qui est bien la preuve de la vitalité de cette musique, à défaut de la courtoisie ou de l'intelligence de ceux qui viennent l'écouter.

Cette année encore, le programme des festivités aura été particulièrement alléchant, puisque, rien qu'à Antibes-Juan-les-Pins, c'est littéralement toute l'histoire du jazz qui aura défilé sur les planches ; du traditionnel (Claude Luter, Earl Hines) au swing (Count Basie), puis au be-bop (Dexter Gordon, Johnny Griffin), et aux enfants de Miles Davis (Herbie Hancock, Chick Corea), sans oublier quelques excellents Européens comme Eberhard Weber ou Didier Levallet. En tout, un plateau de plus de 200 artistes pour une dizaine de jours de concerts. Si toutes les musiques, voire toutes les activités artistiques, connaissaient chez nous des manifestations d'une ampleur semblable, notre vie culturelle s'en porterait beaucoup mieux.

Télévision

Douze mois sans véritable surprise

Chaque année, la télévision profite de la rentrée des téléspectateurs pour rénover ses grilles de programmes, sans toucher aux productions vedettes bien sûr, sans déplacer ses personnalités de choc, mais en aménageant les coins, histoire de grignoter quelques points sur l'indice d'audience et de satisfaction.

À vrai dire, les trois sociétés de programme se sont montrées plus que prudentes dès le début de la saison, chacune préférant consolider ses positions plutôt que de se risquer en de douteux combats. D'autant que, dès le mois d'octobre, l'horizon s'assombrit du côté de la SFP.

Production en crise

Héritière du personnel et du matériel lourd de production (cars vidéo, studios des Buttes-Chaumont, etc.), de l'ex-ORTF, lors de la réforme de 1974, la Société française de production a pour mission de fabriquer des émissions selon les besoins des trois chaînes et de prêter son concours au cinéma, à la publicité. Bref, de devenir, comme on l'a dit, une sorte de Régie Renault de l'audiovisuel.