Deux types de pollution sont plus spécialement mis en cause :
– les boues jaunes, rejetées par une fabrique de bioxyde de titane installée au Havre, et contenant de l'acide sulfurique, du sulfate de fer et des métaux lourds ;
– le phosphogypse (il provient de deux usines de Rouen) rejeté directement par une usine d'engrais du Havre ou immergé à l'aide de barges au large de Deauville.

Les procédures judiciaires entamées par les pêcheurs aboutissent, au début de 1976, à l'interdiction successive de ces deux types de déchets par le tribunal administratif de Rouen. En attendant de se prononcer sur le fond, le Conseil d'État lève cette interdiction pour le seul phosphogypse.

Les entreprises chimiques cherchent cependant les moyens d'utiliser ce produit. Il est assez facile techniquement de le transformer en plâtre. Les exploitants de carrières de gypse naturel seraient acculés à la faillite... Des études sont menées pour utiliser le phosphogypse dans les remblais et les soubassements des routes.

Le traitement des déchets des fabriques de bioxyde de titane se heurte à des difficultés économiques, obstacles plus graves que les problèmes techniques. L'usine du Havre comme celle de Calais n'échappent pas à ces difficultés, qui rappellent l'affaire des fameuses boues rouges rejetées par la firme italienne Montedison au large de Calais. Rouges ou jaunes, ces boues ont une composition analogue. On pourrait les traiter et récupérer le sulfate de fer et l'acide sulfurique. On pourrait aussi les neutraliser. Mais ces procédés augmentent de 15 à 20 % le prix de revient du bioxyde de titane, abondamment utilisé aujourd'hui comme colorant industriel (peintures, matières plastiques, papier, encre, etc.). Les industriels menacent de licencier leurs salariés si on les contraint à recourir à ces procédés sans que la concurrence étrangère soit soumise aux mêmes exigences.

La CEE prépare un plan qui pourrait au moins résoudre le problème dans l'Europe des Neuf en imposant à toutes les fabriques de bioxyde de titane situées dans la Communauté des normes rigoureuses de traitement des déchets.

Autre effort international encourageant et de plus grande ampleur : la signature, le 16 février 1976, à Barcelone, par 12 pays riverains, d'une convention sur les moyens de prévenir et de combattre la pollution de la Méditerranée.

Eaux douces

Diverses mesures ont été prises pour arrêter la détérioration des rivières et des lacs.

L'agence du Bassin Seine-Normandie poursuit une action qui, affirme-t-elle, a réussi à bloquer l'accroissement de la pollution de la Seine depuis 1970. Une opération particulière et de longue durée est lancée en 1976 pour assainir les eaux de l'Oise et de l'Aisne. À Paris, la ville achète, en commun avec le port autonome et la Compagnie générale des eaux, un bateau conçu pour enlever les détritus flottants et nettoyer les barrages. Il assurera quotidiennement la toilette de la Seine. Prix : 450 000 F.

Rhin

Le coût économique de la lutte contre la pollution des rivières est également un obstacle important. On le constate au début d'avril 1976 pour le Rhin. Ce fleuve est devenu le plus grand égout d'Europe. Les ministres de l'Environnement de Suisse, de l'Allemagne fédérale, de France, du Luxembourg et des Pays-Bas se réunissent à Paris pour chercher les moyens de remédier à cette situation. Ils établissent des listes de produits toxiques dont les rejets dans le fleuve seront interdits, ou strictement limités. Il faut délivrer le fleuve de l'un des dommages les plus graves qu'il ait à subir : la pollution saline. Les solutions techniques existent. Elles permettraient de ramener de 300 à 60 kg par seconde les déversements de sel. Mais les ministres ne parviennent pas à s'entendre sur la répartition du financement des opérations, ils doivent se réunir à nouveau pour en discuter.

L'Institut géographique national présente en juillet 1975 un procédé de télédétection de la pollution des eaux : un scanner fixé sous un avion enregistre le rayonnement infrarouge de grande longueur d'onde dont l'intensité est proportionnelle à la température des corps. Ce système permet de déceler de toutes petites différences de température entre deux points d'une rivière. On peut mesurer la pollution thermique, notamment en aval d'une centrale nucléaire. On peut enregistrer tout rejet de substances chimiques susceptible de modifier, dans de faibles proportions, la température de l'eau.

Croisade

Le groupe Paul-Émile Victor lance à travers la France, en octobre 1975, une croisade pour l'eau pure. Selon une enquête récente, des villes françaises risquent de manquer d'eau dans moins d'une décennie. Non seulement les lacs et les rivières sont pollués, mais la nappe phréatique est parfois atteinte et, en certains endroits, son niveau baisse dangereusement. Le recyclage naturel de l'eau ne permet plus d'éliminer certains produits toxiques.