Ces grandes manœuvres industrielles ne devraient cependant pas retarder l'exécution du programme nucléaire du VIe Plan. Le soin avec lequel s'opèrent ces premières approches est compréhensible, l'équipement nucléaire devant prendre dans la prochaine décennie une ampleur gigantesque.

Surrégénérateurs

Si l'entente entre Babcock-Atlantique et la CGE est difficile pour le présent, elle s'annonce plus aisée pour l'avenir. Les deux entreprises, prenant les devants, ont posé en février 1973 leur candidature commune pour la construction du premier réacteur de la génération suivante, celle des surrégénérateurs, construction qui pourrait être décidée dès 1974. En mettant en service en avril 1973, à Marcoule, le surrégénérateur Phénix de taille semi-industrielle, le Commissariat à l'énergie atomique a confirmé que la France est à la pointe de la recherche mondiale sur ce type de réacteurs, le mieux placé pour écarter, à long terme, toute menace de pénurie énergétique.

Sidérurgie

L'aciérie de Fos remise sur les rails

Les derniers mois de l'année 1972 et les premiers mois de 1973 ont permis de régler comme prévu le difficile et important problème posé à la sidérurgie française par le financement de la nouvelle grande usine en construction à Fos-sur-Mer (Solmer).

Pour mener à son terme ce complexe littoral, pièce maîtresse du développement de l'industrie française de l'acier pendant la période 1972-80, les seules forces du promoteur Wendel-Sidélor se sont révélées insuffisantes, bien qu'il soit en tonnage le no 1 français.

Coopérative

La conjoncture défavorable que le marché sidérurgique a connue en 1971 et même en 1972 a réduit à néant les profits du groupe, engagé par ailleurs dans la restructuration de ses installations lorraines, et asséché sa capacité d'autofinancement.

La crise pour Wendel-Sidélor a été alourdie par le poids de ses faiblesses structurelles : localisation défavorable d'usines anciennes, petites, faiblement productives et axées sur des produits peu rentables et très sensibles au marché ; endettement excessif et, surtout, retard à intégrer et à rationaliser un ensemble constitué peu à peu d'apports disparates juxtaposés.

Wendel-Sidélor a donc dû renoncer à la pleine maîtrise sur Solmer et accepter la parité absolue dans le capital et dans la gestion avec l'autre grand sidérurgiste français, Usinor, ainsi que la participation du leader allemand Thyssen pour une part pouvant aller jusqu'à plus de 20 % au total. Solmer fonctionnera comme une coopérative de production dont chaque actionnaire prendra et vendra la part de fabrication correspondant à la fraction de capital qu'il détient.

Ce montage financier – faute de moyens chez les deux nouveaux partenaires – n'a pu être obtenu que grâce à l'habileté du président de la Sidérurgie française, Jacques Ferry, qui a obtenu le concours de l'État et des banques.

Aléa

Cette solution se limite d'ailleurs à la première phase des travaux, qui s'étalera jusqu'en 1976 ; Solmer devrait alors être doté d'une capacité de production de 3,5 millions de tonnes.

Pour le reste, qui consisterait à porter l'usine à 6 ou 8 millions de tonnes dans les quatre années suivantes, les experts s'en remettent au marché, c'est-à-dire aux marges d'autofinancement qui devraient être contenues dans les prix.

L'aléa ainsi admis sur le plein développement de Fos est d'autant plus préoccupant que c'est cette deuxième phase de développement qui pourrait porter l'usine au-dessus de la rentabilité à peine moyenne qu'elle aura dans sa première phase.

Le coût de cette première tranche étant de 7,7 milliards (estimation début 73), l'équilibre du financement exige un capital de 2,3 milliards à constituer avant la fin de l'année 1973, garantissant les 3,6 milliards de prêts des banques et les 1,8 milliard de prêt de l'État.

Interpénétration

Or, Wendel-Sidélor n'avait pas pu, au printemps 1973, atteindre les 300 millions de francs de fonds propres pour Solmer. Dans une première étape, il en dégagera sur ses ressources 180, et Usinor en fournira quant à lui, sur ses propres ressources, 220 millions. Ultérieurement, chacune des deux sociétés portera sa contribution directe à 500 millions dans le capital de Solmer.