Avant cette conclusion, de multiples péripéties ont marqué la lutte de tendances, dont les échos assourdis et souvent déformés ont pu faire croire un instant que la personne même de Husak était menacée.

Après l'exclusion du parti d'Alexandre Dubcek, après la gigantesque vague d'épuration qui s'est abattue sur le parti (300 000 membres exclus au moment du renouvellement des cartes), après la mise au pas complète de la presse et de l'université, le problème s'est posé de savoir si, oui ou non, la nouvelle direction entendait donner des suites judiciaires à l'explosion libérale du printemps 1968.

La gauche du Parti (les néo-staliniens) a pendant plusieurs mois tenté de forcer la main au chef du PC. Regroupée au sein du Front de gauche, sorte d'organisation parallèle des vieux communistes, elle a critiqué à plusieurs reprises les lenteurs de l'épuration. Gustav Husak ripostait, la faisant accuser dans Rude Pravo (l'organe du parti) d'employer des méthodes « qui rappellent celles de la révolution culturelle chinoise ». Le chef du parti tolérait en même temps, sinon approuvait des attaques aussi hallucinantes que celles qui ont paru dans la Pravda, dénonçant le mouvement libéral comme une machination sioniste et relevant le « super-enjuivement de la radio et de la télévision » pendant le printemps libéral.

Se refusant à monter des grands procès politiques, Gustav Husak a laissé s'abattre la main de la justice et de la police sur plusieurs lampistes. Arrestations et condamnations : Vladimir Skutina, ancien commentateur de la télévision, condamné en février 1971 à deux ans de prison ; le général Prchlik, ancien chef de l'Administration politique de l'armée, condamné à trois ans de prison pour avoir, en juillet 1968, critiqué les mécanismes du pacte de Varsovie ; 19 jeunes trotskystes, qui avaient créé un mouvement d'opposition (le Parti socialiste révolutionnaire), condamnés à des peines de un an à quatre ans de prison. Parallèlement, le procès des auteurs du Manifeste en dix points, proclamation libérale adressée aux autorités, la veille du 21 août 1969, a été plusieurs fois ajourné ; l'historien Karel Tesak et Rudolph Battek, ancien député, les seuls des onze accusés à être en prison, ont été finalement mis en liberté provisoire.

Ces quelques affaires judiciaires ont paru bien inquiétantes pour l'avenir d'une pensée libre en Tchécoslovaquie ; elles sont loin d'avoir satisfait aux désirs de revanche des néostaliniens.

Rivalités

Des rivalités de personne ont également joué dans la lutte engagée contre Husak ; celui-ci a, semble-t-il, obtenu de l'URSS un désaveu des ultras, qui prétendaient se réclamer d'elle, et a su réagir. Le 23 octobre 1970, il révoque Z. Groesser, ministre tchèque de l'Intérieur, et décharge de ses fonctions le général Rytir, responsable des liaisons avec les troupes soviétiques, tous deux militants actifs de l'aile stalinienne.

Après ce premier succès, il doit affronter un nouvel assaut du Plénum du comité central, les 10 et 11 décembre 1970. Pour la première fois, un membre du Bureau politique, Alois Indra, évoque les « communistes honnêtes qui ont demandé l'aide de l'URSS en 1968 ». Un autre membre de la direction, Vassil Bilak, aurait alors fait circuler une liste avec les noms des quarante signataires de l'appel adressé à l'Union soviétique. Celui de Gustav Husak, qui, en août 1968, protestait contre l'intervention militaire, n'y figurait pas. Cette manœuvre visait à mettre en difficulté le chef du Parti et à lui rappeler que, dans une Tchécoslovaquie normalisée, il portait encore en lui un ancien péché de libéralisme.

À la demande de Gustav Husak, cette question fut ajournée par le Comité central et la fameuse liste n'a toujours pas été rendue publique. Car, pour l'Union soviétique, engagée dans une politique de détente en Europe, le chef du PC représente toujours le responsable adéquat pour éviter à la Tchécoslovaquie de nouveaux soubresauts. Les néo-staliniens sont apparus comme des hommes trop inquiétants, trop imprévisibles, et l'URSS a refusé de s'engager derrière eux.

« L'aveu » interdit

Le livre et le film l'Aveu auront fait couler beaucoup d'encre à Prague, bien que le premier ait été rapidement retiré de la vente en 1969 et que le second n'ait jamais eu le droit d'être projeté sur les écrans tchécoslovaques. Le 5 août 1970, les autorités de Prague notifient à l'auteur, Artur London, ancien vice-ministre des Affaires étrangères et rescapé du procès Slansky, résidant à Paris, qu'il était déchu de sa nationalité (28 août 1970). Cette décision, motivée par les « tendances antisocialistes et antisoviétiques du livre et du film », s'est accompagnée dans la presse tchécoslovaque d'une série d'attaques contre Artur London et contre son beau-frère, Raymond Guyot, membre du Bureau politique du PC français. La réaction des communistes français est immédiate, l'Humanité exprime leur « stupeur indignée ». Il a fallu attendre les premiers jours de septembre 1970 pour que Rude Pravo présente des excuses « aux camarades du PC français, touchés de manière indiscrète et indélicate ».

URSS

240 567 000. 11. 1,1 %.
Économie. Production (66) : A 24 % + I 59 % + S 17 %. Énerg. (*68) : 4 059.
Transports. (*68) : 254 100 M pass./km, 2 227 480 M t/km.  : 13 705 000 tjb. (68) : 62 100 000 000 pass./km.
Information. (68) : *620 quotidiens ; tirage global : *72 473 000. (68) : *85 500 000. (68) : *26 800 000. (68). Fréquentation : 4 715 M. (68) : 10 800 000.
Santé (67). 550 389. Mté inf. (68) : 26,4.
Éducation (68). Prim. : 49 195 000. Sec. et techn. : 8 100 000. Sup. : 4 469 700.
Institutions. Fédération de républiques socialistes. Constitution de 1936. Président du présidium : Nicolaï Podgorny ; succède à Anastase Mikoyan. Président du Conseil : Alexeï Kossyguine. Premier secrétaire du Parti : Leonide Brejnev.

Voie moyenne

On pouvait croire que la grande réunion du PC soviétique ajournée d'un an et finalement commencée le 30 mars 1971 marquerait un tournant de l'histoire de l'URSS. Des indications multiples laissaient entendre qu'on y ferait le procès du libéralisme khrouchtchevien et que la restalinisation y trouverait une consécration éclatante.