Journal de l'année Édition 1970 1970Éd. 1970

Les combats éclatent dans la soirée et, le lendemain, le roi Hussein est obligé d'annuler les mesures édictées. Le 22 février, un accord de coopération est conclu entre les deux parties. On ignore son contenu, mais quelques jours plus tard le souverain se sépare de son ministre de l'Intérieur, le général Mohamed Rassoul Keylani. Ce limogeage avait été exigé par Yasser Arafat.

Les fedayin enregistrent une nouvelle victoire deux mois plus tard. À la suite de quatre jours de violentes manifestations et d'une grève générale de vingt-quatre heures, Joseph Sisco, sous-secrétaire d'État américain, renonce le 17 avril à se rendre à Amman. Il devait s'entretenir avec les dirigeants sur les moyens de régler pacifiquement le conflit israélo-arabe. En outre, la Jordanie demande le rappel de l'ambassadeur des États-Unis. À la faveur d'un remaniement ministériel, le 19 avril, cinq ministres jouissant de la confiance des Palestiniens entrent au gouvernement.

Les concessions du roi

Les rapports entre le roi et les commandos demeurent tendus. Le 7 juin, un accrochage mineur dégénère en bataille rangée. L'armée jordanienne donne l'assaut à des camps de réfugiés et au quartier général du CLAP (commandement de la lutte armée palestinienne). Les fedayin élèvent des barricades, occupent des quartiers de la ville, bombardent la centrale électrique, tentent de s'emparer de la principale prison et de l'immeuble de la radio.

Ils abattent l'attaché militaire adjoint de l'ambassade américaine, et prennent en otages les journalistes étrangers — à l'exception des Français — qui résidaient dans un grand hôtel d'Amman. Le 9, le roi Hussein et Yasser Arafat concluent successivement deux accords de cessez-le-feu, qui ne sont pas respectés.

Le Front populaire (FPLP) du Dr Habache et le Front démocratique (FPDLP) de Nayef Hawatmeh refusent de l'entériner. Ils exigent notamment le limogeage du commandant en chef de l'armée, le chérif Nasser, et du commandant des blindés, le colonel Zeid Ben Chaker, ainsi que la dissolution des milices spéciales.

Un calme précaire

Le roi ayant refusé de céder sur ce dernier point, il a fallu l'intervention de plusieurs chefs d'État arabes pour que les deux organisations récalcitrantes acceptent enfin de déposer les armes. Le conflit paraît rebondir le 13 juin quand les blindés jordaniens, défiant le gouvernement, se mettent en mouvement pour attaquer un camp de réfugiés. Mais ce début de mutinerie est rapidement réprimé par le souverain.

Un comité mixte jordano-palestinien est constitué pour veiller au maintien de l'ordre. Fin juin, le calme paraissait précaire ; le Dr Habache, contrairement à Yasser Arafat, ne cachait pas son intention de poursuivre la lutte aussi bien contre le régime d'Amman que contre celui de Beyrouth.

Les victoires successives des fedayin inquiètent, à divers titres, les dirigeants des autres pays arabes. Ceux qui souhaiteraient un règlement pacifique avec Israël, sur la base de la résolution du Conseil de sécurité du 22 novembre 1967, craignent que les organisations palestiniennes deviennent suffisamment puissantes pour faire échec à toute solution de compromis.

Même les gouvernements qui ont opté pour la lutte à outrance contre Israël n'apprécient guère l'ascendant pris par les fedayin sur l'opinion. Tout en rendant hommage à la résistance palestinienne, tous les gouvernements arabes prennent à son encontre des mesures de précaution ou de répression.

En Irak, en Syrie, en Libye, des fedayin de diverses organisations sont incarcérés. En Égypte, où les Palestiniens sont peu nombreux, le président Nasser n'hésite pas à prendre le contrepied des positions politiques des organisations palestiniennes et se déclare prêt à reconnaître de facto l'État d'Israël.

Il est vrai que le Raïs bénéficie de l'appui total de l'URSS, qui a adopté, elle aussi, une attitude réservée à l'égard des nationalistes palestiniens. Certes, Yasser Arafat s'était rendu à Moscou le 9 février 1970, à la tête d'une délégation de l'OLP. Mais, invité par le comité soviétique de solidarité avec les pays d'Asie et d'Afrique, le leader d'El Fath n'a pas eu droit à un accueil officiel. La presse soviétique a d'ailleurs clairement indiqué que le Kremlin n'approuvait nullement l'objectif politique de l'OLP, à savoir la destruction de l'État d'Israël.