Journal de l'année Édition 1970 1970Éd. 1970

Fin juin 1970, après l'annonce du nouveau plan de paix américain, les organisations de fedayin prenaient leurs dispositions pour reprendre le combat contre « ceux qui s'apprêtaient à poignarder la résistance palestinienne ».

Viêt-nam

La péninsule indochinoise s'embrase de nouveau

La guerre du Viêt-nam est devenue la guerre d'Indochine. En quelques semaines, la situation politique et militaire du Sud-Est asiatique s'est radicalement transformée. En quelques jours, les perspectives d'un règlement négocié se sont écroulées. En quelques heures, le 30 avril 1970, les troupes américaines et sud-vietnamiennes, qui pénètrent au Cambodge, déclenchent un processus d'extension de la guerre dont les conséquences au début de l'été restent imprévisibles. Le retrait des forces américaines est, comme prévu, effectivement et totalement réalisé le 30 juin. Mais ce départ, s'il clôt un chapitre de l'histoire indochinoise, ne résout aucun problème.

Cette intervention au Cambodge marque incontestablement une date dans l'histoire de la guerre, au même titre que le premier raid américain sur le Viêt-nam du Nord ou l'ouverture des négociations de Paris. Jusqu'à ce 30 avril, les combats restent limités au Viêt-nam du Sud.

Certes, la piste Ho Chi Minh passait par le Laos et le Cambodge et les Américains ne se privaient pas de la bombarder, à partir notamment de leurs bases de Thaïlande. Certes, le Cambodge et le Laos servaient de refuges aux maquisards vietcongs et à leurs alliés nord-vietnamiens. De plus, les Khmers rouges et le Pathet Lao apportaient un soutien actif aux uns et aux autres. Toutefois, quelle que soit l'interpénétration des combats, des influences et des hommes dans la péninsule indochinoise, les adversaires, par une sorte d'accord tacite (et précisément pour ne pas étendre le conflit) maintenaient la guerre dans les limites des frontières du Viêt-nam. En dépit de l'ombre menaçante portée par la situation au Viêt-nam, en dépit de leurs divisions et de leurs affrontements internes, les Cambodgiens et les Laotiens, mais aussi les Américains, les Soviétiques et les Chinois, reconnaissaient l'autonomie et la spécificité des problèmes posés à Phnom Penh et à Vientiane.

C'est cet accord tacite qui a été rompu par l'intervention américano-sud-vietnamienne du 30 avril. Désormais, le Cambodge et aussi — c'était inévitable — le Laos et la Thaïlande se trouvent pris dans l'engrenage vietnamien ; les négociations à Paris sont au point mort ; la carte politique du Sud-Est asiatique est bouleversée.

Le premier cran de l'engrenage est dérisoire. Le 4 janvier, le prince Sihanouk quitte Phnom Penh pour venir suivre une cure en France. Ce n'est pas la première fois que le chef de l'État cambodgien laisse son pays à la charge du gouvernement, et une fois encore il n'a ni plus ni moins de raisons de s'inquiéter de la situation que lors de ses précédents voyages.

La politique de neutralité qu'il suit depuis des années afin de préserver le Cambodge de la contagion vietnamienne ne semble pas devoir être remise en question durant son absence. Sihanouk suit son traitement en France ; le 13 mars, comme prévu, il se rend à Moscou ; le 18, il s'apprête à gagner Pékin, dernière étape du long voyage qui doit le ramener au printemps à Phnom Penh. Le 18 mars, le Parlement cambodgien renverse le prince, remplacé trois jours plus tard à la tête de l'État par Cheng Heng.

La crise qui vient d'éclater s'explique à la fois par la prolongation de la guerre du Viêt-nam et par la situation intérieure du Cambodge.

La politique de la corde raide menée par Norodom Sihanouk devenait intenable au fur et à mesure que les combats se poursuivaient aux frontières. Les brouilles et les réconciliations avec Pékin et Washington, l'hostilité larvée ou affichée de la Thaïlande et du Viêt-nam du Sud (avec lesquels les relations diplomatiques avaient été rompues), la cordialité lointaine de Moscou, tout cela rendait de plus en plus difficile la neutralité cambodgienne. Elle apparaissait comme un fragile équilibre de tensions que le moindre changement risquait de faire s'écrouler. C'est ce qui se produit.