L'ensemble des 271 560 km de rivières de France reçoit en déchets, chaque année, l'équivalent de 10 000 trains de 600 t. Cela met en lumière un des problèmes les plus graves auxquels on se heurte dans la lutte contre la pollution des eaux : le rôle économique considérable (d'ailleurs, jamais chiffré avec précision jusqu'ici) des eaux courantes en tant que véhicules des déchets. Interdire aux usines de rejeter leurs déchets serait les pénaliser lourdement, au point de les obliger parfois à fermer leurs portes.

L'organisation de la lutte contre les pollutions des eaux intérieures repose en grande partie, en France, sur la loi du 16 décembre 1964, qui a entraîné la mise en place de tout un système décentralisé de six bassins hydrologiques, dont cinq à façade maritime. La politique d'investissement pour les équipements d'épuration est définie par des Comités de bassins, véritables parlements régionaux de l'eau. Les Agences financières de bassin perçoivent et redistribuent les taxes prélevées sur les pollueurs ; en 1969, ces sommes ont représenté 120 millions de francs.

La Conférence du Conseil de l'Europe a mis en évidence la généralisation du phénomène : tous les pays sont frappés. Le Rhin est souvent mentionné comme « le plus grand égout du continent ». Au cours de l'été 1969, des quantités considérables d'un produit chimique, l'endosulfan (Journal de l'année 1968-69), ont été malencontreusement déversées dans le grand fleuve européen, tuant la flore et des millions de poissons en Allemagne du Nord et aux Pays-Bas, où s'est posé un délicat problème d'approvisionnement en eau potable.

Le président Nixon a proposé au Congrès un budget décennal de 10 milliards de dollars pour lutter contre la pollution des eaux. Les experts américains prévoient qu'avant 1980 les déchets de toute sorte rejetés dans les eaux seront assez abondants pour que leur décomposition consomme tout l'oxygène des vingt-deux grands bassins fluviaux.

Les mers sont polluées par les eaux fluviales. Une erreur répandue consiste à penser que le problème de leur pollution se ramène à un simple taux de dilution dans la masse colossale des océans. En fait, comme le montrerait aisément une vue aérienne de l'estuaire de la Seine, par exemple, la dilution n'intervient pas ou n'intervient que très lentement dans certaines zones. Ce qui provoque parfois une concentration des polluants tout au long de la chaîne alimentaire.

Illégal, le déballastage en haute mer des navires pétroliers est difficile à mettre en évidence par simple reconnaissance aérienne. Cependant, pour la première fois, une condamnation a été prononcée par un tribunal anglais, en 1969, à l'encontre d'un navire britannique qui avait été repéré par un patrouilleur de l'aéronavale française.

Le déballastage et le nettoyage des citernes des pétroliers en haute mer conduisaient à une pollution chiffrée à environ 3 à 4 millions de tonnes d'huile par an. Conscientes des dangers et des nuisances qui en découlent, les grandes sociétés pétrolières utilisent maintenant la méthode propre de chargement sur résidu. De plus, les grandes sociétés d'armement se sont associées (plan TOVALOP : Tanker owners voluntary agrement concerning liability for oil pollution) pour indemniser les gouvernements des dépenses consécutives aux pollutions. Ce plan est en vigueur depuis le 6 octobre 1969.

Diminuer les risques

Les constructeurs de navires étudient des solutions pour diminuer les risques de pollution en cas d'accident. En février 1970, on a lancé le premier pétrolier à double fond, d'un port en lourd de 211 000 t, le Mobil Pegaso. Parallèlement, des recherches sont poursuivies sur des produits précipitants ou dispersants, comme le Corexit, utilisé avec succès, en juillet 1969, lors de l'accident du pétrolier norvégien Silja près de Toulon, au sud de l'île de Porquerolles.

Un nouveau danger de pollution des mers est apparu avec les forages off-shore. Le 10 février 1970, au large des côtes de Louisiane, dans le golfe du Mexique, il a fallu un mois pour maîtriser un puits en feu, et près de deux mois pour tarir cette source de pollution ; elle déversait en mer plus de 4 000 litres à l'heure de pétrole brut.