Comme l'étude de la contagion hippie, il serait pour le moins fâcheux pour l'historien du cinéma de confondre sociologie, business et talent créateur. L'Oscar obtenu par Macadam Cowboy, du Britannique John Schlesinger, prouve simplement l'habileté d'un réalisateur à « prendre habilement le vent de la mode ». Cela rappelle les succès de 1968 (Mike Nichols et son Lauréat, par exemple) qui cinématographiquement n'étaient en aucun cas révolutionnaires.

Néanmoins, il est certain que Mash, de Robert Altman, malgré son parti pris d'agressive vulgarité, ou Woodstock, de Michael Wadleigh, document tonitruant sur le fameux Festival hippy qui réunit plus de 500 000 participants, sont des réussites mineures. Tout comme le John and Mary, de Peter Yates, ou l'Alice's Restaurant, d'Arthur Penn. Plus sincère, Medium Cool, d'Haskell Wexler, ex-opérateur de Kazan, témoigne d'une Amérique inquiétante et violente, empêtrée dans un tissu de contradictions explosives.

Les genres traditionnels n'ont pas tous cédé le pas devant les coups de boutoir des cinéastes en colère. La comédie musicale se survit (Sweet Charity, de Bob Fosse, et surtout Hello Dolly, de Gene Kelly).

Le western connaît, lui, une nouvelle jeunesse. Quatre grands westerns ont connu un succès exceptionnel et grandement mérité. Il était une fois dans l'Ouest, de Sergio Leone, prouve que le cinéaste italien commence à assimiler les grands principes du western authentiquement américain ; la Horde sauvage confirme le talent d'un Sam Peckinpah ; Butch Cassidy et le Kid parvient à équilibrer parfaitement l'humour et le lyrisme. Le meilleur des quatre reste Willie Boy, d'Abraham Polonsky, en marge de la production depuis la période de la chasse aux sorcières du sénateur McCarthy, et dont le brillant retour sur les écrans est l'un des événements majeurs de l'année.

Les vieux routiers

Indéniablement le cinéma américain évolue. Techniquement surtout. Aussi d'anciens routiers comme George Seaton, qui font du cinéma comme on en faisait en 1945, ont eu quelque peine à sauver Airport du désastre. C'est un peu aussi le cas de certains cinéastes qui ne parviennent pas à trouver leur troisième souffle, comme John Huston (la Lettre du Kremlin) ou George Cukor (Justine). Si Stanley Donen (l'Escalier) a beaucoup intrigué en faisant preuve d'un talent fort différent de celui qu'on lui attribuait en l'imaginant sclérosé par le succès de ses comédies musicales, Alfred Hitchcock (l'Étau) a, par contre, fortement déçu. Depuis Marnie, la belle mécanique hitchcockienne semble grippée.

Au fond, le seul grand créateur américain des années 50 qui parvienne à franchir avec aisance le cap des ans est Elia Kazan. Kazan, dans l'Arrangement, tourné d'après son propre roman — semi-autobiographique —, reste le premier cinéaste de son pays, à l'écart des modes et farouchement individualiste. Mais son portrait de l'Amérique, si peu séduisant soit-il, a une puissance profonde. Les Américains ne s'y sont pas trompés qui ont violemment attaqué le film.

Parmi les cinéastes à suivre, il faut mentionner Sidney Pollack, auteur d'Un château en enfer, incompris par la critique, et d'un superbe On achève bien les chevaux, d'après Horace Mc Coy. Les Américains, toujours fidèles aux films de guerre, ont permis à F. Schaeffner de réaliser un ambigu Patton et à John Wayne de signer une œuvre réactionnaire et d'une confondante naïveté, les Bérets verts, qui a suscité des remous violents dans les salles.

On préférera le John Wayne médaillé cinématographiquement pour sa création de shérif borgne dans Cent Dollars pour un shérif (d'Henry Hathaway) au réalisateur maladroit et belliciste.

Le cinéma américain n'étant pas uniquement celui des grandes compagnies, il faut signaler les efforts de réalisateurs indépendants comme Robert Kramer, qui, dans Ice, donne de l'Amérique un portrait brutal qui, outre d'évidents mérites filmiques, ne peut être en aucun cas récupéré ni sur le plan politique ni sur le plan économique. Le film semble, en dernier ressort, l'un des plus implacables miroirs d'une Amérique fortement inquiète et commotionnée.

Grande-Bretagne

Beaucoup plus que le dernier avatar essoufflé de James Bond (Au service secret de Sa Majesté), l'inévitable superproduction empesée (la Bataille d'Angleterre) ou l'un des produits honorables de la fameuse comédie anglaise humoristique — un genre qui agonise depuis quinze ans — (L'or se barre), le grand événement de l'année dans le cinéma britannique est très certainement la naissance de quatre auteurs de films.