Les structures gouvernementales se sont mises en place sans à-coups et sans hâte. Le gouvernement de Giovanni Leone, appuyé sur la seule démocratie chrétienne, reçoit, le 11 juillet 1968, l'investiture de la Chambre des députés par 263 voix contre 252 et 88 abstentions, celles des socialistes et des républicains, partenaires normaux de la démocratie chrétienne dans la majorité de centre gauche. C'est un cabinet d'attente, pendant que les partis, notamment les socialistes, tireront les conséquences des élections.

Fidèle à cette mission, Leone présente sa démission le 19 novembre 1968. Giuseppe Saragat, président de la République, charge d'une mission d'investiture le secrétaire général de la démocratie chrétienne, Mariano Rumor. Au bout d'un mois de négociations avec ses alliés, il se présente au Parlement et obtient, le 23 décembre, la confiance par 351 voix contre 247 et 2 abstentions. Sept mois se sont donc écoulés depuis les élections sans que l'Italie ait été gouvernée.

La discorde interne des socialistes

Les socialistes sont sortis traumatisés des élections. De l'euphorie où les avait mis leur congrès d'unification de l'automne 1967, les voilà incertains sur leur vocation : parti de masses ou parti d'opinion ?

La restauration de l'unité formelle a disloqué les deux groupes homogènes, l'un socialiste, l'autre social-démocrate, sans que leurs fractions se fondent pour engendrer une entité nouvelle. Giuseppe Saragat, qui a voulu cette fusion, reste le premier personnage de l'État. Pietro Nenni prend les Affaires étrangères dans le cabinet Rumor. Il ne joue les arbitres qu'en dernière instance.

Toute l'année voit la discorde interne des socialistes rebondir sur le même schéma. Au congrès du 24 octobre 1968, les cinq courants s'affrontent violemment sans parvenir à un accord. Le nouveau comité central dégage, le 9 novembre, une majorité de 53 %, qui élimine De Martino, l'ancien secrétaire général, et le remplace par Ferri. Nenni devient président du parti.

L'enjeu de cette bataille s'exprime en partie par la volonté de mettre l'accent sur le terme de gauche, dans centre gauche, de résister à l'entraînement du modérantisme démocrate-chrétien. Comment, cependant, ne pas voir que, derrière les affirmations doctrinales, la vraie bataille concerne la possession et le partage du pouvoir ?

En février 1969, en mars, en avril, en mai, le secrétaire général Ferri est attaqué successivement sur sa droite et sur sa gauche. Ses adversaires changent leurs alliances pour former une nouvelle majorité élargie et qui, de mois en mois, avance un peu plus vers la gauche.

Le soutien du parti communiste

La démocratie chrétienne connaît des divisions analogues. Huit courants sans existence officielle représentent, en son sein, des orientations politiques divergentes.

Dès l'été 1968, Aldo Moro prend du champ vis-à-vis de Mariano Rumor ; le 20 novembre, il annonce qu'il sort de la majorité interne. On ne voit pas très nettement où le mène cette route, sinon à le poser en adversaire de l'équipe dirigeante Rumor-Colombo. Les courants de gauche, jusqu'alors isolés, deviennent des alliés recherchés, lorsque, le 19 janvier 1969, Flaminio Piccoli, disciple de Rumor, est élu secrétaire général de la démocratie chrétienne.

Les deux grands partis de la majorité ne parviennent donc pas à donner une réponse cohérente à cette grave question : la coalition de centre gauche va-t-elle être contrainte d'accepter le soutien extérieur du parti communiste pour réaliser certaines des réformes prévues à son programme ? Cette perspective se précise chaque mois à l'occasion de votes partiels.

Les communistes ne sont pas mieux lotis que leurs adversaires. La direction du PCI exprime, le 22 août 1968, son « profond désaccord » avec l'invasion soviétique en Tchécoslovaquie, mais la base ne comprend pas cette attitude. Il faudra des semaines pour lever ses objections.

Sur sa gauche, le PCI tente la réintégration des éléments qui ont cru trouver l'amorce d'une révolution possible dans les mouvements étudiants. Sur sa droite, il exploite successivement les dissensions partielles des ailes gauches socialistes ou démocrate-chrétienne.

La mort de deux ouvriers agricoles

Luigi Longo, le successeur de Togliatti au secrétariat général, s'est révélé un conciliateur-né, adroit pour prendre les tournants de l'affaire tchécoslovaque et de la contestation universitaire. Le 25 octobre, une crise d'hémiplégie interrompt son activité. La préparation du XIIe congrès du PCI en est d'autant plus compliquée.