On sait que l'uranium naturel, composé de 99 % d'U 238 et de moins de 1 % d'U 235, produit de l'énergie surtout grâce aux fissions de l'U 235. En effet, l'U 238 se fissionne difficilement, sous l'action de neutrons rapides ; en revanche, l'U 235 se fissionne facilement, mais sous l'action des neutrons lents. Or, chaque fission produit des neutrons rapides : d'où la nécessité de les ralentir grâce à un modérateur, pour qu'ils induisent des fissions de l'U 235. L'U 238, pour sa part, n'est pas sans jouer un rôle dans la production d'énergie, car il absorbe les neutrons et se transforme en plutonium 239, qui est très fissile sous l'action des neutrons lents.

Si l'on peut irradier l'uranium naturel très longtemps, c'est-à-dire si l'on peut ralentir beaucoup de neutrons sans qu'ils soient par ailleurs capturés par les matériaux du cœur du réacteur, l'uranium naturel devient un combustible très avantageux : on tire alors parti de l'U 235, et du plutonium 239 qui se forme.

L'eau lourde, meilleur ralentisseur que le graphite, mais très chère, n'est cependant intéressante que si les gaines métalliques qui entourent le combustible ne capturent pas trop de neutrons. D'où l'idée d'utiliser des gaines de béryllium, métal peu neutrophage. Mais les techniciens français n'ont pu mettre au point la métallurgie du béryllium ; ils en revinrent alors à des gaines d'acier inoxydable, ce qui a obligé à enrichir le combustible en U 235, car l'acier inoxydable est beaucoup plus neutrophage que le béryllium, et il fallait conserver une partie des avantages de l'eau lourde.

Il semble aujourd'hui qu'en France l'eau lourde conserve encore des chances. La commission PEON a recommandé qu'un devis détaillé soit établi pour une centrale de puissance à eau lourde de type canadien Candu.

L'usine de Mazingarbe

En janvier 1968, l'usine de Mazingarbe — qui fabriquera 20 t d'eau lourde par an — est entrée en fonctionnement. Cette installation utilise un procédé original d'échange d'isotopes d'hydrogène entre l'ammoniac et l'hydrogène. L'hydrogène, tel qu'on le trouve dans la nature, comprend deux isotopes : l'hydrogène léger, de masse 1, et l'hydrogène lourd, de masse 2, ou deutérium. Plusieurs procédés ont été imaginés pour séparer le deutérium.

Celui qu'on utilise à Mazingarbe consiste à faire échanger, en présence d'un catalyseur, des atomes d'hydrogène et de deutérium entre des molécules d'ammoniac et d'hydrogène. Le deutérium se fixant plus solidement sur l'azote que l'hydrogène, l'ammoniac, qui contient de l'azote et de l'hydrogène, va s'enrichir en deutérium, tandis que l'hydrogène s'appauvrit en deutérium. L'ammoniac enrichi en deutérium est alors craqué pour obtenir l'hydrogène lourd.

Quel que soit le type de filière adopté d'ici 1980, le rapide développement de l'énergie nucléaire appelle un énorme approvisionnement en minerai d'uranium.

Les réserves d'uranium

Si, comme le supposent les estimations modérées, les centrales installées dans le monde représentent une puissance de 300 MWe, elles exigeront, pendant les vingt-cinq années de leur durée de vie, un million et demi de tonnes d'oxyde d'uranium, soit le double des réserves actuellement exploitées à un coût raisonnable (moins de 110 F le kilo).

Sur ce total de réserves, les États-Unis possèdent 195 000 t, et la France 37 000 t. Pour s'assurer son approvisionnement futur, la France, qui consommera 5 000 t par an, en 1980, a signé en 1967, avec le Niger, un accord prévoyant l'exploitation d'un gisement nigérien de 20 000 t.

Une usine pilote traitera 200 t de minerai par an à partir de 1970 ; l'installation définitive en traitera 1 000 t à partir de 1973.

L'uranium enrichi

Par ailleurs se pose le problème de l'approvisionnement en uranium enrichi. En passant du réacteur Magnox au réacteur AGR, la Grande-Bretagne a décidé de reconvertir son usine d'enrichissement de Capenhurst pour couvrir ses besoins civils.

De même, le Commissariat à l'Énergie atomique en France envisage d'ajouter à l'installation de Pierrelatte une usine très basse civile, capable d'approvisionner une puissance de 10 000 MWe. Euratom a étudié en 1967 la possibilité de construire une usine d'enrichissement européenne, qui permettrait, à partir de 1980, d'approvisionner une puissance installée de 15 000 MWe, et de compléter ainsi la production américaine pour satisfaire les besoins européens. La commission PEON a recommandé la construction d'une telle usine, qui seule pourra produire de l'uranium enrichi à un coût comparable à celui de l'uranium américain.

L'ultracentrifugation

Des industriels hollandais, dont notamment le groupe Shell, paraissent avoir suffisamment étudié et développé la technique de la centrifugation pour envisager de construire une usine expérimentale, qui produirait alors de l'uranium enrichi à un coût bien inférieur à celui des usines de diffusion gazeuse existantes.