Les campagnes de recherche ont beau se multiplier, elles ne peuvent suffire à l'étude des océans : les mers sont vastes et une mesure prise au passage ne sert à rien. Pour comprendre les phénomènes, il faut disposer de séries de données recueillies régulièrement pendant des mois ou des années. Le bateau n'est évidemment pas utilisable pour ce long travail de routine, et l'on étudie actuellement divers modèles de bouées qui, flottant à la surface ou entre deux eaux, à une profondeur choisie, recueilleront inlassablement les variations de plusieurs paramètres et enverront ces données codées à un satellite qui les retransmettra. Il faudra un réseau de 10 900 bouées et 2 milliards de dollars (en 10 ans) pour mesurer tous les phénomènes intéressants des océans. Bouée elle aussi, mais habitée, la bouée-laboratoire française a déménagé. Après deux ans passés entre Monaco et la Corse, elle a été remorquée, au mois de mai 1968, jusqu'à son nouvel emplacement, à environ 130 km au sud de La Ciotat.

Les grands projets

Les satellites ne servent pas seulement à retransmettre les informations recueillies par les bouées. Les photos prises depuis les engins spatiaux permettent de voir de multiples choses (courants, systèmes nuageux, hauts-fonds...). On équipe actuellement des navires océanographiques — les premiers bâtiments civils — d'appareils nécessaires à la navigation par satellite.

L'Argo, de la Scripps Océanographie Institution, vient d'être doté de cet appareillage. Il lui permet d'estimer sa position à 180 m près, par tous les temps. Cette précision sera fort utile dans la reconnaissance des sites choisis pour les forages du fond des océans prévus dans le projet JOIDES (Joint Oceanographic Institutions Deep Earth Sampling). Le JOIDES a été proposé en 1964 (l'abandon du projet Mohole [Journal de l'année 1966-67] lui a donné de l'importance) et il doit commencer au début de l'été 1968. Les carottages effectués dans le fond de l'Atlantique et du Pacifique, à des emplacements soigneusement choisis, devraient donner, par l'analyse des sédiments remontés, des renseignements sur la valeur des théories de formation des bassins océaniques, d'expansion de la croûte terrestre et même de dérive des continents.

Sur un plan plus vaste, la commission océanographique internationale (IOC) de l'UNESCO a décidé, lors de sa réunion d'octobre 1967, d'entreprendre en 1969 ou 1970 une étude exhaustive de la Méditerranée et de la mer des Antilles. Déjà, sous l'impulsion de l'IOC, se déroule actuellement, depuis plusieurs années, l'expédition internationale du Kuro Shivo.

En mars 1968, les États-Unis ont proposé d'organiser une Décennie internationale d'exploration des océans. L'URSS, qui, avec les États-Unis, serait seule en mesure d'assurer la plus grande partie du travail, semble favorable à cette suggestion.

La matière

Physique

Crise dans la physique des hautes énergies

La physique fondamentale réclame des accélérateurs toujours plus puissants. Chaque étape déjà franchie, dans le domaine des hautes énergies, a permis de découvrir des phénomènes nouveaux. Depuis quelques années, la moisson s'est ralentie, comme si les possibilités des appareils existants avaient été épuisées — ce qui n'est tout de même pas entièrement vrai. Mais la demande des physiciens a poussé l'URSS à construire à Serpoukhov un accélérateur de 70 GeV (milliards d'électrons-volts). Les Américains préparent un accélérateur de 200 GeV, qui sera prêt d'ici six ans.

L'Europe, si elle veut rester dans la course, devrait construire un appareil de cette envergure. Pour l'instant, le projet d'un accélérateur de 300 GeV, élaboré par le CERN, n'a reçu un appui entier que de trois pays : la France, l'Autriche et la Belgique. Les raisons qui font hésiter les autres membres du CERN sont en partie politiques, mais aussi financières : la grande machine du CERN coûtera plus de 2 milliards de francs.

En France, un rapport du Comité des sages de la Délégation générale à la Recherche scientifique, publié au début de 1968, conclut que, jusqu'ici, la physique des hautes énergies a bénéficié, proportionnellement, de plus de crédits que d'autres secteurs de la recherche fondamentale, et qu'il n'est pas raisonnable de poursuivre dans ce sens.