perroquet
Son plumage aux couleurs éclatantes, son étonnante dextérité, son don d'imitation ont valu de tout temps au perroquet de fasciner les hommes. Les Indiens ont vu en lui le symbole de l'énergie solaire. La quête de ses plumes a entraîné les Incas au cœur de la jungle. Des collectionneurs paient des fortunes pour acquérir un de ces oiseaux exotiques...
1. La vie des perroquets
1.1. Des fruits et des graines, même coriaces, dégustés avec élégance
Les aras se nourrissent essentiellement des graines et des fruits qu'ils trouvent en abondance dans la forêt tropicale. Mais certains arbres semblent les attirer tout particulièrement. Le « sablier », par exemple. Sa sève est toxique (les Indiens l'utilisent pour empoisonner les cours d'eau, afin d'y ramasser ensuite les poissons tués), mais ses fruits comportent un grand nombre de coques bivalves qui, à maturité, éclatent avec un bruit sec, d'où le nom scientifique de l'arbre Hura crepitans, en libérant une graine dont se régalent les aras. Ces oiseaux apprécient aussi les fruits du Lecithys, sortes de grosses capsules à paroi épaisse, appelés « marmites de singe » ou « quatélés ». Lorsque ces fruits sont mûrs, ils s'ouvrent par un opercule circulaire situé au sommet, ce qui rend la graine accessible. Ils aiment aussi beaucoup les fruits juteux du spondias, appelés aussi « prunes d'Espagne » ou « mombins rouges ».
Un bec casse-noix
Grâce à leur bec bien spécifique, les aras et autres perroquets sont les seuls à pouvoir consommer certains fruits et graines particulièrement coriaces, tels que les fruits du bertholletia, connus sous le nom de « noix du Brésil » : leur coque brune triangulaire, extrêmement résistante, dissimule une amande très appréciée des aras.
La mandibule supérieure du bec, très développée et terminée en forme de crochet aigu, permet aux aras d'extraire les graines cachées dans des réceptacles profonds. Bien que nettement plus courte, leur mandibule inférieure est également importante et recourbée vers le haut. L'épaisseur conjuguée des deux fait du bec une pince robuste. Son action est encore renforcée par de puissants muscles solidement insérés sur l'os crânien. Chez de nombreux oiseaux, la mandibule supérieure est relativement mobile par rapport au crâne. Mais, chez les perroquets, cette mobilité est particulièrement importante du fait que la mandibule est reliée à l'os crânien par une sorte de charnière tendineuse. Elle peut ainsi, en basculant légèrement vers le bas, opérer à la manière d'un levier pour briser les coques les plus dures.
La langue vient compléter cet appareillage efficace. Très épaisse, fortement musclée et rugueuse, elle est en général terminée par une peau cornée qui la protège contre les aspérités des fruits secs. L'oiseau l'utilise pour tenir les aliments. Lorsqu'il veut décortiquer une graine, l'ara la coince fermement entre la langue et le dessous de la mandibule supérieure, puis il enlève l'écorce en actionnant les bords tranchants de la mandibule inférieure. Pour empêcher que la graine ne glisse, la face inférieure de la mandibule supérieure est, en outre, doublée d'une série de rainures transversales rappelant une râpe grossière.
La troisième patte du perroquet
La troisième patte du perroquet
Le bec des perroquets leur sert aussi à se déplacer. Lorsqu'un ara veut gagner une branche voisine de celle où il se trouve, plutôt que de recourir au vol, il tend le cou, saisit du bec la branche convoitée puis il s'y accroche d'une patte. Ayant ainsi deux points d'appui sur la nouvelle branche, il opère un rétablissement au terme duquel, ayant assuré sa prise avec les doigts, il desserre enfin l'étreinte de ses mandibules. Parfois les perroquets se suspendent ainsi à un rameau, comme par jeu.
Des pattes pour manger
Pour se nourrir, les perroquets font aussi appel à leurs pattes. Celles-ci sont terminées par des doigts zygodactyles, c'est-à-dire opposés deux à deux, qui assurent une prise très puissante. Les perroquets se servent ainsi fréquemment d'une de leurs pattes comme d'une main pour porter la nourriture à leur bec. De tous les oiseaux, ce sont ceux qui font preuve de la plus grande dextérité. On a même constaté que, tout comme les humains, les perroquets pouvaient être droitiers ou gauchers. Ils ont souvent une préférence très marquée pour l'une des deux pattes. Cette préférence peut être identique pour tous les oiseaux d'une espèce donnée ou être variable selon les individus chez une autre espèce. Des études menées par M. McNeil et son équipe, en 1971, ont d'ailleurs montré que les os de la patte privilégiée étaient légèrement plus longs que ceux de l'autre patte.
Le sort des graines
Le sort des graines
En broyant les graines qu'ils mangent, les perroquets les rendent impropres à la germination et jouent donc un rôle négatif pour le renouvellement du milieu végétal dans lequel ils vivent. En revanche, lorsqu'ils avalent tout rond un fruit charnu, les graines que celui-ci contient demeurent intactes et le résultat est différent. D'autant que certaines semences doivent impérativement transiter par le système digestif des oiseaux pour que se déclenche le processus germinatif. Il existe alors une symbiose entre la plante qui fournit l'aliment et l'oiseau qui rend possible sa germination. Bien qu'aucune étude précise n'ait mesuré l'impact des perroquets sur le milieu où ils vivent, on peut penser qu'ils participent à l'équilibre indispensable de la forêt tropicale.
1.2. Cris et gestes maintiennent la cohésion du groupe
Les aras sont sociables et grégaires. Ils vivent en couple ou en famille pendant la période de reproduction et d'élevage. Puis ils se regroupent en petites bandes d'une vingtaine d'oiseaux, qui se déplacent en suivant la fructification des arbres et regagnent, chaque soir, leur dortoir collectif. Mais, au sein de cette volée d'aras qui évoluent ensemble, on peut encore repérer les membres d'une même cellule familiale : les oiseaux volent groupés, se perchent côte à côte pour se reposer ou dormir, se becquettent doucement et se font l'un et l'autre leur toilette en utilisant uniquement leur bec. Cette sorte de rituel a pour fonction de maintenir la cohésion familiale et les liens conjugaux hors de la saison de reproduction.
Ni chef ni dispute
On n'observe pas de hiérarchie bien définie au sein de ces bandes d'aras et donc pas de « chef » dominant ses congénères. Toutefois, les jeunes perroquets, comme c'est souvent le cas chez les espèces présentant une organisation sociale comparable, cèdent le pas à leurs aînés sur les sites de nourrissage. Cette prééminence des adultes se justifie d'un point de vue biologique. Dans l'intérêt même de l'espèce, la priorité doit revenir aux oiseaux qui sont déjà aptes à se perpétuer et non à ceux qui devront encore échapper à bien des périls avant d'être capables de se reproduire à leur tour.
Lorsqu'ils ne sont pas occupés à nicher, les aras exploitent pour s'y nourrir un territoire étendu, qu'ils ne cherchent pas à défendre. Plusieurs bandes distinctes peuvent donc se retrouver sur les mêmes arbres pourvu que ceux-ci soient particulièrement abondants en fruits. On peut même trouver des rassemblements de plusieurs dizaines d'oiseaux, réunissant des espèces différentes, par exemple des aras macaos et des aras araraunas. Le fait que ces différents oiseaux ne cherchent pas à s'imposer sur un territoire déterminé s'explique par l'abondance du stock alimentaire végétal, qui supprime toute nécessité de compétition. Cela est particulièrement vrai dans les riches forêts tropicales et équatoriales fréquentées par les aras. Mais, si les divers groupes cohabitent, ils ont cependant tendance à ne pas se mélanger. Et les bandes s'isolent à nouveau les unes des autres dans la journée, dès que les oiseaux, repus, se reposent et, bien sûr, pour le repos nocturne.
Les querelles sont très rares entre congénères. Les aras n'ont, en effet, pas de véritables motifs de discorde : ils n'ont pas à se disputer la nourriture ni guère les femelles, puisque, une fois les couples formés, ceux-ci restent longtemps unis.
Un domicile fixe
Le rythme des activités quotidiennes obéit à une régularité marquée. Dès le lever du soleil, les groupes quittent le dortoir pour gagner les zones de nourrissage. Ils n'y reviennent ensuite qu'au coucher du soleil. Quand ils se déplacent, les aras ont, malgré leur grande taille, un vol rapide qu'ils effectuent sans escale avec des battements d'ailes réguliers et de faible amplitude. Lorsqu'ils font de longs trajets, ils passent au-dessus de la canopée, cette voûte végétale quasi continue formée par le sommet des grands arbres. Sur de plus courtes distances, il leur arrive aussi de voler au travers du feuillage ou, plus souvent, de profiter des trouées correspondant aux nombreux cours d'eau. Mais, en aucun cas, les aras ne s'éloignent de plus de 10 km de leur base afin de pouvoir revenir chaque soir dans leur dortoir, généralement fixe d'une année sur l'autre et toujours situé dans les frondaisons supérieures des arbres.
Lorsqu'ils se nourrissent, les perroquets demeurent silencieux pour ne pas attirer sur eux l'attention d'éventuels prédateurs. En revanche, s'ils perçoivent la proximité d'un danger, leur nature inquiète les pousse à manifester bruyamment leur angoisse. Les cris sonores, aigus et grinçants que poussent alors les premiers oiseaux alertés éveillent l'attention de leurs congénères et sont aussitôt repris en chœur par toute la troupe, qui manifeste ainsi sa cohésion face au péril, supposé ou réel. Il est possible que ces concerts discordants aient un effet dissuasif sur les prédateurs potentiels, désemparés par une telle cacophonie. Les aras sont généralement des animaux plutôt confiants et peu enclins à fuir, surtout dans les régions reculées, où l'homme n'exerce pas son influence.
1.3. Une compagne pour la vie
Les aras sont monogames et leur vie est placée sous le signe de la fidélité au sein du couple. Les liens entre les partenaires sont très forts et leur union dure plusieurs années, voire jusqu'à la disparition de l'un d'eux.
À l'approche de la saison de nidification, les petites bandes d'aras se dissocient. Les célibataires adultes s'apparient. Mais les modalités des parades nuptiales, comme beaucoup d'aspects de la reproduction des aras en liberté, sont encore mal connues, tant il est difficile d'approcher ces perroquets dans le milieu fermé qu'est la forêt tropicale.
Les couples anciens et ceux nouvellement formés s'isolent les uns des autres. Mâle et femelle se caressent, se becquettent et se font mutuellement des soins de toilette, se grattant la peau et se lissant les plumes. Ces manifestations rituelles sont plus fréquentes et plus intenses pendant la période de reproduction, au cours de laquelle le mâle s'occupe, en outre, souvent de nourrir sa compagne.
Comme la majorité des perroquets, les aras nichent dans une cavité. Généralement, un trou d'arbre qui peut resservir d'une année sur l'autre. L'orifice choisi est habituellement situé en hauteur, à une vingtaine de mètres du sol. La femelle pond deux ou trois œufs blancs, directement sur des déchets de bois qui garnissent le fond de la cavité. Puis elle les couve pendant quatre à cinq semaines. Le mâle, qui ne la relaie que très rarement dans cette tâche, la nourrit durant toute cette période. Il transporte dans son jabot la nourriture qu'il destine à sa compagne, puis il la régurgite à son arrivée au nid.
Une prime jeunesse cachée
À l'éclosion, les poussins sont nus. Leur croissance est assez rapide au début, mais les premières plumes n'apparaissent qu'au bout de quatre semaines. L'emplumage n'est complet qu'à dix semaines, et il faut attendre l'âge adulte pour que les plumes des ailes et de la queue des perroquets atteignent leur plein développement.
Le séjour au nid est long. Il dure de trois à quatre mois. Pendant tout ce temps, les jeunes reçoivent, plusieurs fois par jour, avec une fréquence irrégulière, une bouillie végétale prédigérée régurgitée par les adultes. Au début, c'est le mâle qui se charge de la majeure partie du ravitaillement de la nichée. Les oisillons grandissant, la femelle peut alors les abandonner un moment pour assister le mâle dans cette tâche.
Après avoir quitté le nid, les jeunes sont encore nourris par leurs parents quelque temps, avant d'être capables de trouver eux-mêmes leurs aliments et de savoir les consommer. Le groupe familial demeure uni au moins jusqu'à la saison de nidification suivante. Parfois même au-delà. On a observé des couples nicheurs en compagnie d'aras immatures dont ils toléraient la présence aux abords du nid, ce qui incite à penser qu'il s'agissait là de leur progéniture de l'année précédente.
1.4. Milieu naturel et écologie
La forêt tropicale humide constitue l'habitat préférentiel des aras. C'est dans cet environnement à la température et à l'hygrométrie élevées que les perroquets trouvent en abondance les graines et les fruits ou autres éléments végétaux qui constituent leur nourriture, tandis que les immenses arbres ont souvent le tronc percé de cavités propices à leur nidification. Les aras fréquentent surtout les zones de basse altitude, mais ils peuvent monter jusqu'à plus de 1 000 ou 1 100 mètres. Appréciant la proximité de l'eau, ils installent fréquemment leurs dortoirs aux abords de calmes bras de fleuves ou d'éléments plus tumultueux comme des cascades ou des rapides.
Cet attachement quasi exclusif à la forêt tropicale fait courir le plus grand danger à la plupart des aras et des autres perroquets, en raison des atteintes que l'homme porte à ce milieu. On estime que les forêts tropicales mondiales disparaissent au rythme effrayant de 30 hectares à la minute, soit environ cinq fois la superficie de la Belgique chaque année. Le sol sur lequel croissent les forêts tropicales humides est à la fois peu épais et relativement pauvre. Les éléments nutritifs dont profitent les arbres sont en grande partie constitués par la décomposition permanente d'une énorme masse végétale, facilitée par la chaleur et l'humidité. Une fois que les grands arbres ont été abattus, la mince couche de terre arable ne tarde pas à être entraînée par les pluies violentes qui s'abattent régulièrement sur ces régions situées entre les tropiques. Là où la couverture subsiste, elle est trop pauvre pour permettre la croissance de grands arbres et le retour à l'état antérieur. Au mieux, il s'installe une végétation secondaire qui ne peut plus abriter qu'une infime partie de la faune d'origine.
Les aras fréquentent parfois ce type de formation végétale, mais seulement de façon marginale et épisodique. Ils n'y trouvent pas suffisamment de nourriture et ne se sentent pas protégés au sein de ces boisements trop clairsemés.
Ces perroquets aux couleurs éclatantes et au plumage souvent bigarré sont, malgré leur grande taille, très difficiles à repérer dans leur milieu habituel. Cela est dû à l'épaisseur des feuillages qu'ils fréquentent, à leur habitude de se tenir presque en permanence dans la partie supérieure des plus grands arbres, et au silence qu'ils observent tant qu'aucun danger ne les menace. Par ailleurs, leur plumage constitue un excellent camouflage. Certaines espèces se fondent dans le feuillage, comme l'ara militaire ou l'ara à front châtain, qui possèdent un plumage à dominante verte. Chez d'autres aras plus bigarrés, la grande diversité des tons rompt, en multiples petites taches de couleurs, la silhouette des oiseaux qui deviennent ainsi moins aisément identifiables par les prédateurs. Les moments les plus favorables pour observer les aras sont le matin et le soir, lorsque les oiseaux, en petites bandes, volent des dortoirs aux zones de nourrissage.
Redoutable harpie
En raison de la hauteur à laquelle ils se cantonnent, les aras n'ont pour ainsi dire rien à craindre des prédateurs terrestres. Il arrive cependant que certains félins forestiers, comme le jaguar, l'ocelot ou le jaguarondi, parviennent à capturer un perroquet qui s'est aventuré un peu plus bas, alléché par des fruits tout particulièrement tentants. Mais il ne s'agit, le plus souvent, que de jeunes oiseaux inexpérimentés.
Pour les aras, le véritable danger, hormis l'homme, vient des airs. Leurs principaux prédateurs sont en effet de grands rapaces diurnes forestiers, parfaitement adaptés à ce type de milieu. Leurs ailes sont larges et relativement courtes, leur queue longue. Ils peuvent ainsi manœuvrer à grande vitesse au milieu des frondaisons. Parmi ces chasseurs redoutés des perroquets figurent l'aigle huppé (Morphnus guianensis), le spizaète orné (Spizaetus ornatus) et l'impressionnante harpie féroce (Harpia harpyja), qui est l'un des rapaces les plus puissants au monde. Ces grands oiseaux ont une envergure comprise entre 1,50 et 2 m et possèdent des pattes aux tarses épais, aux doigts robustes terminés par des ongles longs et très recourbés. Curieusement, ils portent tous une huppe plus ou moins importante sur le sommet du crâne. Parmi leurs proies, ils comptent les aras et bien d'autres oiseaux, mais aussi, souvent, les singes.
Perroquets des neiges
Dans l'imagerie populaire, les perroquets – notamment les aras – sont systématiquement associés à la forêt vierge profonde et mystérieuse. Il est vrai que les perroquets apprécient particulièrement ce type de milieu. Pour s'en convaincre, il suffit de considérer le nombre d'espèces présentes dans les pays où domine la forêt humide. Rien qu'au Brésil, en Colombie et au Venezuela, par exemple, on trouve respectivement 70, 49 et 48 espèces de ces oiseaux au bec crochu. Mais la répartition des perroquets et autres perruches est si étendue et les espèces si nombreuses qu'on en rencontre également dans toutes sortes d'autres milieux. On peut ainsi observer des perruches sauvages en pleine ville, qu'il s'agisse de perruches à croupion rouge (Psephotus haematonotus), en Australie, ou de perruches à collier rose (Psittacula krameri), en Inde. Certaines espèces fréquentent les milieux semi-désertiques, se déplaçant au gré des pluies pour trouver leur nourriture et nicher en toute hâte. C'est le cas de plusieurs petites perruches australiennes, comme la perruche à calotte bleue (Polytelis alexandrae) ou la perruche à queue noire (Polytelis anthopeplus).
Enfin, contrairement à ce que l'on croit couramment, les perroquets ne réclament pas forcément un climat chaud. On peut même rencontrer certains d'entre eux dans des paysages neigeux, ce qui paraît un peu surprenant. Ainsi, le kéa (Nestor notabilis), un gros perroquet, couleur bronze, vit entre 600 et 2 000 m dans les montagnes de Nouvelle-Zélande. Espèce vulnérable, il est protégé depuis 1970. De même, la perruche de Pennant (Platycercus elegans) et le cacatoès à tête rouge (Callocephalon fimbriatum) sont deux espèces australiennes que l'on rencontre, entre autres, dans les Alpes australes.
Quant aux perroquets qui habitent les forêts, ils font parfois des incursions dans les champs. Il arrive aussi que les aras, de façon variable selon les espèces, s'aventurent à découvert pour gagner les plantations d'arbres fruitiers réalisées par l'homme. Ces invasions ne sont guère appréciées, même si le nombre restreint des perroquets qu'elles concernent n'entraîne pas, en général, de dommages importants. Mais en Australie, le cacatoès laboureur (Cacatua pastinator) a été activement chassé en raison des dégâts qu'il causait aux cultures. L'interdiction de le chasser ou de l'empoisonner ainsi que l'extension des cultures a permis de reconstituer son effectif qui s'était fortement réduit.
2. Zoom sur... l'ara macao
2.1. Ara macao (Ara macao)
Les différents perroquets réunis dans le genre Ara se caractérisent par leur peau faciale totalement dénudée, comme l'ara macao, ou portant seulement de petites plumes. Ils ont aussi en commun une longue queue étagée – les plumes centrales étant les plus longues – et un plumage richement coloré.
Le plumage de l'ara macao est à dominante rouge. Les plumes des ailes sont jaunes et bleues (primaires et secondaires). La mandibule inférieure du bec est gris-noir et les pattes gris foncé. Le plumage des deux sexes est semblable et les jeunes ressemblent étroitement aux adultes avec, toutefois, des coloris moins vifs.
Comme tous les perroquets, l'ara macao a un bec crochu qui remplit de multiples fonctions, notamment celle de « troisième patte » lorsque l'animal se déplace. C'est ce qui distingue véritablement le bec des perroquets de celui des autres oiseaux.
Un autre trait commun aux aras et à tous les psittaciformes est la disposition originale des quatre doigts de chaque patte. En effet, le premier doigt (le pouce) et le quatrième doigt (ou doigt externe), sont dirigés vers l'arrière. Cette opposition des doigts deux à deux (zygodactile) facilite la prise des aliments ou des supports. Ce caractère morphologique n'est pas l'apanage des seuls perroquets. D'autres espèces en sont dotées.
La plupart des oiseaux possèdent une glande uropygienne, située sur le croupion, qui sécrète une substance huileuse dont l'oiseau enduit son plumage pour le protéger de l'eau et de la dessiccation. Cette glande, peu développée chez la majorité des perroquets, est même totalement absente chez les aras. Pour compenser cette lacune, ceux-ci portent, disséminées sur le corps, des plaques de « duvet poudreux ». Ce duvet particulier, caché sous le plumage externe, est constitué de courtes plumes à croissance continue (caractère exceptionnel) dont l'extrémité cassante se fragmente en minuscules particules cornées qui remplissent un rôle voisin de celui que peut jouer le sébum produit par la glande uropygienne. Les perroquets frottent leur tête sur ces plaques, puis ensuite sur leur plumage pour l'enduire de cette « poudre » à l'effet imperméabilisant et assouplissant. D'autres oiseaux, comme les hérons, ont aussi recours à ce système.
Les perroquets peuvent imiter la parole humaine lorsqu'on le leur apprend, mais ils ne parlent pas. On ne sait encore quelle est l'adaptation organique qui permet cette imitation. La langue des perroquets est, le plus souvent, préhensile. Elle est capable de tenir adroitement un aliment en l'appliquant contre la mandibule supérieure ; l'oiseau peut, de plus, grâce à sa langue, l'orienter et le faire circuler à la demande pour permettre au bec de l'attaquer sous l'angle le plus favorable. Riche de nombreux corpuscules gustatifs et tactiles, la langue fournit aussi aux oiseaux de nombreuses et précieuses indications sur leur nourriture. En effet, comme beaucoup d'oiseaux, les perroquets n'ont pas d'odorat.
Les perroquets ont un système digestif assez semblable à celui des autres oiseaux. Mais il présente quelques particularités adaptatives en relation avec leur régime alimentaire. Ainsi le jabot est-il plus spécialement développé chez les aras, comme chez les autres perroquets granivores. Cette poche, constituée d'une paroi mince et extensible, n'est autre qu'un élargissement de l'œsophage. Elle sert au stockage des aliments qui y sont humidifiés et ramollis, avant d'être digérés ou régurgités à l'intention d'un partenaire ou des jeunes.
L'estomac, quant à lui, est constitué de deux parties : un estomac glandulaire appelé « ventricule succenturié » et un estomac musculaire plus connu sous le nom de « gésier ». Après leur passage dans le jabot, les aliments sont digérés et parviennent d'abord dans l'estomac glandulaire, dont les muqueuses sécrètent la pepsine, une enzyme active en milieu acide, et l'acide chlorhydrique qui entament le processus de la digestion chimique. Puis l'estomac musculaire complète la dislocation des aliments par une action mécanique de trituration. Peu développé chez les perroquets qui se nourrissent exclusivement de fruits et de baies (frugivores) ou de pollen (nectarivore), le gésier l'est au contraire beaucoup plus chez les espèces granivores, comme l'ara macao. Il est constitué alors d'épaisses parois aux muscles puissants, doublées de plaques ridées à la fois souples et très résistantes.
La cavité crânienne est assez vaste et abrite, chez de nombreuses espèces, un cerveau relativement gros. Ce trait anatomique n'est pas sans rapport avec une organisation cérébrale plus développée que chez d'autres oiseaux : la capacité des perroquets à coordonner leurs mouvements – tant pour leur alimentation que pour leurs déplacements – et à vivre de façon grégaire témoigne de ce psychisme assez élaboré.
ARA MACAO | |
Nom (genre, espèce) : | Ara macao |
Famille : | Psittacidés |
Ordre : | Psittaciformes |
Classe : | Oiseaux |
Identification : | Grand perroquet au plumage bigarré à dominante rouge, peau faciale nue |
Longueur : | 85 cm, dont 50 pour la queue |
Poids : | 850 g en moyenne |
Répartition : | Amérique centrale et moitié nord de l'Amérique du Sud |
Habitat : | Forêt dense |
Régime alimentaire : | Fruits, graines, noix |
Structure sociale : | Partiellement grégaire ; monogame |
Maturité sexuelle : | Vers 3 ou 4 ans |
Saison de reproduction : | Fixe, mais données imprécises |
Durée d'incubation : | De 4 à 5 semaines |
Nombre de jeunes par couvée : | 2 ou 3 |
Longévité : | 80 ans et plus en captivité ; 40-50 ans le plus souvent |
Effectifs, tendance : | Inconnus ; en diminution |
Statut : | Préoccupation mineure selon l' U.I.C.N. (Union internationale pour la conservation de la nature), mais classé en Annexe I de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction) [commerce interdit] |
2.2. Signes particuliers
Peau faciale
La peau blanchâtre partant du bec et entourant l'œil est un signe distinctif des perroquets du genre Ara. Elle peut être dénudée, comme chez l'ara macao, ou porter de courtes plumes disposées irrégulièrement ou, au contraire, arrangées en lignes continues ou discontinues. Ces plumes sont noires chez l'ara ararauna et rouges chez l'ara chloroptère. La fonction précise de cet aspect de la peau n'est pas connue, mais on peut supposer qu'il joue un rôle lors des parades.
Bec
La mandibule supérieure est reliée au crâne par une suture tendineuse qui fait office de charnière et de pivot permettant au bec d'exercer une force démultipliée, à la façon d'un levier. Le dessous de cette mandibule porte une série de lames cornées qui assurent l'affûtage des bords tranchants de la mandibule inférieure, aident à tenir fermement les graines ou les fruits glissants, agissent comme une râpe pour user la coque des fruits coriaces. La mandibule inférieure est mobile latéralement et d'avant en arrière afin de faciliter tous les mouvements de décortiquage ou d'usure des aliments.
Coloris
Les couleurs ont une origine structurale ou pigmentaire. Par leur structure, les plumes diffractent la lumière, à la façon d'un prisme, ce qui donne les teintes vertes ou bleu-vert. Le pigment le plus courant, la mélanine, produit, selon sa concentration, des tons du noir au jaune, en passant par des bruns rougeâtres. Le rouge vif est dû à la présence de caroténoïdes.
3. Les autres espèces de perroquets d'Amérique
Avec l'ara macao, près de 340 espèces de perroquets, perruches et cacatoès sont réunis dans l'ordre des psittaciformes. Tous les oiseaux de ce groupe présentent une grande homogénéité entre eux et ont en commun de nombreux caractères uniques, notamment la position zygodactile des doigts (doigts opposés) et le bec puissant à mandibule supérieure mobile vers le haut, la mandibule inférieure étant toujours mobile d'avant en arrière et latéralement.
Présents sur tous les continents, sauf en Europe, dont ils ont disparu, les psittaciformes sont particulièrement nombreux sous les tropiques et dans l'hémisphère Sud. Les perroquets d'Amérique, aussi appelés perroquets du Nouveau Monde, représentent quelque 110 espèces, qui ne vivent que sur ce continent. Ils sont réunis en 3 groupes : les aras, les amazones et certaines perruches.
3.1. Aras
Parmi eux se rencontrent les perroquets les plus grands. Certains systématiciens ont regroupé les aras en 3 (ou 6) genres et 17 espèces dont l'ara macao. D'autres ont réduit le genre ara à 9 espèces.
Quelques-unes ont un plumage bleu :
– le très rare ara de Spix (Cyanopsitta spixii), 56 cm, n'est présent qu'au Brésil oriental ; est en danger critique d'extinction ;
– le plus grand des perroquets, l'ara hyacinthe (Anodorhynchus hyacinthinus), mesure 1 m et se rencontre en Bolivie, au Brésil et au Paraguay ; est en danger ;
– l'ara araurana (Ara araurana), au ventre jaune, 86 cm, vit dans le nord de l'Amérique du Sud ; est commun et n'est pas menacé ; – l'ara à gorge bleue (Ara glaucogularis), au ventre jaune orangé, 85 cm, se rencontre dans l'est de la Bolivie. Il est en danger critique d'extinction
– l'ara chloroptère (Ara chloroptera), 90 cm, multicolore, ressemble à l'ara macao, mais sans barre jaune sur l'aile, et vit au nord de l'Amérique du Sud. Il n'est pas menacé ;
Les autres perroquets du genre Ara ont tous un plumage à dominante verte. Ce sont leurs plumes d'autres couleurs qui permettent de les reconnaître :
– l'ara à collier jaune (Ara ou Primolius auricollis), 38 cm, collier jaune sur la nuque, bleu aux ailes et à la queue, vit dans le centre de l'Amérique du Sud ; n'est pas menacé ;
– l'ara à tête bleue (Ara ou Primolius couloni), 41 cm, tête bleue, bleu aux ailes et à la queue, est du Pérou ; en danger ;
– l'ara à ventre rouge (Ara ou Orthopsittaca manilata), 50 cm, plage brun-rouge sur le ventre, se rencontre dans le tiers nord de l'Amérique du Sud ; n'est pas en danger ;
– l'ara à ailes bleues (Araou Primolius maracana), 43 cm, ailes bleues, front rouge rosé, tache rouge au bas du dos et au milieu du ventre, est présent dans le centre-est de l'Amérique du Sud ; est quasi menacé ;
– l'ara militaire (Ara militaris), 70 cm, front rouge. Son aire de répartition est large : nord du Mexique, ouest de la Colombie, nord-ouest du Venezuela, Équateur, nord du Pérou et de la Bolivie, nord-ouest de l'Argentine ; est vulnérable ;
– l'ara de Buffon (Ara ambigua), 85 cm, ressemble à l'ara militaire. Son habitat s'étend du Nicaragua à l'ouest de la Colombie et de l'Équateur ; est en danger ;
– l'ara à épaules rouges (Ara ou Diopsittaca nobilis), 30 cm, le plus petit des aras, front bleu, « épaules » rouges. On le rencontre depuis les Guyanes et l'est du Venezuela jusqu'au sud du Brésil et au centre de la Bolivie ;
– l'ara à front rouge (Ara rubrogenys), 60 cm, front, calotte et cuisses rouges. Il n'est présent qu'en Bolivie ; est en danger ;
– l'ara à front châtain (Ara severa), 46 cm, front brun, vit dans tout le tiers nord de l'Amérique du Sud. Il n'est pas menacé ;
– Enfin, l'ara de Lear (Anodorhynchus leari), 75 cm, observé pour la première fois en 1978, vit dans une partie très restreinte du Brésil (Toca Velha et Serra Branca. En 2001, l'espèce comptait 246 oiseaux. Il est en danger critique d'extinction et fait l'objet d'un trafic illégal. L'ara glauque (Anodorhynchus glaucus), 72 cm, est une espèce probablement éteinte aujourd'hui, le dernier individu captif étant mort en 1936.
3.2. Amazones
Plumage à dominante verte, quelques taches de couleur. Parmi les 26 espèces existantes, certaines peuplent les forêts continentales, dont l'amazone à front bleu (Amazona aestiva) et l'amazone versicolore (Amazona versicolor), à la tête bleue et au ventre lie-de-vin.
9 espèces sont confinées à certaines îles des Caraïbes parmi lesquelles :
– amazone de Porto Rico (Amazona vittata), 45 cm, bleu aux ailes, front rouge (il restait 13 individus à l'état sauvage en 1976 et 30-35 en 2004), espèce en danger critique d'extinction et élevée en captivité ;
– amazone de Sainte-Lucie (Amazona versicolor), 40 cm, bleu et rouge aux ailes, face bleue, gorge rouge (une centaine d'individus en 1977 ; 250 en 1986, 350-500 en 1996), espèce vulnérable et élevée en captivité ;
– amazone de Saint-Vincent (Amazona guildingii), 41 cm, bleu à la queue et aux ailes, tête bleu pâle (420 individus en 1982 ; 800 en 1994), de 30 à 40 jeunes capturés chaque année pour le commerce ; les mesures de conservation ont permis de freiner la diminution des effectifs de cette espèce vulnérable classée à l'annexe I de la Convention de Washington comprenant les espèces menacées d'extinction qui sont ou pourraient être affectées par le commerce ;
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– amazone à cou rouge (Amazona arausiaca), 45 cm, tache rouge aux ailes et à la gorge, face bleue (150 en 1980 ; 750-800 en 2003), espèce vulnérable, classée à l'annexe I de la Convention de Washington et protégée dans le Parc national de Morne Trois Pitons (Dominique).
3.3. Perruches
Quelque 70 espèces de perruches habitent le Nouveau Monde, certaines dans la forêt tropicale, d'autres dans des milieux ouverts parsemés d'arbres.
Parmi ces très nombreuses espèces, on peut citer : la perruche-souris (Myiopsitta monachus), dos vert, ailes bleues, ventre gris, commune sur une superficie de près de 3 000 km2 en Argentine, Bolivie ; au Brésil, Paraguay, en Uruguay ; la perruche guarouba (Aratinga guarouba), 30 cm, jaune vif, bout des ailes vert, est du Brésil ; l'espèce, en danger et protégée, est très prisée des collectionneurs. Elle fait l'objet d'un trafic actif.
La perruche de la Caroline (Conuropsis carolinensis), était le seul psittacidé originaire d'Amérique du Nord (États-Unis aujourd'hui). Vert jaunâtre avec une longue queue pointue et une tête jaune-orangé, elle mesurait 30 cm. Chassée à outrance, l'espèce a totalement disparu ; l'ultime oiseau sauvage fut observé en 1920 en Floride.
Les perroquets des autres continents
Les perroquets des autres continents
L'Afrique, assez pauvre en nombre d'espèces, abrite de petits perroquets, de la taille d'un merle et aux vives couleurs, appelés « inséparables », à cause des liens conjugaux très forts qui les unissent entre eux. Mais le perroquet gris, ou jaco, dont la queue vermillon rehausse le plumage cendré, est le mieux connu des perroquets africains. C'est un imitateur talentueux.
Vivent en Asie quelques espèces de perruches, comme la perruche à tête ardoisée, et de loricules, petits perroquets proches des inséparables.
L'Australie abrite de très nombreux cacatoès. De la taille d'un pigeon à celle d'un corbeau, ils se distinguent par une huppe érectile souvent colorée de rouge ou de jaune, le reste du plumage étant souvent blanc ou noirâtre. Les loris et les loriquets sont les plus bigarrés de tous les perroquets. Ils se nourrissent du nectar des fleurs, qu'ils prélèvent grâce à leur langue en forme de pinceau. Les perruches australiennes comptent plusieurs dizaines d'espèces dont la perruche ondulée, l'un des oiseaux de cage les plus répandus, et les superbes perruches à ventre jaune et perruche-paradis.
En Nouvelle-Guinée, on trouve les plus petits perroquets existants, les perruches-pygmées, qui mesurent moins de 10 cm. Les perroquets les plus proches du type primitif, le nestor méridional et le kéa aux teintes terreuses, habitent les régions de montagne en Nouvelle-Zélande. Dans ce pays vit aussi le curieux perroquet-hibou, aux mœurs nocturnes et au plumage verdâtre, presque disparu malheureusement.
4. Origine et évolution des perroquets
Le terme générique de perroquet recouvre en réalité environ 340 espèces d'oiseaux, tous réunis dans l'ordre des psittaciformes, qu'on les nomme perroquets, perruches ou cacatoès. Leur origine fort ancienne a été attestée, malgré les difficultés que constitue l'étude des oiseaux fossiles, car leur squelette léger, aux os fragiles, résiste mal au temps. Mais des indices extrêmement ténus suffisent aux paléontologistes pour reconstituer une espèce disparue.
Le plus ancien perroquet fossile a pu être identifié grâce à la découverte d'un simple tarsométatarse. Cet os du pied fut mis au jour en France, dans l'Allier, par le chercheur Milne-Edwards, dans des terrains de l'oligocène ou du miocène supérieur, datant d'une trentaine de millions d'années. L'enquête conclut qu'il s'agissait d'un petit perroquet, rappelant probablement le perroquet gris d'Afrique, auquel a été donné le nom scientifique de Archeopsittacus verreauxi et qui appartenait à un genre aujourd'hui disparu. Le plus ancien fossile d'un genre encore existant est une perruche nommée Conuropsis fratercula. Elle a été identifiée à partir d'un humérus gauche retrouvé dans des dépôts datant d'une vingtaine de millions d'années (miocène supérieur), dans le Nebraska, aux États-Unis. On connaît également deux autres espèces de perruches fossiles appartenant à des genres actuellement répandus en Amérique du Sud. Il s'agit de Cyanoliseus ensenadensis et d'Aratinga roosevelti. Ces deux oiseaux ont été découverts en Argentine et en Équateur, dans des terrains datant de moins de 1 million d'années.
L'examen de tous ces perroquets fossiles montre que leur morphologie générale ne s'est guère modifiée depuis ces temps reculés. Il faut y voir le signe d'une adaptation parfaitement adéquate de façon précoce et n'ayant donc pas nécessité de changements notables.
Les très nombreuses espèces de perroquets aujourd'hui répandues sur tous les continents, excepté l'Europe, vivent le plus souvent dans la forêt tropicale, mais aussi parfois en plaine ou même dans la neige. Parmi elles, les aras (espèces), ces grands perroquets d'Amérique du Sud aux superbes coloris dont la silhouette à longue queue est universellement connue.
5. Les perroquets et l'homme
Capturé pour ses plumes, apprécié pour sa chair, recherché pour sa compagnie, le perroquet a souvent souffert de son succès auprès des hommes : certaines espèces ont déjà disparu, d'autres déclinent, et cet oiseau grégaire, très attaché à sa vie de couple, se retrouve fréquemment seul en captivité.
5.1. Un engouement de longue date...
L'usage décoratif et rituel des plumes de perroquets pour la réalisation de parures et surtout de coiffures est très ancien et très répandu parmi les populations indigènes, notamment chez les tribus indiennes d'Amérique équatoriale et tropicale. L'ara, qui fait son nid au sommet des arbres ou de rochers abrupts, est considéré comme un avatar du feu céleste. Ses longues plumes rouges sont des symboles solaires. La quête de ces plumes est certainement l'une des raisons qui ont poussé les Incas à pénétrer dans les forêts de l'est du Pérou.
En tant que compagnons, les perroquets ont été appréciés par l'homme depuis des milliers d'années. Mais, s'il est possible de déterminer approximativement l'époque à laquelle le monde occidental s'est intéressé à ces oiseaux exotiques, on est en revanche incapable de préciser quand les Indiens d'Amérique du Sud ont commencé à capturer des perroquets pour en faire des animaux familiers.
Dans une étude sur la question, K. Kolar indique que les premiers perroquets à être amenés vivants en Europe le furent, sans doute, au ive siècle avant J.-C., par un des capitaines de la flotte d'Alexandre le Grand, appelé Onésicrite, lorsqu'il revint de l'expédition vers l'Indus. Ces oiseaux étaient des perruches à collier (Psittacula eupatria), que l'on rencontre en Inde et dans le sud de l'Asie et qui portent également le nom évocateur de perruches d'Alexandre. Par la suite, les perroquets, comme le jaco, ou perroquet gris d'Afrique, ne cessèrent de jouir d'une grande popularité auprès des Grecs, puis des Romains. Pline l'Ancien les mentionne dans ses écrits et donne même des conseils pour leur apprendre à imiter la parole humaine ; la méthode est quelque peu brutale, elle consiste à taper sur la tête de l'animal avec « un bâton aussi dur qu'un bec de perroquet » !
À l'époque, les perroquets n'étaient pas seulement appréciés pour leurs qualités esthétiques ou leurs talents d'imitateurs, mais également pour leur valeur... culinaire. Les festins se devaient en effet de comporter des mets rares et surprenants pour témoigner de la puissance du maître de maison. L'empereur Élagabal, dont le règne (218-222) fut marqué par la débauche, faisait servir à ses invités des têtes de perroquets pour qu'ils se régalent de leur cervelle. De même, sa troupe de lions recevait des perroquets en pâture.
Les échanges commerciaux avec le Moyen-Orient et les croisades firent croître au Moyen Âge l'importation de ces oiseaux colorés. Ainsi, au Vatican, les perroquets détenus en captivité au début du xve siècle étaient suffisamment nombreux pour qu'existe la charge de custos papagalli (« garde-perroquets »). À partir de la fin du xve siècle, les voyages d'exploration dans le Nouveau Monde permirent d'accroître les disponibilités en perroquets. Les aras, notamment, furent souvent représentés sur des tableaux comme ceux du peintre flamand Savery.
À propos des perroquets du Nouveau Monde, K. Korla cite deux curieuses anecdotes. La première veut que Christophe Colomb ait été amené à modifier sa route et donc à atteindre le nouveau continent en apercevant une volée de perroquets signalant la proximité de la terre... La deuxième, qui rappelle singulièrement l'histoire des oies du Capitole, raconte comment les habitants indigènes d'un village du Panamá furent prévenus de l'arrivée imminente des envahisseurs espagnols par les cris de perroquets apprivoisés.
Les espèces australiennes ne furent connues, très progressivement, qu'après les voyages des premiers explorateurs, à partir du début du xviie siècle. La perruche ondulée, l'un des oiseaux de cage les plus répandus actuellement, ne fut importée en Europe qu'assez tardivement. L'espèce ne fut décrite et nommée qu'en 1794. En 1831, une perruche empaillée fut rapportée à Londres. Le célèbre ornithologue John Gould réussit à en faire venir quelques exemplaires vivants dès 1840. Dix ans plus tard, le jardin zoologique d'Anvers, en Belgique, se lançait dans l'élevage des perruches ondulées. L'entreprise ayant été couronnée de succès, d'autres tentatives eurent lieu et, peu à peu, tous les pays d'Europe se mirent à importer ces perruches par millions. Depuis, la reproduction en captivité s'est généralisée.
5.2. L'ampleur du trafic
Le goût du public et la sympathie suscitée par les perroquets ne doivent pas masquer les énormes problèmes qu'entraîne le commerce de ces oiseaux. L'inquiétude légitime est encore accrue par l'existence d'un florissant commerce parallèle, à l'échelle mondiale. La convention de Washington sur le commerce international des espèces menacées a placé en annexes I ou II la totalité des psittaciformes, à l'exception de la perruche à collier rose (Psittacula krameri), de la perruche callopsite (Nymphicus hollandicus), de la perruche ondulée (Melopsittacus undulatus) et de la perruche à face rose (Agapornis roseicollis). Ainsi, la quasi-totalité des perroquets sont interdits à la vente, sauf dérogations exceptionnelles, et totalement protégés (annexe I), ou soumis à de strictes réglementations (annexe II). Parmi les espèces totalement protégées figurent notamment l'ara macao, l'ara de Lear et l'ara de Spix. Malgré ces dispositions internationales, de nombreuses espèces de perroquets sont placées dans une situation critique par les trafiquants. Entre 1996 et 2002, environ 1, 6 million de perroquets ont été importés par les pays européens, dont environ 600 000 perruches du genre Agapornis, 200 000 perroquets africains du genre Poicephalus, 170 000 perroquets gris du genre Psittacus, 142 000 perruches du genre Psittacula et 120 000 amazones. Les volumes conjugués du commerce et du trafic mondiaux atteignent des proportions inquiétantes. L'ampleur du trafic illégal est difficile à estimer si ce n'est par le nombre de saisies. Ainsi, malgré l'adoption du Wild Bird Conservation Act en 1992, quelque 1 500 perroquets mexicains, dont certains rares et protégés, ont été saisis aux États-Unis selon l'U. S. Fish & Wildlife Service's (FWS) entre 1992 et 2005. Les prises sont fréquentes comme l'illustrent les recensements du réseau TRAFFIC.
En Europe, ce commerce s'est également développé, par exemple en République tchèque et en Slovaquie où, entre 2 000 et 2002 plus de 400 perroquets ont été saisis, parmi lesquels des espèces inscrites à l'annexe I de la Convention de Washington comme le cacatoès des Moluques et l'Amazone de Cuba, très difficiles à trouver sur le marché et qui peuvent atteindre un prix très élevé.
L'ampleur du problème est telle que les pays concernés sont souvent dépassés par les événements. Les trafiquants ne manquent pas d'astuce pour exercer leur coupable activité. J.-P. Le Duc, dans un rapport sur cette question, signale notamment la technique dite du « couloir central » : « Au milieu d'une caisse destinée au transport d'oiseaux, on installe une autre caisse où l'on cache la marchandise prohibée. La grande caisse est ensuite remplie de petits oiseaux granivores dont le commerce n'est pas interdit. Au passage de la douane, la caisse principale ne pouvant être ouverte sans risque de faire s'envoler tous les oiseaux, personne ne pourra remarquer l'astucieuse cachette. »
Il faut ajouter que, parfois, les douaniers ne disposent pas des connaissances suffisantes pour identifier à coup sûr certaines espèces. Pour pallier cette carence, bien excusable lorsque l'on connaît les difficultés d'identification que peuvent présenter de nombreux perroquets, le poste de douane de l'aéroport de Roissy a été doté d'un terminal informatique relié à une banque de données qui leur facilite les identifications et leur indique les dispositions à prendre pour le respect de la législation internationale en vigueur. Pour obtenir des résultats probants, il faut que les pays importateurs prennent des mesures efficaces. En juin 2007, la Commission européenne a adopté une recommandation afin de renforcer la lutte contre le commerce illégal d'espèces animales menacées. À travers le monde, de nombreuses actions ont été entreprises pour tenter de protéger les perroquets menacés. Des parcs et des réserves ont été créés, des programmes d'élevage en captivité visant à reconstituer les effectifs dans les cas les plus critiques – comme ceux des espèces insulaires en voie de disparition – ont été mis au point.
Le prix d'un perroquet
Le prix d'un perroquet
Sur le marché légal, le prix d'un perroquet varie en fonction de l'âge et de l'espèce allant, par exemple en France, de 800 € pièce pour un perroquet gris du Gabon adulte à 3000 € pour un jeune ara chloroptère. Si les trafiquants écoulent le plus souvent leurs spécimens à des prix inférieurs à ceux du marché pour amadouer les revendeurs, un perroquet d'une espèce rare peut atteindre un prix bien supérieur.
5.3. Un étonnant don d'imitation
Les facultés d'imitation des perroquets ont toujours beaucoup amusé l'homme. Les plus doués sont les amazones et les aras d'Amérique du Sud, le perroquet gris d'Afrique et les cacatoès d'Australie. Mais les prouesses de ces oiseaux, capables, en captivité, de reproduire parfaitement des paroles humaines et divers bruits, sont d'autant plus surprenantes que rien ne prouve qu'à l'état sauvage les perroquets reproduisent les sons de leur environnement naturel. Ils n'émettent, le plus souvent, que des cris rauques et perçants. D'où vient que ces oiseaux développent ainsi leurs facultés d'imitation en captivité ?
« Parler » serait un moyen de lutter contre l'ennui et l'isolement dont souffrent ces oiseaux qui, à l'état sauvage, sont grégaires et très actifs. Les perroquets élevés en couples apprennent, d'ailleurs, moins facilement à « parler », comme si ce comportement de l'oiseau avait pour fonction de se faire comprendre de l'être vivant qu'il côtoie le plus et de renforcer le lien avec l'homme qui prend la place du partenaire manquant.
5.4. La psittacose : du perroquet à l'homme
La compagnie des perroquets peut entraîner quelques désagréments et même certains dangers pour l'homme, sous la forme de maladies dont ces oiseaux sont les vecteurs. La psittacose est la plus connue et la plus dangereuse d'entre elles. Des dizaines d'autres espèces, du moineau au canari, en passant par les pigeons ou les oies, peuvent être vecteurs d'un virus identique entraînant une maladie nommée ornithose. Souvent fatale pour les oiseaux qui en sont atteints, la psittacose est contagieuse et transmissible à l'homme par inhalation de poussières contenant des particules d'excréments provenant d'oiseaux contaminés. Les symptômes, qui rappellent ceux d'une fièvre typhoïde à début brutal, pseudogrippal, comprennent une pneumonie fébrile aiguë accompagnée de douleurs thoraciques. La mortalité consécutive à cette maladie fut élevée jusqu'à ce que l'on dispose d'antibiotiques appropriés.
En 1934, suite à l'apparition de cas graves, voire mortels, une interdiction totale des importations de perroquets fut déclarée dans de nombreux pays. Aujourd'hui, dans le cadre du commerce légal de ces oiseaux, les dispositions sanitaires sont prises pour éviter que des perroquets infectés ne soient exportés. Mais les oiseaux qui font l'objet d'un trafic illicite échappent bien évidemment à tout contrôle et peuvent parfaitement être porteurs du virus redouté. Acheter un perroquet sans certificat d'origine et sans s'assurer qu'il a passé une inspection vétérinaire présente des risques certains. La psittacose sévit encore dans les pays importateurs de perroquets mais les oiseaux isolés transmettent très rarement la maladie.