Paraguay
Nom officiel : République du Paraguay
État continental d'Amérique du Sud, le Paraguay est limité au nord-ouest et au nord par la Bolivie, à l'est par le Brésil, au sud et au sud-ouest par l'Argentine.
- Superficie : 407 000 km2
- Nombre d'habitants : 6 780 744 (2022)
- Nom des habitants : Paraguayens
- Capitale : Asunción
- Langues : espagnol et guarani
- Monnaie : guarani
- Chef de l'État : Santiago Peña
- Chef du gouvernement : Santiago Peña
- Nature de l'État : république à régime semi-présidentiel
- Constitution :
- Adoption : 18 juin 1992
- Entrée en vigueur : 20 juin 1992
STATISTIQUES : DÉMOGRAPHIE
- Population : 6 780 744 hab. (2022)
- Densité : 17 hab./km2
- Part de la population urbaine (2023) : 63 %
- Structure de la population par âge (2023) :
● moins de 15 ans : 24 %
● 15-65 ans : 67 %
● plus de 65 ans : 9 % - Taux de natalité (2023) : 20 ‰
- Taux de mortalité (2023) : 7 ‰
- Taux de mortalité infantile (2023) : 16 ‰
- Espérance de vie (2023) :
● hommes : 68 ans
● femmes : 74 ans
La population paraguayenne est majoritairement composée de métis. Près de 40 % des habitants ne parlent que le guarani. Le taux d'accroissement naturel est resté longtemps assez élevé, d'où la grande jeunesse des habitants (moins du tiers a moins de 15 ans). Ceux-ci sont très inégalement répartis : 95 % de la population vit dans la partie orientale du pays.
STATISTIQUES : ÉCONOMIE
- GÉNÉRALITÉS
- PNB (2022) : 40 milliards de dollars
- PNB/hab. (2022) : 5 920 dollars
- PNB/hab. PPA (2022) : 15 540 dollars internationaux
- IDH (2021) : 0,717
- Taux de croissance annuelle du PIB (2022) : 0,1 %
- Taux annuel d'inflation (2022) : 9,8 %
- Structure de la population active (2021) :
● agriculture : 19,7 %
● mines et industries : 19,5 %
● services : 60,8 % - Structure du PIB (2022) :
● agriculture : 11 %
● mines et industries : 33,5 %
● services : 55,5 % - Taux de chômage (2022) : 6,9 %
- Tourisme
- Recettes touristiques (2020) : 104 millions de dollars
- Commerce extérieur
- Exportations de biens (2022) : 12 815 millions de dollars
- Importations de biens (2022) : 14 744 millions de dollars
- Défense
- Forces armées (2020) : 29 000 individus
- Dépenses militaires (2022) : 0,8 % du PIB
- Niveau de vie
- Incidence de la tuberculose pour 100 000 personnes (2022) : 46
- Part en % des richesses détenues par les 10 % les plus élevés (2021) : 61,6 %
- Part en % des richesses détenues par les 50 % les moins élevés (2021) : 4,3 %
- Dépenses publiques d'éducation (2022) : 3,6 % du PIB
Grand exportateur de soja (4e mondial) et de viande bovine (9e rang), le Paraguay a connu deux années de récession avant une reprise en 2021,estimée à 4 % en 2023. Si l'agriculture et l'agroalimentaire sont les fondements de l'économie paraguayenne (80 % des terres cultivables appartiennent aux grands producteurs de soja), l'énergie hydroélectrique est devenue un enjeu stratégique (barrages d'Itaipu avec le Brésil et de Yacyretá avec l'Argentine). Le secteur informel occupe une place importante dans un pays qui reste marqué par de très fortes inégalités sociales et un taux de pauvreté national estimé à 25 %.
GÉOGRAPHIE
Le Paraguay est un pays au relief peu accidenté, où l'élevage bovin, l'exploitation de la forêt (acajou, quebracho), le maté, les plantations de tabac, de coton, de soja et de canne à sucre constituent les principales ressources commercialisables. La population est aujourd'hui largement métissée. L'hydroélectricité (sur le Paraná) a suscité un modeste développement industriel, mais est, en majeure partie, exportée vers le Brésil et l'Argentine. La capitale, Asunción, est la seule ville notable.
1. Le milieu naturel
Traversé par le tropique du Capricorne, c'est un pays peu accidenté, axé sur la vallée du río Paraguay. L'Est est formé de plateaux gréseux (avec intercalations basaltiques). Le Centre, notamment la plaine de confluence des ríos Paraná et Paraguay, est en majeure partie marécageux. L'Ouest appartient au piémont andin, c'est le Chaco paraguayen. Le climat est marqué par la chaleur de l'été et surtout par les contrastes pluviométriques, contrastes saisonniers (longue saison sèche et courte période de pluies violentes au printemps et en été) et surtout spatiaux (sécheresse accrue vers l'ouest), qui se traduisent dans la végétation (forêt assez dense dans l'est, savane souvent arborée ou forêt-galerie au centre, quebracho rouge dans le Chaco oriental, steppe dans le Chaco occidental).
2. La population
La population paraguayenne est majoritairement composée de métis. Le nombre d'Amérindiens Guaranis est réduit à quelques milliers, ce qui n'a pas empêché la survivance de leur langue. Selon le recensement de 1992, 50 % des Paraguayens sont bilingues guarani/espagnol, 37 % parlent uniquement le guarani, 7 % seulement l'espagnol. Les 6 % restant pratiquent d'autres langues, du fait de l'existence de colonies d'origines diverses (allemande, japonaise, italienne). Mais, d'une manière générale, ces dernières n'ont eu que peu d'influence sur la population. Le taux d'accroissement naturel est l'un des plus élevés de l'Amérique latine, d'où la grande jeunesse des habitants. Ceux-ci sont très inégalement répartis : 95 % de la population vit dans la partie orientale du pays.
3. Les activités
Pays continental partagé par le fleuve Paraguay, sa partie occidentale, le Chaco (247 000 km2), semi-aride, est quasiment vide et constitue un « espace réserve ». C'est une région d'élevage extensif où l'on cultive également le quebracho (arbre riche en tanin), traité dans les usines voisines de Concepción. Trois colonies d'une secte anabaptiste, les mennonites, y sont installées depuis le xixe s. Dans la partie orientale du pays se concentrent les grandes latifundia commerciales et les principales villes, Cuidad del Este, Coronel Oviedo et Asunción, capitale hypertrophiée qui concentre l'essentiel des fonctions tertiaires et secondaires.
Aux productions agricoles traditionnelles (maïs, manioc, agrumes, maté, canne à sucre, riz, élevage bovin) se sont ajoutés l'exploitation de la forêt (acajou, québracho), les plantations de tabac, le coton et le soja, ces deux dernières cultures étant les bases, avec les produits de l'élevage, des exportations.
Ses grands barrages d'Itaipú (construit en association avec le Brésil) et de Yaciretá (avec l'Argentine) fournissent la quasi-totalité de son électricité, exportée en majeure partie vers le Brésil et l'Argentine. Cette électricité a suscité un modeste développement industriel (alimentation, cimenterie, textile), localisé autour d'Asunción, la capitale et seule grande ville. L'Argentine et le Brésil, les voisins, sont les deux premiers partenaires commerciaux. L'influence du Brésil s'est accrue avec l'installation d'agriculteurs et d'éleveurs brésiliens dans l'Oriente et la construction de routes vers le Brésil. Le déficit traditionnel d'un commerce extérieur peu développé explique, en partie, un endettement notable. Le Paraguay possède l'un des produit intérieur brut les plus faibles de l'Amérique du Sud.
HISTOIRE
1. La colonisation
Des Espagnols à la recherche de la route fluviale vers l'Eldorado (le pays de l'or, en l'occurrence le Pérou) fondent en 1537, sur les rives du fleuve Paraguay, le fortin de Nuestra Señora de la Asunción. Afin de garantir leurs expéditions de reconnaissance, ils établissent des alliances avec un peuple amérindien semi-nomade, les Guaranis. Plusieurs tribus se partagent la région, mais aucune ne connaît une organisation étatique du type inca. Les Espagnols apportent aux Guaranis une aide armée contre leurs ennemis du nord, et reçoivent en échange divers cadeaux, parmi lesquels des femmes. Il s'ensuit un métissage assez important et, contrairement à ce qui se passe dans le reste de l'Empire espagnol, ces métis sont reconnus légitimes et intégrés à la société coloniale. Tant que l'objectif reste la découverte des métaux précieux, les rapports entre Amérindiens et Espagnols sont pacifiques. En revanche, après 1547, les Espagnols atteignent l'Eldorado (le Pérou), mais un autre groupe de conquistadores, commandé par Francisco Pizarro, en a déjà pris possession. Contraints de revenir au Paraguay et de rester sur place, les Espagnols entament une deuxième phase de colonisation.
En 1556, le gouverneur Martínez de Irala répartit entre trois cents Espagnols des centaines de milliers d'Amérindiens dans le but de les « évangéliser ». C'est le système dit de l'encomienda : en échange d'une évangélisation plus que théorique, les Amérindiens doivent payer aux Espagnols des tributs en nature. À travers l'encomienda (appelée mita au Paraguay), les Amérindiens sont utilisés comme bêtes de somme dans les plantations de maté. Les révoltes ne tardent pas à éclater et rendent le pays ingouvernable. Les autorités espagnoles, incapables de venir à bout de ces révoltes par la force, sollicitent l'intervention des franciscains, puis des jésuites. Les Amérindiens vaincus sont regroupés en villages appelés réductions, car ils sont désormais « réduits à la vie civile et à l'Église ». Ces nouveaux établissements se mettent lentement en place et ce sont les jésuites qui, arrivés en 1585, les perfectionnent.
2. La République jésuite du Paraguay
Les jésuites fondent en 1609 leur première réduction (San Ignacio). Ils conservent à l'intérieur de ces villages fortifiés le mode de division des terres des Guaranis. Chaque famille exploite un lot qui lui est accordé afin de subvenir à ses besoins, mais doit des jours d'ouvrage sur les terres communes. Une partie de ce secteur communautaire est destinée à assurer la survie de ceux qui ne travaillent pas (prêtres, vieillards, malades), le surplus étant redistribué au moment des fêtes. L'autre, plus importante, est occupée par des cultures commerciales (maté et coton). Les revenus issus de leur vente permettent aux jésuites de supprimer la mita, et de payer directement au roi un tribut proportionnel au nombre d'Amérindiens mâles vivant dans la réduction.
Par ce système, particularité du Paraguay au sein de l'Amérique espagnole, les Amérindiens ne sont plus soumis au contrôle administratif et politique de l'Empire colonial. Ils appartiennent à la République jésuite du Paraguay. Le roi espagnol autorise, par diverses ordonnances, l'existence de ce véritable État. Face aux incursions des chercheurs d'or et des chasseurs d'esclaves brésiliens (les bandeirantes), Philippe IV accorde aux jésuites le droit de posséder des armes à feu (1639). Militairement et économiquement indépendante, la République s'étend du bassin supérieur des fleuves Uruguay et Paraná jusqu'à l'est du fleuve Paraguay. Elle comporte trente-six villages, tous organisés selon le même modèle. Son existence permet à la Couronne espagnole de contrer l'avancée des Portugais et de limiter le pouvoir et l'autonomie des conquistadores. Ce sont les armées guaranis des jésuites qui viennent à bout d'une insurrection coloniale contre la métropole, les comuneros du Paraguay, qui dure de 1717 à 1735. Mais lorsque la cour de Madrid reprend en main l'administration entière de son empire, la puissance des jésuites lui paraît dangereuse. Par le traité de 1750, la Couronne espagnole accorde au Portugal sept réductions de l'Uruguay en échange de la colonie du Sacramento (dans l'actuel Uruguay). Les jésuites se soulèvent, et sont expulsés en 1767. Les réductions, occupées par des colons qui dépouillent les Amérindiens, finissent par se désagréger.
3. Le Paraguay indépendant
3.1. Accession à l'indépendance
Au moment des guerres d'indépendance, au début du xixe siècle, la province du Paraguay ne dépend déjà plus, depuis 1776, de la vice-royauté du Pérou, mais de celle de la Plata. Elle profite de l'insurrection de Buenos Aires (1810) pour déclarer son indépendance en 1811. Deux ans plus tard, un congrès proclame l'indépendance de la République du Paraguay. Sous la direction de José Gaspar Rodríguez de Francia (1814-1840), le pays se ferme aux étrangers et développe son agriculture. Personnage controversé, Rodríguez de Francia, admirateur de Napoléon, se déclare « dictateur à vie » en 1816.
Son neveu, Carlos Antonio López (1844-1862), lui succède, et rouvre les frontières. Il abolit l'esclavage, engage des techniciens étrangers et développe le commerce. Il dote le pays d'un centre sidérurgique (Ybycuí), qui lui permet de constituer une armée solide et de construire, en 1854, la première ligne ferroviaire de l'Amérique du Sud. Tous ces efforts sont réalisés et payés avec les ressources nationales, sans faire appel aux capitaux étrangers.
3.2. Le Paraguay en guerre
Au moment où son fils et successeur, le général Francisco Solano López (1862-1870), accède à la présidence, le Brésil et l'Argentine, qui se disputent la suprématie du continent sud-américain, délimitent leurs zones d'influence. La Triple Alliance (Brésil, Argentine, Uruguay) mène, avec le soutien du Royaume-Uni, et durant cinq ans (1865-1870), une véritable guerre d'annexion de la nation paraguayenne. La guerre du Paraguay fait perdre au pays plus des deux tiers de sa population et le laisse totalement ruiné. Occupé pendant six ans par l'armée brésilienne, le Paraguay ne doit sa sauvegarde qu'à la rivalité qui oppose ses adversaires lors du partage. Il doit néanmoins céder au Brésil la région au nord du fleuve Apa, et à l'Argentine, le territoire de Misiones ainsi qu'une partie du Chaco.
3.3. L'instabilité politique
La Constitution libérale de 1870 institue un mandat présidentiel de quatre ans. En 1887, deux partis oligarchiques sont créés, défendant les intérêts des grands propriétaires fonciers : celui des azules (bleus), plus libéral et anticlérical, et celui des colorados (rouges), plus conservateur et catholique. Les deux partis se disputent le pouvoir jusqu'en 1938, n'hésitant pas à recourir à des coups d'État.
Sous la présidence d'Eusebio Ayala (1932-1938), une vieille querelle de frontière avec la Bolivie entraîne le pays dans un nouveau conflit armé. La guerre du Chaco (1932-1935) est remportée par le Paraguay qui reçoit par traité (1938) la majeure partie du territoire contesté. Le pouvoir revient à de jeunes officiers, héros du Chaco : la présidence est occupée d'abord par le colonel Rafael Franco (1936-1937), puis par le général José Félix Estigarribia (1939-1940) qui édicte une Constitution de type totalitaire (1940). Le général Higinio Moríñigo devient dictateur en 1940, mais après avoir écrasé en 1947, avec l'aide des colorados, un soulèvement populaire soutenu par les azules, le parti révolutionnaire Febrerista (fondé en 1936) et le parti communiste (fondé en 1928), il est écarté du pouvoir en 1948. Durant les quinze mois suivants, six présidents se succèdent (colorados et militaires). Federico Chaves, du parti Colorado, parvient cependant à se maintenir au pouvoir entre 1949 et 1954. Il sera renversé par le général Alfredo Stroessner.
3.4. La longue dictature du général Stroessner
Constamment « réélu », Alfredo Stroessner gouverne le pays durant trente-cinq ans. Son régime s'appuie, d'une part, sur la corruption, et, d'autre part, sur un contrôle étroit de la société dans son ensemble. Les sections du parti Colorado, pilier de son pouvoir, fonctionnent à la fois comme des forces paramilitaires et comme des organes de dénonciation. Le président maintient une façade de démocratie, à travers un système parlementaire comportant des partis politiques et des élections régulières. Mais les répressions à l'encontre d'une opposition allant des colorados dissidents du Movimiento popular colorado (Mopoco) aux libéraux, aux démocrates-chrétiens et aux communistes, sont féroces. Tortures, disparitions, exécutions au moment des arrestations sont une constante. La violence du régime atteint son paroxysme au milieu des années 1970, avec la création d'un camp de concentration, l'Emboscada (l'« embuscade »). La longévité du régime tient par ailleurs aux bonnes relations entretenues avec les États-Unis durant la guerre froide. Les Nord-Américains apportent des aides matérielles considérables à ce régime anticommuniste.
En 1988, le dictateur est réélu pour la septième fois, mais son âge avancé pose le problème de sa succession. A. Stroessner songe à transmettre le pouvoir à l'un de ses fils, toutefois l'armée s'y oppose. S'appuyant sur une partie des colorados, appelés les « militants », le vieux dictateur tente d'éliminer ses adversaires à l'intérieur du parti Colorado, dont le général Andrés Rodríguez Pedotti. Ce dernier, grâce à un coup d'État soutenu par les États-Unis, le 3 février 1989, contraint A. Stroessner à se réfugier au Brésil.
3.5. L'apprentissage de la démocratie
Le parti Colorado et le parti libéral radical authentique (PLRA)
A. Rodríguez Pedotti organise des élections générales libres en mai 1989, qui lui permettent d'accéder à la présidence. Tous les partis sont légalisés, les radios et les journaux fonctionnent de nouveau, les exilés rentrent au pays. Aux élections municipales organisées en mai 1991, le parti Colorado est devancé par un nouveau parti, l'Asunción para todos. En revanche, il obtient la majorité aux élections de décembre qui président à la formation de l'Assemblée. Celle-ci élabore, puis vote (juin 1992) une nouvelle Constitution.
L'élection présidentielle de mai 1993 donne la victoire (40,9 % des voix) à Juan Carlos Wasmosy, propriétaire de la plus grande entreprise de bâtiment du pays et candidat du parti Colorado, sur Domingo Laíno, candidat du parti libéral radical authentique (PLRA), qui obtient 32 % des suffrages.
Le PLRA, opposant de longue date au régime Stroessner, s'affirme comme la deuxième force politique du pays. Juan Carlos Wasmosy, après avoir passé avec lui une alliance, entame les réformes du pouvoir judiciaire et de l'armée. Sur le plan économique, il suit une orientation libérale, se refuse à appliquer une réforme agraire et provoque le mécontentement de la population. Mais ni la marche des paysans sur Asunción, dirigée par le Mouvement paysan (fondé en 1992), ni la grève générale (la première depuis 1958), qui ont lieu en mai 1994, n'ébranlent les orientations économiques du gouvernement.
En avril 1996, le chef de l'armée, le général Lino Oviedo, tente sans succès d'écarter le président sous la menace de la force. L'élection présidentielle de mai 1998 donne la victoire au candidat du parti gouvernemental, Raúl Cubas Grau, qui prend ses fonctions en août.
En mars 1999, la mort dans un attentat du vice-président, Luis María Argaña, opposant politique du président de la République, conduit à une sérieuse crise politique. Soupçonné d'être à l'origine de cet attentat, Raúl Cubas est contraint de démissionner, alors que son mentor, le général L. Oviedo – condamné à dix ans de prison en 1996 puis libéré après l'entrée en fonctions de Raúl Cubas en 1998 – prend la fuite en Argentine. Le président du Sénat, Luis Ángel González Macchi, devient président par intérim et constitue un gouvernement d'union nationale. En mai 2000, l'armée parvient à mater un soulèvement déclenché par un groupe de militaires, partisans du général L. Oviedo puis en juillet 2002, l'état d'urgence est décrété en raison de manifestations de plusieurs centaines de personnes réclamant la démission du président. Ces tensions soulignent une nouvelle fois la fragilité de la démocratie paraguayenne.
Nicanor Duarte Frutos
Le 27 avril 2003, Nicanor Duarte Frutos, candidat du parti Colorado est élu avec plus de 37 % des suffrages devant Julio César Franco, du PLRA, crédité de 24 % des voix. Le nouveau président hérite d'une situation économique critique avec une récession pour la deuxième année consécutive, une dépréciation du guarani par rapport au dollar, de fortes pressions inflationnistes et une pauvreté croissante. Avec l'appui du FMI, le gouvernement de N. Duarte parvient à corriger d'importants déséquilibres et à rétablir les finances publiques du pays qui renoue avec la croissance.
Cette politique ne parvient cependant ni à effacer la très mauvaise image du système politique paraguayen (en tête de tous les pays d'Amérique latine dans le baromètre de Transparency International sur la perception de la corruption) ni à réduire les fortes inégalités sociales au sein d'une population, dont plus de la moitié vit sous le seuil de pauvreté national. De plus, malgré une volonté de rénovation, illustrée notamment par la candidature d'une femme à la succession de N. Duarte, le parti Colorado ne peut effacer ses divisions internes et subit une défaite sans appel au scrutin présidentiel organisé dans le cadre des élections générales d'avril 2008.
3.6. Fernando Lugo Méndez : une alternance semée d'embûches
À la tête de l'Alliance patriotique pour le changement – une coalition électorale hétéroclite regroupant plus d'une dizaine de partis politiques de gauche et du centre dont le PLRA, et soutenue par diverses organisations sociales – l'ex-évêque Fernando Lugo Méndez est élu président de la République avec 40,8 % des suffrages devant Blanca Ovelar, candidate du parti Colorado (31,6 % des voix). L. Oviedo – finalement totalement absous par la Cour suprême en octobre 2007 – arrive en troisième position avec son Union nationale des citoyens éthiques (Unace) qui obtient près de 22 % des voix.
Mettant ainsi fin à 60 ans de règne des Colorados, celui que l'on surnomme « l'évêque des pauvres » depuis son engagement en faveur des paysans sans terre dans son diocèse de San Pedro, a notamment bénéficié du soutien de ces derniers à qui il promet d'emblée une réforme agraire radicale et pacifique. Toutefois, sa coalition ne remporte pas la majorité au Congrès. Sur les 80 sièges de députés, elle n'en obtient en effet que 31 (dont 27 au PLRA) tandis qu'au Sénat, elle n'en gagne que 17 sur 45 (dont 14 pour le PLRA). S'il recule nettement, le parti Colorado conserve 30 députés et 15 sénateurs, l'Unace remportant de son côté 15 sièges à la Chambre et 9 au Sénat. De plus, sur les 17 postes de gouverneurs à pourvoir, 9 reviennent au parti Colorado, 7 au PLRA et un à une coalition régionale. La marge de manœuvre de F. Lugo paraît ainsi étroite et de difficiles négociations s'avèrent nécessaires.
Avant d’être en mesure de tenir ses promesses électorales, le président Lugo, entré en fonctions le 15 août, doit ainsi composer avec un Congrès contrôlé par l’opposition, une administration qui a servi pendant des décennies le parti Colorado, ainsi qu’avec un pouvoir judiciaire et un état-major qui lui restent en partie hostiles. Si l’accès gratuit aux soins entre en application, la réforme agraire se heurte à la résistance des cultivateurs de soja, l’un des trois premiers produits d’exportation du pays. Son principal succès est la déclaration commune signée en juillet 2009 avec le président brésilienLula da Silva, qui ouvre notamment la voie à une révision partielle du traité d’Itaipú (1973) établissant jusqu’en 2023 les conditions – très défavorables au Paraguay – d’exploitation et de vente de l’énergie hydroélectrique relevant de la souveraineté commune des deux États. Toutefois, cet accord « historique » – qui prévoit surtout le triplement de la compensation versée au Paraguay tenu, selon les termes du traité, de céder exclusivement au Brésil à un prix très inférieur à ceux du marché sa part non consommée d’énergie – préserve les intérêts des compagnies brésiliennes et n’oublie pas non plus ceux des « Brasiguayos », entrepreneurs agricoles très présents dans la monoculture du soja.
En outre, F. Lugo doit répondre à des rumeurs de déstabilisation et procéder à un nouveau remaniement à la tête des forces armées (novembre 2009) sur lesquelles il doit par ailleurs s’appuyer, au risque de dérapages, pour lutter contre la petite guérilla menée par l’Armée du peuple paraguayen (EPP) responsable de plusieurs enlèvements dans le pays et suspectée d’avoir des liens avec les FARC colombiennes (janvier 2010).
Enfin, l’ex-évêque doit aussi se relever d’un scandale relatif à sa vie privée alors qu’il servait encore l’Église (déclenché par plusieurs demandes de paternité à son encontre) qui provoque une forte baisse de sa popularité, sa position semblant d’autant plus fragile qu’il manque d’appui dans son propre camp politique comme en témoignent les tensions avec son vice-président, Federico Franco, du PLRA, un allié politique essentiel mais en proie de son côté à des divisions internes.
À ces tensions s’ajoute l’effritement de sa base sociale. Les lenteurs de la réforme agraire génèrent l’impatience du mouvement des paysans sans terre ; parmi eux, une frange plus radicale, représentée notamment par la Ligue nationale des Carperos, appelle à l’occupation de propriétés dont l'attribution par le gouvernement passé de Stroessner à ses alliés, est jugée illégitime. Le 15 juin 2012, l’occupation d’une partie de la hacienda d’un ancien sénateur du parti Colorado (transformée en réserve forestière), s'achève par de violents affrontements entre manifestants et forces de l'ordre, causant la mort de neuf paysans et de sept policiers. Considérant que la responsabilité du président était engagée dans ces événements, le Sénat destitue ce dernier le 22 juin, conformément à l’article 225 de la Constitution prévoyant la mise en accusation des hauts responsables de l’État pour « mauvais exercice de leurs fonctions ».
Si certains, comme le secrétaire général de l’UNASUR dénoncent un « coup d’État parlementaire », le vote de cette mesure par une majorité de 76 députés sur 89 et de 39 sénateurs sur 42, ainsi que la timidité des protestations dans le pays semblent surtout montrer que F. Lugo a perdu la plupart de ses soutiens. Le vice-président libéral Federico Franco lui succède à neuf mois de l’élection présidentielle à laquelle le président sortant ne pouvait en tout état de cause pas se représenter. Cette destitution est cependant très mal accueillie par les États d’Amérique latine.
3.7. Le retour de la droite au pouvoir
Les élections d’avril 2013 se soldent par le retour au pouvoir du parti Colorado et la victoire de son candidat Horacio Cartes Jara. Ce dernier, un entrepreneur prospère à la tête de l’une des plus importantes fortunes du pays, vient en tête de l’élection présidentielle avec plus de 45 % des suffrages devant Efraín Alegre, du parti libéral, ancien ministre des Travaux publics et ex-allié de Fernando Lugo. Alors que les deux candidats se sont accusés respectivement de collusion avec le narcotrafic et de corruption, la lutte contre cette dernière est l’une des priorités mises en avant par le nouveau chef de l’État (entré en fonctions le 15 août), outre la normalisation des relations avec les autres pays latino-américains, détériorées depuis le « coup de force » constitutionnel de 2012.
En berne en 2012, la croissance économique du pays connaît un bond en 2013 (8,4 %) et se stabilise par la suite autour de 4,3 % par an en moyenne – l’un des taux les plus élevés en Amérique latine –, soutenue notamment par les investissements publics dans les infrastructures, par les exportations agricoles et l'exportation d’hydroélectricité, ainsi que par la consommation d’une classe moyenne en expansion. Si la pauvreté a reculé entre 2002 et 2012, elle stagne désormais autour de 27 % tandis que l’inégalité des revenus reste forte.
Depuis la création, en 2012, d’un Secrétariat national chargé de la lutte contre la corruption, il n'y a pas, sur ce sujet, d’avancée notable, à l’exception de l’adoption en 2014-2015 d’une loi sur l’accès à l’information publique et la transparence gouvernementale.
Le président sortant ayant renoncé à briguer un nouveau mandat après de violentes manifestations contre un projet de réforme constitutionnelle supprimant la règle de non-rééligibilité du chef de l’État (avril 2017), c’est Mario Abdo Benítez, du parti Colorado, qui lui succède en août 2018, après avoir remporté l’élection présidentielle, en avril, avec 46,4 % des voix devant E. Alegre, candidat de la coalition de centre-gauche GANAR formée autour du PLRA. Avec 42 députés sur 80, la droite conserve sa majorité absolue à l’Assemblée législative, mais pas au Sénat, où elle reste en tête avec 17 sièges sur 45.