kangourou

Kangourou
Kangourou

Symbole de l'Australie, seul pays où il vit, le kangourou ne court pas mais bondit comme un ressort sur ses pattes arrière. C'est un animal pacifique qui supporte bien la sécheresse et les grosses chaleurs : il se reproduit facilement et envahit les pâturages à moutons, dont il est le rival. Sa chasse et son commerce sont désormais réglementés par l'établissement annuel de quotas.

1. La vie du kangourou

1.1. Des pattes exceptionnelles pour sauter et se battre

Alors que, chez l'homme, le record mondial de saut en hauteur est de 2,44 m et celui de saut en longueur de 8,90 m, le kangourou peut franchir 3,30 m de haut et 9 m et plus en longueur. Ces performances ne sont toutefois atteintes que lorsque l'animal doit fuir, en terrain découvert, devant un prédateur. Mais, habituellement, lorsqu'il se déplace pour rejoindre un point d'eau ou un congénère, ses sauts ne dépassent pas 1,90 m de long. Cette progression, exclusivement bipède (pattes postérieures), donne l'impression que le kangourou rebondit comme un ressort sur le sol. Ce mode de déplacement peut atteindre 20 km/h. Mais, lorsqu'il se sent menacé, l'animal passe à la vitesse supérieure.

Quand il broute, le kangourou se tient généralement penché en avant et se déplace très lentement en se servant de ses quatre pattes, un peu comme un lapin. Il pose ses pattes antérieures sur le sol et tire sa queue vers son corps, faisant basculer ses pattes postérieures. Le poids porte alors sur la partie arrière du corps et sur la queue, qui joue le rôle d'une cinquième patte. Ce type de locomotion, basée sur un cycle à quatre temps, semble exiger beaucoup plus de dépenses énergétiques que le saut.

Les études faites pour mesurer la dépense énergétique du kangourou en déplacement ont montré que, lorsqu'un kangourou va à moins de 18 km/h, il dépense plus d'énergie qu'un animal de même poids courant sur quatre pattes.

En revanche, lorsqu'il accélère, le kangourou dépense moins d'oxygène, grâce au stockage, puis à la libération d'énergie dans ses éléments élastiques. En effet, le très long calcanéum (os du tarse qui forme le talon) agit comme un levier sur les tendons et les ligaments du talon. Plus le kangourou se déplace vite, plus la force appliquée à ce levier provoque l'étirement des éléments élastiques. Quand l'animal décolle pour sauter vite, l'énergie stockée est récupérée, ce qui explique la diminution de la consommation d'oxygène.

Des coups de pied mortels

D'un caractère plutôt placide, le kangourou roux sait pourtant se défendre.

Quand un kangourou isolé est attaqué par une meute de dingos (Canis familiaris dingo) ou chiens sauvages, il fuit alors vers un éventuel point d'eau où il essaie de noyer les dingos tout en restant debout. Si cette tactique échoue, du fait de la faible profondeur du point d'eau par exemple, le kangourou s'adosse contre un arbre et repousse les assaillants en leur assénant de grands coups de pied, le plus souvent mortels lorsqu'ils atteignent leur cible. De même, lorsque deux mâles se battent pour une femelle, il leur arrive de s'empoigner et de se boxer, mais, si le combat devient violent, ils se mettent à sauter en avant et à se donner des coups de pied.

Le saut du kangourou

Caractéristique du kangourou, le saut est toujours spectaculaire. L'animal l'utilise pour se déplacer rapidement : il détend alors ses pattes postérieures à la manière d'un ressort, formant avec le sol un angle proche de 45°. Puis il projette vers l'avant sa tête et ses pattes presque à l'horizontale : sa queue puissante et musclée qu'il utilise comme support au repos lui sert de balancier. Elle vient s'aligner sur le reste du corps. Au moment d'atterrir, l'animal relève vivement sa queue pour ne pas gêner sa réception sur le sol. Il procède ainsi par bonds successifs et peut atteindre 40 km/h.

1.2. Les kangourous broutent la nuit par petits groupes

Une heure environ avant le coucher du soleil, les kangourous commencent à s'alimenter et à se diriger vers les points d'eau. Le kangourou roux, comme la plupart des autres kangourous, se nourrit essentiellement d'herbes (de 60 à 90 % de son régime) et de plantes herbacées à fleurs comme la luzerne ou le trèfle. Il affectionne particulièrement le spinifex, ou « herbe porc-épic » (Triodia spinifex), dont les feuilles rigides et pointues comme des épingles ressemblent à des épines. Cette graminée qui vit dans les régions arides et semi-arides se présente sous forme de buissons qui recouvrent le sol, parfois sur des centaines de kilomètres.

Les chénopodes, petites plantes herbacées très riches en sel, font aussi partie de l'alimentation du kangourou, mais ne dépassent pas 10 % de son régime. En revanche, le kangourou roux ne consomme pratiquement jamais de feuilles d'acacias ou d'eucalyptus comme le font ses proches cousins, les wallaroos. On ne connaît pas encore bien ce qui motive le choix de certaines plantes par les kangourous. L'équipe du biologiste australien P.T. Bailey a montré que la richesse en sucres (carbohydrates solubles) de certaines plantes pourrait être un critère de sélection.

Les mâles mangent en moyenne une heure de plus que les femelles, peut-être parce que celles-ci prélèvent une nourriture plus riche en protéines, notamment pendant les périodes de sécheresse, et qu'elles concentrent leurs recherches sur les endroits où les pâturages sont les plus favorables, probablement pour améliorer la qualité de leur lait. Cela a été démontré par le biologiste australien A.E. Newsome, qui a étudié les différences de régime alimentaire entre kangourous mâles et kangourous femelles d'Australie centrale.

Les kangourous se nourrissent pendant de longues heures. Ainsi, l'Australien David Priddel a établi, que, quelle que soit la saison, les kangourous consacraient entre 7,1 et 10,5 heures par jour à se nourrir. D'autres études ont montré que 78 % de ce temps réservé au broutage était nocturne : pendant les 6 heures suivant le coucher du soleil et juste avant son lever. Pendant la journée, l'alimentation a lieu lors des deux premières heures du jour (80 % du broutage diurne) et juste avant le coucher du soleil. En effet, bien qu'étant assez adaptés aux climats arides des régions qu'ils habitent, les kangourous craignent les grandes chaleurs : ainsi, durant les périodes chaudes dans l'ouest de la Nouvelle-Galles du Sud, ils évitent de s'exposer aux radiations solaires.

Un animal individualiste

Dans la nature, le kangourou roux vit généralement au sein de petits groupes assez lâches, sans organisation stricte, semble-t-il.

Le groupe dépasse rarement 8 ou 10 individus et comprend alors un mâle, une ou plusieurs femelles et leurs petits des deux sexes. Chez les mâles, une hiérarchie existe, le plus souvent basée sur la taille en particulier lorsqu'il s'agit de courtiser une femelle. De petits groupes de jeunes animaux ne sont pas rares, et les vieux kangourous vivent seuls : on rencontre aussi fréquemment des groupes restreints de deux ou trois animaux. Les kangourous sont donc assez individualistes, lorsque les pâturages sont prospères grâce à l'abondance des pluies.

En revanche, ils deviennent grégaires lorsque la sécheresse raréfie les pâturages. Ils sont alors capables d'effectuer de 10 à 20 km pour brouter et se retrouvent en groupes de plusieurs dizaines d'animaux, sur des sites favorables, aux rares points d'eau disponibles, les premiers kangourous arrivés ne rejetant pas les nouveaux arrivants.

La dentition du kangourou

La dentition du kangourou



Le kangourou mastique en général suffisamment sa nourriture pour ne pas avoir à la régurgiter et à ruminer. Son régime alimentaire fait qu'il use beaucoup ses molaires. Sa dentition se caractérise par un développement important de celles-ci, au nombre de 16. Elles sont toutes de même taille et se renouvellent jusqu'à quatre fois au cours de la vie de l'animal, avançant vers le devant au fur et à mesure de leur usure. Les 3 incisives de la mâchoire supérieure servent à couper. L'estomac, très volumineux, peut peser, plein, jusqu'à 15 % du poids du kangourou. Il est tapissé de cellules sécrétant un mucus riche en bactéries qui facilitent la digestion en aidant à la décomposition des aliments absorbés. Cet estomac est la principale différence existant entre le système digestif du kangourou et celui d'autres herbivores, ruminant réellement.

1.3. Huit mois pour sortir de la poche

Le kangourou roux ne se reproduit pas à une saison particulière, mais toute l'année, en fonction des conditions du milieu dans lequel il vit. La femelle est apte à se reproduire entre 14 et 22 mois après sa naissance et les mâles après 2 ans. Le cycle de la femelle dure 35 jours. L'œuf se développe dans l'utérus jusqu'à devenir, au bout de 33 jours environ, un embryon larvaire de 0,8 à 1 g, mesurant de 2,5 à 5 cm de long. Nu, muni de griffes aux pattes antérieures, cet embryon commence son ascension – qui dure cinq minutes – vers la poche, en s'accrochant aux poils de la mère. Une fois la poche atteinte, il s'accroche par la bouche à l'une des quatre tétines et reste dans cette position pendant tout le développement embryonnaire (190 jours). Après 110 jours, il est poilu et, au bout de 150 jours, il sort la tête de la poche pour la première fois. Puis, à 200 jours, il commence à en sortir, mais il y rentre immédiatement au moindre danger. Après environ 235 à 250 jours, il quitte définitivement la poche : il pèse alors entre 2 et 4 kg, tète encore sa mère, tout en étant beaucoup plus indépendant. Il peut s'éloigner pendant de longues périodes, retournant encore vers elle pour l'allaitement ou en cas de danger. Il continuera à la suivre pendant quelque temps. Le jeune kangourou est sevré au bout d'un an : il pèse alors 10 kg.

Un chemin de salive

Un chemin de salive



Deux heures avant la naissance du bébé kangourou, la mère nettoie sa poche marsupiale. Elle s'assied alors, les pattes postérieures en avant, la queue entre les jambes, et trace un chemin avec sa salive entre le cloaque – où réside le vagin – et la poche. Le jeune, encore à l'état de larve, sort du corps de sa mère et, guidé, comme on le pense, par l'odeur de sa salive va remonter le long de son ventre pour se glisser dans la poche où il restera « accroché » à une tétine, pendant 190 jours.

1.4. Des naissances adaptées au climat

Le mode de reproduction des kangourous est adapté au climat (alternance de périodes sèches et pluvieuses). Une fois qu'une femelle a donné naissance à un jeune, il se produit chez elle un œstrus post-partum (un ovule est libéré), alors que le petit précédent se trouve encore dans la poche marsupiale à un stade peu avancé. Ce nouvel ovule est fécondé, mais il reste au stade de blastocyte (développement précoce) dans l'utérus jusqu'à la période de pluies suivante. Il reprend sa croissance tandis que la femelle a dans sa poche un petit âgé de quelques mois, qui va quitter la poche marsupiale. Le cycle va alors recommencer. Une femelle peut donc avoir simultanément un petit déjà grand dans la poche et la tétant encore à une première mamelle, un embryon qui se développe en la tétant à une seconde mamelle et un œuf attendant que le premier-né la quitte définitivement.

1.5. Milieu naturel et écologie

L'Australie se caractérise par des climats contrastés : la côte septentrionale du cap nord à Brisbane, aux températures uniformes et élevées, reçoit des pluies abondantes, surtout en été (climat équatorial avec mousson) ; la forêt équatoriale, avec ses lianes, ses palmiers, ses fougères arborescentes, y domine.

Sur la côte sud-est et sud-ouest, le climat maritime est presque méditerranéen, les pluies sont peu abondantes, surtout en hiver. Dans la région orientale s'étendent des forêts caractéristiques d'eucalyptus, d'araucarias et de fougères arborescentes.

L'aire de répartition du kangourou roux est relativement large, mais correspond globalement aux zones les plus sèches de l'Australie. Il fréquente les régions de steppes semi-arides du Sud couvertes de broussailles d'acacias et de plantes halophytes (poussant sur sols salés) , ainsi que l'intérieur des terres, composé d'une région orientale sèche où dominent la steppe et la savane tropicale, couvertes des broussailles désolées d'acacias rabougris et d'eucalyptus nains et d'une région centrale au climat très sec, désertique, dotée d'une végétation éparse de buissons compacts et d'arbustes très épineux appelés scrubs, dont fait partie le spinifex, ou « herbe porc-épic ».

Influence du climat sur la croissance du kangourou

Le kangourou roux est très dépendant des conditions climatiques. Dans les régions arides, les précipitations ne dépassant guère 250 mm par an, les périodes de sécheresse sont fréquentes et affectent fortement la quantité et la qualité de la nourriture et, par conséquent, la reproduction et les chances de survie du kangourou. Des observations sur plusieurs années permettent de dire que, si la pluviosité moyenne annuelle dans l'est du pays (480 mm) augmente de 100 mm, les populations de kangourous s'accroissent de 30 %. On note une augmentation identique du nombre de kangourous dans l'Ouest lorsque la pluviosité moyenne annuelle (205 mm) croît de seulement 50 mm. En revanche, si ces régions enregistrent des taux de pluviosité moyenne annuelle respectivement inférieurs de 100 mm et de 60 mm aux taux habituels, les populations de kangourous restent stables. Celles-ci ne diminuent que lorsque les pluies deviennent encore plus rares.

Une étude du biologiste australien Newsome a montré qu'en Australie centrale, la quantité de pâturages verts diminuait de façon logarithmique pendant les périodes de sécheresse, et que, même sur les terres les plus fertiles, la moitié des femelles n'étaient plus fécondables après une sécheresse prolongée de trois à cinq mois.

La sécheresse affecte également le taux de croissance des jeunes : elle diminue leur chance de survie et augmente l'âge de leur maturité sexuelle. Une période de sécheresse d'un mois et demi à deux mois entraîne la mort de la moitié des jeunes dans la poche maternelle et de la totalité de ceux-ci, si elle se prolonge huit mois. La perte d'un jeune dans la poche réactive le développement de l'embryon alors au repos (blastocyste), et les femelles produisent de nouvelles larves. Mais, si la sécheresse persiste, la succession des jeunes qui sont produits ne survivent que deux mois et meurent alors qu'ils tètent encore leur mère.

Dès qu'il pleut après la sécheresse, les femelles deviennent de nouveau fécondables et capables de porter presque aussitôt des nouveaux blastocytes au repos.

Cependant, malgré ces adaptations, presque 50 % des jeunes ne dépassent pas 2 ans et seuls quelques animaux atteignent l'âge de 20 ans. Dans certaines régions d'Australie centrale, on constate que le nombre de kangourous dans une classe d'âge est étroitement lié à la période pendant laquelle l'herbe a pu pousser.

Ainsi, le nombre de kangourous sur un domaine dépend très fortement de la disponibilité en herbages et de la possibilité de trouver de l'ombrage. Pendant les périodes de sécheresse, les kangourous se réfugient dans les plaines où subsistent, grâce aux points d'eau, quelques arbres ainsi que certaines herbes vertes. Après les pluies, ils se dispersent dans les zones boisées environnantes où les herbes sont temporairement abondantes. Le nomadisme semble donc très lié à la recherche de nourriture et d'abri. Ainsi, on a pu constater, dans une région d'environ 4 000 km2, qu'une population de kangourous est passée de 3 927 animaux avant la pluie à 4 914 après la pluie, à la suite de telles migrations.

Le kangourou et les autres animaux

Le kangourou joue en Australie le rôle que tiennent sur d'autres continents les ongulés sauvages. Herbivore strict, il intervient comme consommateur primaire dans la chaîne alimentaire.

En creusant jusqu'à 1 mètre de profondeur des trous pour boire, il aide à vivre d'autres animaux de la même contrée des espèces de kangourous plus petits, par exemple. Il joue un peu le même rôle que l'éléphant d'Afrique qui, creusant de semblables trous, permet aux antilopes et aux zèbres de la savane de s'abreuver.

C'est, de plus, un disperseur de graines : il les rejette dans ses fèces, favorisant la dissémination et la germination de plantes.

Pâturages et kangourous

Les quantités de nourriture absorbées par un kangourou, chaque jour, dépendent de son poids et de la biomasse. La biomasse est le rapport entre une superficie et l'ensemble des espèces animales et végétales qui vivent sur cet espace. Pour les herbivores, elle s'évalue en kilogrammes par hectare. On a ainsi observé que les populations de kangourous augmentent lorsque la biomasse est supérieure à 200 kg/ha. Mais un nombre accru de kangourous réduit rapidement le pâturage, car ces animaux mangent beaucoup. La biomasse diminue donc et, par voie de conséquence, le nombre de kangourous aussi. Une régulation naturelle est établie et freine la multiplication des kangourous.

2. Zoom sur... le kangourou roux

2.1. Kangourou roux (Macropus rufus)

Le kangourou roux est, avec le kangourou géant, le plus grand marsupial actuel. Il se caractérise par sa posture bipède en appui sur de longs pieds, de puissantes pattes postérieures et une queue musclée qui lui sert de « troisième jambe ». La main du kangourou roux, comme celle de la majorité des marsupiaux, est munie de 5 doigts (pentadactyle). Au cours de l'évolution, elle a subi des modifications anatomiques moins importantes que le pied, du fait de sa fonction peu spécialisée.

Chez le kangourou roux, comme chez la plupart des espèces de kangourous, les mâles sont souvent plus grands et plus lourds, pesant jusqu'à 80 kg (66 kg en moyenne) et mesurant 1,40 m, alors que les femelles ne dépassent pas 35 kg (26,5 kg en moyenne) et 1 m. Le dimorphisme sexuel est également net au niveau des couleurs : la fourrure du mâle peut varier d'un rouge pâle à un rouge marqué tandis que la femelle est généralement gris-bleu. La couleur du mâle est plus intense au moment de la reproduction : elle lui tient lieu de tenue nuptiale. Chez les deux sexes, la queue est plus pâle que le reste du pelage.

La densité de la fourrure permet une bonne isolation thermique aussi bien l'été que l'hiver. Sa couleur, le plus souvent pâle, absorbe peu l'énergie solaire et contribue à protéger l'animal de la chaleur.

Le kangourou roux est strictement herbivore, mais n'est pas un ruminant. Sa dentition est adaptée à son régime de grazer, comme disent les Anglo-Saxons, c'est-à-dire qu'il consomme des plantes abrasives, coriaces et siliceuses, contenant une forte proportion de fibres. Ses molaires, rapidement usées par la silice, sont remplacées jusqu'à quatre fois dans sa vie. Une mastication prolongée et un estomac très volumineux, riche en bactéries et en protozoaires, lui permettent de digérer la cellulose des plantes. Les intestins du kangourou roux sont souvent les hôtes de ténias qui ne semblent pas perturber sa santé. Les cellules de l'estomac sécrètent un mucus riche en bactéries qui facilitent la digestion.

La femelle met bas un petit à la fois, sous forme d'une larve qui, venant s'implanter dans la poche marsupiale, poursuit son développement embryonnaire. La poche qui s'ouvre sur la paroi abdominale comporte quatre glandes mammaires indépendantes avec chacune une tétine. Le jeune est sevré après un an ; il pèse alors 10 kg et devient indépendant.

Les kangourous roux, grégaires, vivent en petites unités souvent intégrées à des groupes plus larges, surtout sur les sites de nourriture, mais sans organisation sociale ni défense territoriale nettes.

La bonne vue du kangourou roux lui permet de fuir rapidement en utilisant des trajectoires discontinues destinées à « semer » ses poursuivants. Son ouïe et, surtout, son odorat l'aident en outre à détecter d'éventuels dangers. En général, un mâle sert de guetteur quand les autres broutent tout à loisir l'herbe fraîche.

Les kangourous roux semblent mieux adaptés aux conditions de sécheresse inhérentes à leur habitat que les kangourous gris. Cependant, ils craignent les grandes chaleurs, qui les font haleter comme les chiens et les moutons. Il leur arrive fréquemment de se lécher les bras et le poitrail, parfois même de s'humecter les pattes postérieures. La salive, en s'évaporant, rafraîchit le corps. Le kangourou roux est capable de ne pas boire pendant plusieurs semaines, car ses reins ont des capacités de concentrer l'urine, et donc de retenir l'eau, supérieures à celles d'autres kangourous.

Durant le repos diurne, ils ne dorment pas vraiment, ou ne le font que peu profondément et pendant de courtes périodes. Ils sont, en fait, plutôt léthargiques et leurs changements de posture sont fréquents, ainsi que les toilettages et léchages des pattes antérieures. Les jours très chauds, la période d'inactivité dure plus longtemps, car les animaux s'arrêtent de brouter et retournent à l'ombre plus tôt le matin, recommençant à brouter plus tard dans l'après-midi.

On distingue 3 sous-espèces, encore que leur différenciation ne soit pas nettement établie : Macropus rufus rufus (présent dans l'est de l'aire de répartition), Macropus rufus dissimulatus (le plus occidental ; la robe des femelles est rousse) et Macropus rufus pallidus (présent dans la zone nord-ouest ; la robe des femelles est gris isabelle).

          

KANGOUROU ROUX

Nom (genre, espèce) :

Macropus rufus

Famille :

Macropodidés

Ordre :

Marsupiaux

Classe :

Mammifères

Identification :

Bipède, silhouette caractéristique ; membres antérieurs petits par rapport aux pattes postérieures puissantes ; grande queue musclée ; poche marsupiale ventrale chez la femelle

Taille :

1,40 m debout, 2,40 m avec la queue (mâle), 1 m (femelle)

Poids :

Mâle, 66 kg ; femelle, 26,5 kg

Répartition :

Totalité de l'Australie à l'exception de quelques territoires

Habitat :

Savanes, steppes semi-arides et arides, prairies tropicales et subtropicales, forêts mixtes et tempérées

Régime alimentaire :

Végétarien (herbes coriaces, dicotylédones)

Maturité sexuelle :

Femelle, de 14 à 22 mois ; mâle, 24 mois

Saison de reproduction :

Sans saison particulière, reproduction opportuniste

Durée de gestation :

35 jours dans l'utérus et 235 jours dans la poche

Nombre de jeunes par portée :

1

Poids à la naissance :

0,8 g à la sortie de l'utérus ; de 2 à 4 kg à la sortie de la poche

Longévité :

de 15 à 20 ans, moyenne : de 6 à 7 ans

Effectifs :

 

8 727 856 (2003) à l'intérieur des territoires de chasse. Dont :
2 235 114 en Nouvelle-Galles du Sud et 3 752 242 dans le Queensland

               

Statut, protection :

Chasse réglementée hors des parcs nationaux (quota fixé pour 2007 : 1 379 795). Animal protégé dans les parcs nationaux

 

2.2. Signes particuliers

Mains

Elles sont fluettes, mais munies de griffes puissantes. Les 5 doigts sont de longueur comparable, excepté le 3e, plus important. Le kangourou utilise ses mains pour porter parfois l'herbe à sa bouche ou pour se défendre, jamais pour se déplacer.

Dentition

Elle se caractérise par un développement important des molaires et l'absence de canines. Les incisives, à croissance continue, se composent de 3 paires à la mâchoire supérieure et 1 seule paire à la mâchoire inférieure, comme le cheval. La formule dentaire, par demi-mâchoire, est : I 3/1, C 0/0, PM 1/1, M 4/4.

Poche marsupiale

La poche ou, marsupium, est un repli cutané permanent de la paroi abdominale situé à proximité de l'ouverture uro-génitale des kangourous femelles. En forme de fer à cheval, elle est soutenue par une paire de baguettes osseuses et entourée d'un muscle, le sphincter marsupii.

Pieds

Les pieds, très puissants, dépassent 26 cm. Les doigts 2 et 3 sont accolés et enveloppés d'une peau commune. Les métatarsiens correspondant à ces doigts passent sous la face plantaire du 4e métatarsien, qui est atrophié. Les 2 doigts soudés (syndactyles) sont munis de deux griffes formant une sorte de fourche, dont le kangourou se sert pour se nettoyer. Le premier orteil manque ; le cinquième orteil est court, le quatrième orteil, très long et fort, est muni d'un grand ongle.

3. Les autres espèces de kangourous

La famille des kangourous, ou macropodidés, est constituée d'une soixantaine d'espèces réparties en 11 genres, et ne se rencontre qu'en Océanie (Australie, Nouvelle-Zélande et Nouvelle-Guinée).

Les principales caractéristiques morphologiques des macropodidés sont leur adaptation particulière au saut et leur queue musclée bien développée, ainsi que leurs membres postérieurs nettement plus longs que leurs membres antérieurs.

Tous les membres de cette famille possèdent, chez les femelles, une poche marsupiale qui ouvre vers le haut. La denture est très proche pour tous : deux incisives et pas de canines à la mâchoire inférieure ; 6 incisives et 4 molaires par demi-mâchoire à la mâchoire inférieure et à la mâchoire supérieure.

3.1. Le genre Macropus

Le genre Macropus, auquel appartient le kangourou roux, comprend 14 espèces, dont les grands kangourous et les wallaroos, qui sont les plus grands marsupiaux terrestres actuels, et quelques espèces de petits kangourous, ou wallabies.

Ils sont tous essentiellement crépusculaires ou nocturnes et herbivores : la plupart d'entre eux pratiquent le pâturage. Ils recherchent généralement leur nourriture de la fin de l'après-midi au matin et se reposent dans la journée. On peut toutefois les voir de jour, occupés à se nettoyer ou à se gratter.

En plus du kangourou roux (Macropus rufus), le genre Macropus comprend :

Kangourou géant (Macropus giganteus)

Malgré son nom, il n'est pas plus grand que le kangourou roux. Taille et poids : mâle, 1,80 m (plus queue, 1 m) pour environ 66 kg ; femelle, 1,20 m (plus queue, 75 cm) pour environ 32 kg. Gris argenté.

Habitat : forêts et savanes boisées de l'Est australien.

Classée par l'U.I.C.N. (Union internationale pour la conservation de la nature), comme la plupart des kangourous, dans la catégorie « préoccupation mineure », l'espèce est toutefois protégée par les États et le gouvernement fédéral qui fixent des quotas de chasse.

Kangourou gris de l'ouest (Macropus fuliginosus)

Ses dimensions et son poids sont comparables à ceux du kangourou géant. Mâle, de 94,6 cm à 2,2 m, 53 kg environ ; femelle, 27,5 kg environ. Pelage gris-brun clair à chocolat.

Habitat : forêts et savanes du sud de l'Australie.

Sa chasse est autorisée et réglementée chaque année par des quotas.

Wallaroo noir (Macropus bernardus)

Le plus petit wallaroo. De 59,5 à 72,5 cm ; queue de 54,5 à 64 cm. Poids : de 13 à 22 kg. Mâles, sombres, presque noirs ; femelles plus claires.

Habitat : forêts ouvertes d'eucalyptus et sous-bois herbeux du nord de l'Australie (territoire d'Arnhem).

Bien que ses effectifs et sa localisation soient restreints, il ne semble pas en voie d'extinction dans son aire de répartition ; mais, après révision de son statut, il a été classé par l’U.I.C.N. dans la catégorie « quasi menacé » en 2008.

Wallaroo ou euro (Macropus robustus)

Mâle, de 1 m à 1,40 m (queue de 80 à 90 cm) ; femelle, de 75 cm à 1 m (queue de 60 à 70 cm). Brun roux à gris-bleu très sombre ; les mâles sont plus sombres que les femelles.

Habitat : zones arides et rocheuses dispersées dans l'ensemble de l'Australie, excepté les côtes nord et sud.

Protégé et encore relativement abondant. Sa chasse est autorisée et réglementée chaque année par des quotas. L'euro Macropus robustus isabellinus est classé par le gouvernement australien parmi les espèces vulnérables.

Kangourou antilope (Macropus antilopinus)

De 77,2 cm à 1,20 m. Poids : 37 kg (mâle) ; 17,5 kg (femelle). Pelage du mâle, roux sur le dos et presque blanc devant ; femelle, gris pâle.

Habitat : forêts d'eucalyptus pourvues d'herbes en permanence du nord de l'Australie (territoire d'Arnhem).

Encore relativement abondant.

Wallaby de Parma (Macropus parma)

De 44,5 à 53 cm (queue de 40 à 55 cm). Poids : de 3,2 à 5,9 kg. Brun foncé avec la gorge et le ventre blancs.

Habitat : forêts pluvieuses et plaines broussailleuses, côte est australienne et extrême nord de la Nouvelle-Zélande.

L'espèce, déjà rare dans la nature en 1974,  a été classée en 1994 comme « quasi menacée ». Elle est commune en captivité.

Wallaby agile (Macropus agilis)

De 59 à 85 cm. Poids : 19 kg (mâle) ; 11 kg (femelle). Brun-jaune avec une bande blanche sur les joues et une autre sur le bassin.

Habitat : forêts ouvertes ; sud-est de la Nouvelle-Guinée et côte nord de l'Australie.

Relativement commun.

Wallaby de Benett (Macropus rufogriseus)

De 70 à 90 cm (queue de 65 à 75 cm). Poids : de 6 à 18 kg (mâle) ; de 8 à 13 kg (femelle). Mâle, gris à roux avec le poitrail pâle ; femelle plus pâle.

Habitat : côte est du continent australien, Tasmanie, îles King et Flinders.

Protégé dans tous les États, il peut être abattu s'il cause des dégâts aux cultures, mais ne semble pas menacé.

Wallaby à raie noire (Macropus dorsalis)

De 1,1 à 1,4 m. Poids : 16 kg (mâle) ; 5-6 kg (femelle). Pelage uni, sauf une bande dorsale sombre et une bande blanche à hauteur du bassin.

Habitat : forêts humides de l'est de l'Australie.

Protégé par la loi. Des permis de chasse sont délivrés s'il cause des dégâts aux cultures.

Wallaby de Parry (Macropus parryi)

Environ 60 cm pour un poids de 3 à 4 kg. Pelage gris pâle avec une bande blanche sur la tête.

Habitat : pentes et collines à végétation éparse d'une grande partie de la côte est de l'Australie.

En régression du fait de la déforestation, il reste encore relativement commun et profite de l'agriculture.

Wallaby d'Irma (Macropus irma)

Espèce diurne mais peu étudiée dans l'ensemble. Il mesure environ 1,20 m. Poids : 8 kg. Bande blanche et oreilles noir et blanc.

Habitat : il cohabite avec les grands kangourous dans les forêts ouvertes du sud-ouest de l'Australie.

Wallaby de Grey (Macropus greyi)

De 81 à 84 cm. Oreilles noir et blanc, queue pâle.

Habitat : zones ouvertes et herbacées.

L'espèce était commune dans le sud-est de l'Australie au début du xxe siècle ; elle a complètement décliné du fait de la chasse. Avec le wallaby de Tammar (sous espèce Macropus eugenii eugenii) elle est une des deux espèces considérées comme éteintes aujourd'hui.

Wallaby de l'île d'Eugène (Macropus eugenii)

De 52 à 68 cm (queue de 33 à 45 cm). Poids : de 3 à 4 kg. Gris avec des épaules et une bande dorsale rouges.

Habitat : territoires arides du sud-ouest et du sud de l'Australie.

Quelques sous-espèces éteintes, dont celles des îles Flinders. Encore abondant sur l'île aux Kangourous, à l'est de la Grande Baie australienne.

3.2. Les autres macropodidés

Les 10 autres genres de la famille des macropodidés regroupent plus de quarante espèces de kangourous et wallabies:

Wallaby rayé

Genre Lagostrophus, 1 espèce (Lagostrophus fasciatus) classée comme en danger en raison de la déforestation pour l'agriculture sur la côte ouest de l'Australie.

Lièvre-wallaby

Genre Lagorchestes, 4 espèces dont 2 éteintes,  1 assez commune (Lagorchestes conspicillatus) dans les zones désertiques et arbustives de la moitié nord de l'Australie, et 1 vulnérable (Lagorchestes hirsutus) dans les zones désertiques et arbustives de l'ouest de l'Australie.

Onychogales

Ggenre Onychogalea, 3 espèces, dont 1 commune (Onychogalea unguifera), 1 éteinte (Onychogalea lunata) et 1 rare et menacée (Onychogalea fraenata) (par la prédation d'espèces étrangères introduites sur son territoire et par la dégradation de son habitat, savanes, zones arbustives et prairies tropicales du Queensland).

Wallaby des rochers

Genre Petrogale, 17 espèces. En régression importante dans les zones à moutons ; certaines espèces restent communes dans les biotopes trop rocheux pour les moutons. 1 en danger (Petrogale persephone) ; 6 quasi menacées (Petrogale penicillata, Petrogale burbidgei, Petrogale coenensis, Petrogale lateralis, Petrogale sharmani, Petrogale xanthopus).

Thylogales

Genre Thylogale,  6 espèces, dont 2 vulnérables (Thylogale browni et Thylogale brunii en Nouvelle-Guinée) et 2 en danger (Thylogale calabyi, dans le centre de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, et Thylogale lanatus, dans la péninsule de Huon en Papouasie-Nouvelle-Guinée).

Wallaby

Genre Wallabia, 1 espèce encore assez répandue dans tout l'ouest de l'Australie et non considérée comme menacée.

Wallaby de Nouvelle-Guinée

Genre Dorcopsis,   5 espèces, dont 1 en danger critique d’extinction : Dorcopsis atrata, dans les forêts pluvieuses des îles Trobriand.

Wallaby de montagne

Genre  Dorcopsulus, 2 espèces, dont 1 quasi menacée : Dorcopsulus vanheurni (Indonésie et Papouasie-Nouvelle Guinée).

Kangourous arboricoles

Genre Dendrolagus, 14 espèces, dont 4 en danger critique d’extinction (Dendrolagus mayri, Dendrolagus mbaiso, Dendrolagus pulcherrimus, Dendrolagus scottae), 3 en danger (Dendrolagus notatus, Dendrolagus matschiei, Dendrolagus goodfellowi) et 4 vulnérables (Dendrolagus dorianus, Dendrolagus inustus, Dendrolagus stellarum, Dendrolagus ursinus)

4. Origine et évolution du kangourou

Le kangourou roux est un marsupial (du latin marsupium, qui signifie « bourse »), c'est-à-dire qu'il s'agit d'un mammifère sans placenta qui porte sur le corps une bourse, ou poche, dans laquelle le petit finit de se développer.

Le groupe des marsupiaux compte aussi bien des géants que des nains, des herbivores que des carnassiers, des insectivores que des rongeurs, des animaux diurnes que des animaux nocturnes. Ce sont les plus vieux mammifères du monde : ils sont apparus, sur presque toute la surface du globe, il y a environ 135 millions d'années et furent presque contemporains des grands reptiles de l'ère secondaire. Mais, à partir du crétacé, ils disparurent progressivement d'Europe, d'Asie et d'Afrique, devant la venue de nouveaux mammifères mieux organisés ; quelques-uns demeurèrent sur le continent américain, mais c'est essentiellement sur le continent océanien, en Australie, en Tasmanie et en Nouvelle-Guinée, qu'ils prirent leur essor, là où ils n'étaient pas en concurrence avec les mammifères placentaires.

Sur une île comme l'Australie, privée de tous rapports avec les autres continents, ce qui lui a permis de conserver une faune et une flore particulières, les marsupiaux ont pu occuper la plupart des niches écologiques dévolues sur les autres continents aux mammifères placentaires. Une des premières formes connues de marsupiaux australiens est le Wynyardia, qui ressemble au phalanger actuel. Il est apparu en Tasmanie il y a environ 25 millions d'années. Vraisemblablement, les kangourous que l'on peut voir aujourd'hui descendent directement de la famille du Wynyardia, maintenant totalement disparue.

La famille des macropodidés, ou « à grands pieds », à laquelle appartient le kangourou roux, est une des plus récentes dans l'évolution des marsupiaux. Elle compte une cinquantaine d'espèces réparties en 11 genres.

Les kangourous sont honnis des éleveurs de moutons australiens, dont ils dévastent les pâturages. Ils sont pourchassés et tués pour leur peau et leur viande qui donnent lieu à un commerce florissant. Heureusement, un cri d'alarme a été lancé : leur chasse est aujourd'hui réglementée et des parcs leur sont affectés.

5. Le kangourou et l'homme

Les aborigènes, puis les colons, à partir du xviiie siècle, ont chassé le kangourou. Ceux-ci étaient alors assez nombreux pour résister. Mais, depuis les années 1920, la chasse s'est transformée en destruction massive pour protéger les élevages de moutons ou pour exploiter commercialement les peaux et la viande. Déjà, une dizaine d'espèces de kangourous est menacée. Ces abattages ne risquent-ils pas d'avoir raison des kangourous ?

5.1. Les kangourous, les moutons et les éleveurs

En 1770, le navigateur James Cook, le « laboureur du Pacifique », échoue sur un récif de corail devant le littoral nord-australien, à hauteur de l'actuelle Cooktown. Il découvre un animal ne ressemblant à aucun autre, sauf peut-être à un lévrier ou à une gerboise, et bondissant comme un lièvre ou un cerf.

Ne connaissant pas son nom, il lui attribue celui de kangaroo, croyant comprendre que c'est ainsi que les indigènes qui l'accompagnent nomment l'animal.

Au moment où les premiers Européens s'installent en Australie, au xviiie siècle, les aborigènes nomades utilisaient la peau du kangourou et mangeaient sa viande, mais leur chasse avait alors probablement peu d'effet sur les populations de kangourous, suffisamment nombreuses.

Les nouveaux arrivés imitèrent les indigènes, chassant le kangourou pour subvenir à leurs besoins quotidiens. Peu à peu, les colons pénétrèrent plus à l'intérieur des terres, découvrant de nombreuses espèces de marsupiaux jusqu'alors totalement inconnues. Les descriptions de John Gould et de John Gilbert, publiées en Angleterre en 1863 sous le titre de Mammals of Australia, témoignent de la richesse de la faune marsupiale australienne à cette époque.

De 1788 à 1850, les colons s'installent sur les côtes sud et est de l'Australie ainsi qu'en Tasmanie sans que cela nuise gravement à la faune locale. Après 1850, en revanche, les colons augmentent en nombre, et les installations massives promues par le gouvernement conduisent à une déforestation à grande échelle au profit de prairies et de cultures. Cette destruction des biotopes, jointe à l'introduction de prédateurs comme le renard européen (Vulpes vulpes), le chat et le chien domestiques, ainsi que l'apport de lapins et de cheptel entrant en compétition avec les herbivores sauvages entraînent le déclin progressif des kangourous et l'extinction de certaines espèces de petite taille.

En revanche, le nombre de grands kangourous a plutôt tendance à augmenter du fait de la transformation des forêts en pâturages et de l'accroissement du nombre de points d'eau. Et, peu à peu, le kangourou devient un rival pour le mouton et l'ennemi à abattre pour les éleveurs. En effet, l'alimentation du kangourou roux se rapproche beaucoup de celle du mouton. Des études entreprises par Ealey, en Australie occidentale, cherchant à comprendre pourquoi le nombre de kangourous augmentait aux dépens de celui des moutons, ont montré les avantages qu'avaient les premiers sur les seconds : dans cette région, il n'est pas rare que les températures excèdent 50 °C à l'ombre et que la pluviosité annuelle ne dépasse pas 250 mm d'eau. C'est surtout là que pousse le spinifex, bien adapté aux conditions de sécheresse et qui est la base de la nourriture des kangourous malgré sa très faible valeur nutritive.

Par contre, les moutons ne consomment les spinifex que s'ils ne trouvent vraiment rien d'autre, broutant d'abord les herbes leur convenant mieux.

Malheureusement, les éleveurs de moutons aiment brûler la vieille herbe desséchée, détruisant ainsi la semence mûre et favorisant l'extension des herbes de mauvaise qualité. De plus, en pratiquant le pâturage toute l'année, ils empêchent le renouvellement des terrains par des herbes de bonne qualité. Les moutons ont donc parfois du mal à s'alimenter.

En outre, bien que le taux de fécondité d'une brebis soit supérieur à celui d'une femelle kangourou, lorsque tous les agneaux meurent lors d'une période de sécheresse, ils ne peuvent pas être remplacés, contrairement aux petits des kangourous, aptes à se reproduire toute l'année. Ainsi, dans le nord-ouest de l'Australie, le nombre de moutons s'est réduit de moitié en 1950 et en 1975, alors que, simultanément, les populations de kangourous s'accroissaient.

La plupart des éleveurs ont aujourd'hui autant de kangourous que de moutons dans leurs pâturages, et même souvent plus. Dans certaines régions, lorsque le nombre de moutons double, celui des kangourous quadruple. C'est pourquoi les agriculteurs les considèrent comme nuisibles et organisent des campagnes de chasse et d'empoisonnement.

5.2. 50 millions de kangourous tués en 20 ans pour leur peau et leur viande

L'« industrie du kangourou » compte relativement peu de grossistes et de vendeurs, mais un grand nombre de chasseurs (parfois employés à mi-temps). Les kangourous sont d'ailleurs des cibles faciles car, après une courte fuite, ils s'arrêtent pour se retourner vers leur agresseur, qui n'a plus qu'à tirer. Les animaux sont le plus souvent abattus à une distance de 50 à 200 m. L'abattage doit toutefois respecter des règles spécifiées dans le National Code of Practice for the Humane Killing of Kangaroos,  l'animal devant notamment être tué avec un seul coup de fusil.

Toutes les activités concernant l'utilisation du kangourou quotas d'abattage, zones de chasse, nombre de chasseurs et production destinée à la vente sont sous le contrôle des autorités d'État, dont les principaux objectifs sont d'empêcher la surexploitation quand la demande est forte, de gérer au mieux la vente et d'éviter une trop grande concurrence entre commerçants en limitant leur nombre. Ainsi, en Nouvelle-Galles du Sud, la chasse ayant pour seul but la vente de la peau est très sévèrement réglementée par des quotas.

Les peaux sont utilisées dans l'industrie de la fourrure et du cuir. L'argent attribué aux chasseurs varie beaucoup et de nombreux stocks peuvent rester invendus. Les biologistes Sharman et Frith estimaient les exportations à destination de la seule Tasmanie, entre 1923 et 1955, à plus de 2 millions de peaux de wallabies de Bennett (un petit kangourou). Dans le Queensland, entre 1950 et 1960, environ 450 000 kangourous furent tués et leurs peaux traitées : en 2006 et 2007, le  quota avait été fixé à environ 2 millions d'animaux, la moyenne nationale annuelle dépassant largement le million. La chasse est pratiquée dans quatre États : Nouvelles-Galles-du-Sud, Australie du Sud, Australie occidentale et Queensland. Chacun d'eux doit préparer un plan de gestion (effectifs existants, lutte contre la chasse illégale, mesures de protection) conformément à l' Environment Protection and Biodiversity Conservation Act de 1999. Les quatre espèces dont la chasse est autorisée sont communes : Macropus rufus (kangourou roux), M. giganteus, M. fuliginosus et M. robustus.

La viande de kangourou est consommée par l'homme ; mais elle est aussi transformée en nourriture pour chiens et chats, vendue sur les marchés de Melbourne et de Sydney ; une partie seulement est exportée.

La viande de kangourou est beaucoup plus riche en protéines que celle de  la vache ou du mouton, d'où son intérêt nutritif. Pourtant, la viande de mouton et de bœuf est préférée par les consommateurs quand elle n'est pas plus chère que celle de kangourou. Le succès de celle-ci dépend donc des fluctuations de la production de bétail domestique.

Entre 1955 et 1969, l'Australie a réalisé d'importantes exportations de viande ; toutefois, celles-ci ont été suspendues par les pays importateurs du fait de sa qualité médiocre, mais surtout à cause de sa contamination par des salmonelles et d'autres parasites. Désormais étroitement contrôlées par diverses procédures, en matière d'hygiène notamment,  la chasse et l'exploitation industrielle ont repris intensément. L'exportation n'a cessé de croître depuis le début des années 1980 pour atteindre plus de 7 000 tonnes au début des années 2000.  L'industrie du kangourou génère 200 millions de dollars de chiffre d'affaires par an et emploie 200 000 personnes. En tout, on estime à plus de 52 millions le nombre de kangourous qui ont été tués entre 1981 et 2000.

5.3. Faut-il protéger les kangourous ?

On a beaucoup discuté pour savoir si les abattages systématiques de kangourous (par les éleveurs de moutons ou par les chasseurs) ne mettaient pas cette espèce en danger.

On estime aujourd'hui que les destructions périodiques de kangourous ne sont pas une nécessité écologique dans les parcs nationaux, où intervient l'autorégulation. Cependant, les objectifs diffèrent selon les parcs : l'abattage peut ainsi s'avérer nécessaire pour maintenir une végétation qui disparaîtrait si le nombre des kangourous qui la consomment devenait trop important. Cela est vrai aussi pour tous les espaces verts, terrains de golf ou autres, où les kangourous vivent en liberté et où ils se multiplient trop.

L'abattage sert aussi à diminuer la proportion de kangourous par rapport aux moutons, écologiquement dominés par les premiers.

Une campagne de destruction ayant un effet optimal à long terme peut entraîner une brusque chute de la densité d'une population de kangourous. Il faut donc trouver un équilibre entre la destruction inévitable dans certains cas, et la survie d'un nombre suffisant d'animaux pour ne pas mettre l'espèce en danger. Les objectifs des autorités sont aujourd'hui la protection complète dans certaines zones, ou la destruction selon une gestion rigoureuse par des abattages bien contrôlés qui ne menaceraient pas les populations de kangourous.

Le plus grand danger reste cependant la destruction du biotope et, pour les plus petites espèces, la prédation du renard et du dingo.

Les premières introductions de renards ont eu lieu entre 1860 et 1870 dans l'État de Victoria, et leurs populations se sont rapidement développées. Le biologiste B.J. Coman a analysé le régime alimentaire du renard dans cet État : le lapin et le mouton constituent 70 % de son régime, le wallaby bicolore 2,5 % et le kangourou géant moins de 1 %. Le régime du dingo dans l'ouest de l'Australie se compose du wallaroo (Macropus robustus) et du kangourou roux à 70 %.

Il reste qu'il faut veiller à ce que l'utilisation du kangourou à des fins commerciales ne favorise pas des destructions encore plus massives, et incontrôlées, d'animaux, parce qu'ils seraient jugés nuisibles. Au milieu des années 1990, la « liste rouge » de  l'U.I.C.N. comprenait une dizaine d'espèces menacées ou vulnérables, le genre macropus étant cependant épargné à l'exception d'une espèce et une sous-espèce éteintes. Depuis,  entre 2000 et 2006,  le comité scientifique australien sur les espèces menacées (sur le territoire australien) a établi une liste comprenant 7 espèces éteintes, 2 espèces et 1 sous-espèce en danger (Petrogale persephone, Onychogalea fraenata, Lagorchestes hirsutus sp) 11 sous-espèces et 1 espèce vulnérables : 10 wallaby des genres Lagorchestes et Petrogale, l'Euro de Barrow Island de la famille Macropus robustus et le wallaby Petrogale penicillata.