technique

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du grec tekhnê, « art, métier ».

Philosophie Générale, Philosophie Cognitive, Philosophie des Sciences

Ensemble des procédés d'un art. d'une science ou d'un métier pour produire une œuvre ou obtenir un résultat déterminé.

Le sens du terme, pris comme adjectif, s'oppose à commun, général, courant : est technique ce qui appartient à un domaine particulier et spécialisé de l'activité ou de la connaissance. La référence du terme est d'ordre méthodologique et opérationnel : une technique est ce qui obtient, par ses résultats, le succès escompté.

Depuis la fin du xvie s., les techniques ont pris leur point de départ dans des connaissances scientifiques. Auparavant, il existait des techniques davantage reliées à des savoir-faire qu'à des connaissances théoriques. Les Grecs et les Romains savaient faire des ponts, mais leurs connaissances techniques n'étaient que très sommairement et, parfois, pas du tout reliées à des connaissances scientifiques. Même si les Grecs, contrairement à une représentation convenue, étaient loin de mépriser la tekhnê, il n'en reste pas moins que le domaine de la tekhnê se distingue nettement de celui de l'épistémé, c'est-à-dire de la science ou du savoir théorique. C'est avec Galilée que la conception de la science change : Galilée est à la fois savant et ingénieur à Padoue, il construit des machines efficaces et résistantes, mais il est aussi un très grand savant qui marque historiquement et théoriquement une nouvelle manière de penser la physique à partir des machines. Ce n'est donc que récemment (depuis trois ou quatre siècles) que la technique et la science sont dans une dépendance réciproque : les principes de la rationalité technique sont les mêmes que ceux de la pensée scientifique, parmi lesquels les principes d'économie et de simplicité, qui conduisent à poser sans cesse la question de l'optimisation : comment obtenir le résultat cherché au meilleur coût. Mais, aux époques antérieures ou dans les civilisations dites primitives, la technique n'est pas guidée par la science. On est pourtant tenté, d'un côté, de parler d'une rationalité des techniques magiques, par exemple, dans la mesure où elles sont l'application cohérente de certains principes. Mais, d'un autre côté, non, car ceux-ci sont contraires aux principes des connaissances positives, et le résultat obtenu par ces techniques ne correspond pas au succès espéré ou, parfois même, est un échec. Cela conduit à penser que le caractère vérifiable des succès d'une pratique, indépendamment de la nature de ses principes, est le critère pour distinguer une pratique d'une technique. Une pratique même purement empirique, si elle est efficace, aurait ainsi le statut d'une technique, ce qui est une manière de renouer avec la généalogie des techniques. L'homme a, en effet, d'abord inventé les techniques pour survivre. Cependant, l'homme s'est aussi inventé lui-même en inventant les techniques : le genre Homo, c'est d'abord un genre d'Homo faber, qu'il soit Homo habilis ou Homo sapiens sapiens. En effet, l'outil reste, pour l'instant, un des critères de distinction de l'australopithèque et de l'Homo habilis. Cela est confirmé par les analyses du préhistorien Leroi-Gourhan, pour qui l'avènement d'une « conscience » proprement humaine se situerait du côté de ses productions techniques(1).

Véronique Le Ru

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Leroi-Gourhan, A., Le Geste et la Parole, Albin Michel, Paris, 1964.
  • Voir aussi : Ellul, J., La Technique ou l'enjeu du siècle, PUF, Paris, 1958.
  • Goffi, J.-Y., La Philosophie de la technique, PUF, Paris, 1988.
  • Simondon, G., Du mode d'existence des objets techniques, Aubier, Paris, 1969.

→ invention, mécanisme, méthode, science, simplicité