psychiatrie
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
Terme apparu au début du xixe s.
Philosophie Générale, Psychologie
Discipline médicale qui traite des maladies mentales.
Le mot de « psychiatrie » émerge en 1802, chez l'Allemand Reil (Psychiaterie), au moment où le fou cesse d'être un insensé, objet d'un jugement moral, pour devenir un « aliéné » curable, et où Pinel suppose qu'il lui reste assez de raison pour bénéficier d'un « traitement moral ». Possibilité de guérir et construction anthropologique de la maladie mentale vont donc de pair. Et si la psychiatrie dépend des prémisses théoriques d'une psychopathologie, son autonomie épistémologique repose alors sur la clinique, avec la taxonomie des maladies mentales qui en découle, et sur la thérapeutique.
D'emblée, les effets sociaux de la psychiatrie ont posé problème, parce qu'elle inscrit dans une réalité politique des hypothèses anthropologiques toujours relatives. La loi de 1838, instaurant la protection juridique des aliénés et conférant aux experts médicaux un pouvoir de restreindre leur liberté, a suscité les mêmes doutes que développera l'antipsychiatrie. À l'inverse, certains auteurs de crimes échappent à la sanction pénale parce qu'ils sont considérés comme mentalement malades. La fragilité des nosographies, la rareté des moyens curatifs, l'incertitude des étiologies ont toujours exposé la psychiatrie à la critique : elle médicalise la déviance. Toutefois, envisagée comme anthropologie concrète (même limitée aux souffrances des individus de nos cultures), cette discipline met en avant trois faits.
1) Il n'y a pas une infinité de façons d'être fou : les tableaux de psychose, isolés dès 1850, sont d'une invariance rebelle au culturalisme.
2) Les psychotropes sédatent au moins quelques symptômes ; ceux-ci peuvent donc avoir une cause organique.
3) On a un rapport intuitif à certaines formes ou à certains déclenchements de folie, et ce, quel que soit le point de vue théorique adopté pour l'expliquer : ceci plaide pour une vision réaliste des limites anthropologiques de la raison.
La psychiatrie mobilise la philosophie à deux titres. L'incarnation de la raison dans une existence humaine finie y est plus sensible, ainsi que les contraintes biologiques et sociales de son exercice normal. Et sa clinique, loin d'être purement empirique, exige des décisions conceptuelles départageant et articulant en même temps ce qui relève du sens des vécus et des actes, et ce qui relève du cours de la nature. Deux psychiatries, cognitive et phénoménologique, s'opposent ici.
Pierre-Henri Castel
Notes bibliographiques
- Bercherie, P., Les fondements de la clinique, éd. universitaires, Paris, 1980.
- Gauchet, M., La pratique de l'esprit humain, Gallimard, Paris, 1980.
- Postel, J., La psychiatrie. Textes essentiels, Dunod, Paris, 1994.