phantasia

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du grec phainesthai, « apparaître ».

Philosophie Antique

Mot grec signifiant 1. représentation – 2. imagination.

Chez Platon, le terme de phantasia n'est que le substantif qui correspond au verbe phainesthai ; elle se confond avec la sensation. C'est Aristote qui, le premier, dans le traité De l'âme, définit la phantasia non plus comme une apparence ou une représentation, mais comme une faculté de l'âme : l'imagination, productrice d'images (phantasmata), intermédiaire entre la sensation et la pensée. En principe, elle n'entre en fonction qu'après la disparition de l'objet de la sensation, et elle est à ce titre la condition de la mémoire. À la différence de la sensation, toujours vraie quand elle est sensation de son sensible propre, la phantasia peut être vraie ou fausse.

L'emploi stoïcien du terme phantasia entre en conflit direct avec la théorie d'Aristote. Tout d'abord, renouant avec son sens pré-aristotélicien, la phantasia n'est pas une faculté, elle est une « affection qui se produit dans l'âme », plus exactement dans sa partie directrice (hegemonikon) où se produisent impulsions et représentations, et à partir de laquelle le langage est émis. Effet actuel dans l'âme d'un objet présent, elle n'est pas productrice de phantasmata, mais distincte du phantasma. Alors que ce dernier est une « espèce de pensée imaginaire qui se produit dans les rêves » ou le produit d'une traction à vide, un « imaginaire » (phantastikon) qui se produit dans l'âme sans être l'effet d'aucun objet, la phantasia est une impression qui « se révèle elle-même en même temps que ce qui l'a produite » de même que la lumière qui, elle aussi, se révèle elle-même en même temps que les choses qu'elle baigne : raison pour laquelle Chrysippe soutenait que phantasia dérivait de phos, la « lumière »(1).

La « représentation » ou phantasia est le point de départ que présupposent deux processus essentiels à la théorie de la connaissance : un premier décrit l'ordre croissant en détermination qui, de la représentation, mène à la science, en passant par l'assentiment, la compréhension et l'intellection. Le second est le processus de la pensée, « naturellement loquace », qui transcrit la représentation dans le discursif. Les stoïciens appelaient logiques les représentations humaines, parce qu'elles entretiennent d'emblée un rapport au logos, entendu comme langage et énoncé. Leur objet est une situation, c'est-à-dire un corps dans une certaine manière d'être. Leur contenu est immédiatement propositionnel. La représentation est le point d'ancrage explicite du lieu logique, et c'est pourquoi les stoïciens l'appellent aussi pensée, utilisant là le même mot que Platon et Aristote pour désigner l'activité supérieure de l'intellect : noesis.

Pas plus qu'il n'y a d'extériorité entre représentation, discours et pensée, il n'y a de séparation entre représentation et sensation. Les stoïciens n'entendaient pas élaborer la connaissance vraie à partir du fondement incertain d'une sensation suspecte, susceptible d'erreur. Ils opéraient une typologie des différentes sortes de représentation (probables, improbables, probables et improbables, ni probables ni improbables, vraies, fausses, vraies et fausses, ni vraies ni fausses, compréhensives, non compréhensives) ; ils distinguaient encore entre représentations techniques et non techniques. Or le fondement de la connaissance et le critère de la vérité est la « représentation compréhensive » (phantasia kataleptike). Elle est la plus riche en détermination : c'est « la représentation qui dérive d'un existant et qui a été imprimée d'après cet existant même dont elle porte le sceau, telle qu'elle ne pourrait pas dériver d'un non-existant ; dans la mesure où ils soutiennent que cette représentation est capable de saisir exactement les objets, et est cachetée de telle sorte qu'elle reproduise, de manière artiste, leurs caractères propres, ils disent qu'elle possède chacun de ces caractères comme attribut. » La représentation compréhensive est le « modèle réduit » dans l'âme d'une situation donnée. Seuls la maladie ou le caractère défectueux de notre appareil perceptif peut empêcher une représentation vraie d'être compréhensive. Il nous appartient toutefois de rassembler au mieux les conditions qui nous permettent d'être dans une réceptivité optimale. Le stoïcisme impérial, dans son insistance sur le fait que l'usage des représentations dépend de nous, saura s'en souvenir.

La représentation compréhensive entendue comme critère de la vérité sera au cœur de la discussion entre les stoïciens et les sceptiques de la Nouvelle Académie.

Frédérique Ildefonse

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Long, A.A. & Sedley, D.N., Les Philosophes hellénistiques, Paris, 2001, 39 A-B (t. II, p. 174-177).
  • Voir aussi : Goldschmidt, V., Le système stoïcien et l'idée de temps, Vrin, Paris, 1989.
  • Gourinat, J.-B., Les stoïciens et l'âme, PUF, Paris, 1996.
  • Imbert, C., « Représentation et théorie logique dans l'Ancien Stoïcisme », in J. Brunschwig (éd.), Les Stoïciens et leur logique, Paris, 1978, pp. 223-249.

→ affection, altération, âme, connaissance, dialectique, image, imagination, lekton, logique