connaissance

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».

Philosophie Générale, Épistémologie, Philosophie Cognitive

Classiquement, « croyance qui soit à la fois vraie et justifiée »(1).

Cette définition ne concerne que la connaissance propositionnelle, ou factuelle, alors que nous pouvons également connaître des gens, des lieux, de même que nous savons nager ou rouler à bicyclette. Ce dernier type de connaissance peut être qualifié de « pratique » et conçu comme une compétence, acquise ou non. La différence entre connaissance propositionnelle et connaissance d'objets singuliers a été thématisée par Russell sous l'opposition entre « knowledge by description » et « knowledge by acquaintance »(2).

La définition classique de la connaissance propositionnelle, qui met l'accent sur la justification, engage à mettre en relation les croyances d'un sujet qui sont susceptibles d'être des connaissances avec d'autres croyances pouvant être considérées comme des raisons de les tenir pour vraies. On peut cependant mettre en cause cette conception internaliste de la connaissance, et considérer que les croyances méritant le titre de connaissances sont celles qui proviennent de notre contact avec les faits extérieurs, à condition qu'elles soient causées en nous par des mécanismes fiables. La conception causale de la connaissance(3) est susceptible de donner naissance à une « théorie naturalisée de la connaissance » (naturalized epistemology(4)) qui considère que les questions à résoudre sont plus scientifiques que philosophiques. Il est enfin possible de prendre en compte l'origine sociale de l'immense majorité de nos connaissances et de faire la théorie de la transmission de connaissances par le témoignage d'autrui(5). Quelle que soit l'option choisie, la question principale est de déterminer dans quelles conditions une croyance peut être tenue pour vraie lorsqu'il ne s'agit pas simplement d'un heureux hasard cognitif.

Les connaissances scientifiques ont souvent joué le rôle d'exemple privilégié dans la réflexion sur la connaissance, comme étant justifiées par excellence. À la suite des travaux de Kuhn(6) et de ceux qu'il a inspirés, les historiens, philosophes et sociologues des sciences ont insisté sur l'importance des connaissances tacites, c'est-à-dire dont la justification est difficilement accessible, dans l'activité scientifique.

Anouk Barberousse

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Platon, Théétète, Flammarion, Paris, 1994. Et Locke, J., An Essay concerning human understanding (1690), « Essai concernant l'entendement humain », Vrin, Paris, 2001.
  • 2 ↑ Russell, B., Our Knowledge of the External World (1914), « La méthode scientifique en philosophie », Payot, Paris, 2002.
  • 3 ↑ Dretske, F., Knowledge and the Flow of Information (1981), MIT Press, MA, Cambridge.
  • 4 ↑ Quine, W.O., « Epistemology naturalized » (1969), in Ontological Relativity and Other Essays, New York, Columbia University Press. Et Kornblith, H., éd., Naturalized Epistemology, MA, Cambridge, MIT Press, 1985.
  • 5 ↑ Goldman, A., Knowledge in a Social World, Oxford University Press, Oxford, 1999.
  • 6 ↑ Kuhn, T., The Structure of Scientific Revolutions (1962), « La structure des révolutions scientifiques », Flammarion, Paris, 1983.
  • Voir aussi : Bonjour, L., The Structure of Empirical Knowledge, Harvard University Press, Harvard, 1985.
  • Craig, E., Knowledge and the State of Nature, Oxford University Press, Oxford, 1990.
  • Lehrer, K., Theory of Knowledge, Westview Press, 1990.

→ croyance, justification, raison, vérité




connaissance tacite

Philosophie de l'Esprit, Psychologie

Se dit des connaissances dont le contenu n'est pas explicitement présent à l'esprit, qui ne sont pas conscientes ni accessibles à la conscience.

On peut, à la suite de P. Engel(1), distinguer trois catégories de connaissances tacites. La première renvoie aux dispositions et aux habitudes qui peuvent être manifestées dans nos actions ou comportements sans être immédiatement présentes à l'esprit. On appelle également connaissances tacites certaines connaissances qui sont des conséquences plus ou moins directes de notre savoir global. Par exemple, nous savons tacitement que les chats sont plus petits que les autobus, même si nous n'avons jamais considéré explicitement cette proposition. Enfin, sont appelées tacites les connaissances produites ou exploitées par des systèmes modulaires de traitement de l'information dissociés des systèmes conscients, comme les principes qui guident les inférences inconscientes opérées par les systèmes perceptifs, ou la connaissance des règles grammaticales postulée par la linguistique chomskienne.

La notion de connaissance tacite n'est pas sans rencontrer de résistance. Certains voient une dérive intellectualiste dans son application à des dispositions ou habitudes qui relèvent plutôt d'une pratique ou d'un savoir-faire. En outre, l'idée de connaissances tacites en principe inaccessibles à la conscience paraît incohérente à des philosophes qui, comme J. Searle(2), font de l'accessibilité à la conscience un critère essentiel du mental.

Élisabeth Pacherie

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Engel, P., Philosophie et Psychologie, Gallimard, Folio, Paris, 1996.
  • 2 ↑ Searle, J., la Redécouverte de l'esprit, trad. C. Tiercelin, Gallimard, Paris, 1994.
  • Voir aussi : Polanyi, M., The Tacit Dimension, Routledge, Londres, 1967.

→ connaissance, conscience, modularité