film

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».

Esthétique

Œuvre cinématographique, nommée d'après l'objet matériel qui lui sert de support, incarnant la spécificité de chaque univers de réalisation.

Initiée en France par les travaux de Cohen-Séat(1) et de Souriau(2) et par la création d'un Institut de filmologie de l'université de Paris, l'esthétique filmologique a pour objet l'étude de « l'espace filmique » propre à chaque œuvre cinématographique et les conditions de sa réception selon des méthodes d'approche objectives. Bien que de vocation pluridisciplinaire, son développement a reflété les dominantes théoriques du discours des sciences humaines, en particulier la sémiologie et la psychanalyse.

Sous l'impulsion d'une recherche de base linguistique, C. Metz(3) envisage l'objet film comme déroulement signifiant. Les distinctions opérées entre « code », « message », « système » et « texte » permettent d'étudier celui-ci à la fois par rapport à sa structure et à son écriture. L'analyse de film est alors en mesure d'intégrer également les approches textuelles littéraires. Ainsi, R. Bellour se penche sur le système textuel du cinéma classique de Hitchcock et tente d'éclairer les modes de structuration du texte filmique en analysant un segment (découpage de plans). Pour lui comme pour Metz, « l'analyse filmique (est) tout simplement le versant textuel d'une sémiologie ou d'une sémiotique où la psychanalyse occuperait une place déterminante »(4), puisque la pulsion scopique y tient un rôle essentiel. Il éclaire l'irréductibilité du film au texte et enclenche une lecture critique de l'analyse creusée par ce « texte introuvable » : « l'analyse de film est le produit d'une transgression double : constituer le film en texte et, de là, constituer un texte »(5).

Toutefois, la résistance du texte filmique à la synthèse des codes structurels laisse subsister une marge vacante où le film se donne comme énigme de sens. Barthes s'intéresse ainsi, après le niveau informatif du message et la signification symbolique, au « troisième sens » du film, le sens obtus, qui se réfère au champ du signifiant, mais structure différemment le film. Cet autre texte, que seule une lecture attentive de photogrammes permet de déceler, « apparaît alors comme le passage du langage à la signifiance, et l'acte fondateur du filmique même »(6). Plus récemment, J. Aumont(7) s'est aussi interrogé sur la « puissance de l'image » et la « puissance de l'analyse » à la fois pour poser « le film comme site théorique » et pour questionner les conditions d'actualisation du geste interprétatif, entre violence et création intellectuelles.

Diane Arnaud

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Cohen-Séat, G., Essai sur les principes d'une philosophie du cinéma, I. Introduction générale, PUF, Paris, 1946.
  • 2 ↑ Souriau, E., l'Univers filmique, Albatros, Paris, 1953.
  • 3 ↑ Metz, C., Langage et Cinéma, Larousse, Paris, 1971.
  • 4 ↑ Bellour, R., l'Analyse du film, Albatros, Paris, 1979, p. 16.
  • 5 ↑ Ibid., p. 27.
  • 6 ↑ Barthes, R., « Le troisième sens, Note de recherche sur quelques photogrammes de S. M. Eisenstein » (1970), in l'Obvie et l'obtus, Seuil, Paris, 1982, p. 60.
  • 7 ↑ Aumont, J., À quoi pensent les films, Séguier, Paris, 1996.
  • Voir aussi : Aumont, J., et Marie, M., l'Analyse des films, Nathan-Université, Paris, 1998.
  • Bergala, A., Voyage en Italie de Roberto Rossellini, Crisnée, Yellow Now, 1990.
  • Bordwell, D., et Thompson, K., Film Art : an Introduction (1979), trad. « L'art du film : une introduction », trad. C. Beghin, De Boeck Université, Bruxelles, 1999.
  • Daney S., L'exercice a été profitable, Monsieur, P.O.L., Paris, 1993.
  • Gagnebin, M., Du divan à l'écran. Montages cinématographiques, montages interprétatifs, PUF, Paris, 1999.
  • Leutrat, J.-L., Kaléidoscope : analyses de films, PUL, Lyon, 1988.
  • Odin, R., De la fiction, De Boeck Université, Bruxelles, 2000.

→ cinéma et philosophie, sémiotique, visible