dynamique

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du grec dunamis, « force, valeur, efficacité » ; chez Aristote, « puissance, potentialité », opposé à « acte », energeia.

Philosophie des Sciences

Force ou puissance qui meut les corps.

Leibniz introduit, pour la première fois, le terme de dynamica dans l'intitulé de trois de ses ouvrages : la Dynamica de potentia, de 1689-1690 ; le Specimen dynamicum, publié en partie dans les Acta eruditorum de 1695 ; et l'Essai de dynamique, rédigé entre 1699 et 1701(1). L'apparition du terme dans le corpus leibnizien marque l'émergence d'une nouvelle conception de la science du mouvement en termes de forces. Si Leibniz n'a pas achevé de construire le nouveau cadre conceptuel de la mécanique, il a mis dans les mains des savants du xviiie s. un algorithme essentiel qu'il élabore entre 1684 et 1686, à savoir le calcul différentiel. Il faut attendre que Varignon(2) réordonne, au début du xviiie s., les Principes mathématiques de la philosophie naturelle de Newton en termes de calcul différentiel pour que la dynamique, qui surgit de l'application du calcul différentiel à la mécanique, puisse être constituée via les œuvres de Jacques, Jean et Daniel Bernoulli, Clairaut, Euler, d'Alembert, puis Lagrange et Laplace. Parmi ces savants, d'Alembert a une place à part, en ce qu'il vise à proscrire de la mécanique les forces inhérentes au corps en mouvement, qu'il considère comme des êtres obscurs et métaphysiques(3). S'il s'inscrit dans la mathématisation de la science du mouvement par le calcul différentiel (seul l'usage de ce calcul garantit à la mécanique sa certitude et son statut de science mathématique), il entend renouer avec la conception cartésienne de la science du mouvement en termes de quantités de mouvement, c'est-à-dire d'effets ou de mouvements effectivement produits. La dissolution qu'il opère, dans la préface de son Traité de dynamique, de la querelle des forces vives va dans ce sens. Il réduit cette querelle à une dispute de mots concernant le problème de la définition de la mesure de la force engendrée par un corps en mouvement : soit, si on est cartésien, on privilégie le cas de l'équilibre et on mesure la force du corps en mouvement par la quantité absolue des obstacles que le corps rencontre (c'est-à-dire par la quantité de mouvement, le produit de la masse par la vitesse) ; soit, si l'on est leibnizien, on privilégie le cas du mouvement retardé et on mesure la force par la somme des résistances que les obstacles font au mouvement du corps (c'est-à-dire par la force vive, le produit de la masse par le carré de la vitesse). Cette querelle est donc inutile à la mécanique, qui, si elle est bien comprise, se déploie à l'aide de procédures mathématiques sans avoir à se questionner sur la nature même des forces(4). Ce qu'on appelle aujourd'hui le principe de dynamique, c'est la deuxième loi newtonienne (de la force imprimée) transposée dans l'équation F = ma, où F représente la force, m la masse et a l'accélération, mais il est vrai qu'on ne s'interroge plus sur le fondement et la nature de la force. Lagrange, dans sa Mécanique analytique (1788), salue d'Alembert pour avoir fait de la force un concept opératoire(5) : désormais, la dynamique est une affaire de pure analyse.

Véronique Le Ru

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Leibniz, G. W., la Réforme de la dynamique, trad. et commentaires par M. Fichant, Vrin, Paris, 1994. Voir aussi Duchesneau, F., la Dynamique de Leibniz, Vrin, Paris, 1994.
  • 2 ↑ Blay, M., la Naissance de la mécanique analytique, PUF, Paris, 1992.
  • 3 ↑ Alembert, J. (d'), Traité de dynamique, David, Paris, 1743, 2e éd. 1758 (repris par J. Gabay, 1990).
  • 4 ↑ Le Ru, V., D'Alembert philosophe, I, Vrin, Paris, 1994.
  • 5 ↑ Lagrange, L. (de), Mécanique analytique, Paris, 1788, 5e éd. reprise par Blanchard en 2 vol., Paris, 1965.

→ analyse, calcul, force, mécanique, mouvement

Psychanalyse

« La psychanalyse [...] considère la vie de l'âme de trois points de vue, dynamique, économique et topique. Selon le premier, elle ramène tous les processus psychiques – excepté la réception des stimuli externes – au jeu de forces qui se favorisent ou s'inhibent l'une l'autre, se lient les unes avec les autres, se rassemblent en des compromis, etc. Ces forces, à l'origine, sont toutes de la nature des pulsions, donc de provenance organique, caractérisées par un gigantesque (somatique) pouvoir (contrainte de répétition), elles trouvent leur représentance psychique dans des représentations affectivement investies.(1) » (En allemand, dynamisch.)

D'emblée, Freud élucide les symptômes hystériques comme des formes engendrées par des dynamiques de conflits entre représentations dotées de puissance variable(2). Puis il étend cette conception dynamique à toute formation psychique, du rêve au refoulement, du caractère aux idéaux. Il n'invente pas l'inconscient, mais l'inconscient dynamique, doté d'une énergie psychique sexuelle efficiente : la libido, opposée à d'autres énergies psychiques. Toutes se dépensent en créant, entretenant, modifiant ou détruisant les diverses formations psychiques.

Introduire un point de vue dynamique en psychologie et en psychiatrie est la rupture épistémologique freudienne. Les théories classiques des états psychiques séparaient le normal et le pathologique. L'étiologie statique – par exemple, dégénérescence – justifiait la pratique de l'enfermement. Freud propose que toute formation psychique, relativement instable, est soumise aux temps et aux énergies finies d'une dynamique sous-jacente. Seule cette perspective autorise, en droit et en fait, la notion de psychothérapie. Elle est compatible avec les travaux de neurophysiologie dynamique actuels et ouvre sur le parallèle psychophysiologique.

Michèle Porte

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Freud, S., « Psychanalyse » (1926), in Œuvres complètes psychanalytiques. XVII, PUF, Paris, 1992, p. 291.
  • 2 ↑ Freud, S., « Un cas de guérison hypnotique, suivi de remarques sur l'apparition de symptômes hystériques par “contre-volonté” », in Résultats, Idées, Problèmes. I. 1890-1920, PUF, Paris, 1984, pp. 31-43.

→ défense, économie, énergie, libido, métapsychologie, pulsion, topique