attribut

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin scolastique : attributum, dérivé de attribuere, « attribuer ».

Philosophie Antique, Philosophie Médiévale

Caractéristique distinctive d'une personne ou d'une chose (d'un « sujet »).

D'origine scolastique, le terme « attribut » correspond, chez Aristote, à la fois au « propre » (ce qui, sans exprimer l'essence, n'appartient qu'à elle et peut lui être substitué pour qualifier la chose)(1), et à l'« accident par soi »(2) : il s'agit d'une propriété qui, sans faire partie de la définition du sujet, lui appartient pourtant nécessairement en vertu de cette définition (par exemple, le fait pour tout triangle d'avoir la somme de ses angles égale à deux droits), et en donne donc une connaissance.

Dans l'usage scolastique, le terme « attribut » désigne presque exclusivement les attributs divins, telles la bonté, la toute-puissance, la justice, l'infinité, etc.(3)

Au contraire de l'usage scolastico-aristotélicien, l'attribut ne désigne pour la physique stoïcienne aucune qualité réelle. Exprimé par un verbe (« l'arbre verdoie » plutôt que « l'arbre est vert »), il n'exprime plus un concept, mais seulement un fait : un événement survenu à l'objet (être coupé, pour la chair sous le scalpel) ou l'un de ses aspects, mais rien de sa nature.

Frédérique Ildefonse

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Aristote, Topiques, I, 5, 102a18-19.
  • 2 ↑ Aristote, Seconds Analytiques, I, 22, 83b19 sq. ; Métaphysique, V, 30, 1025a30-32.
  • 3 ↑ Thomas d'Aquin, Somme théologique, I, 33.
  • Voir aussi : Bréhier, E., La théorie des incorporels dans l'Ancien Stoïcisme, Vrin, Paris, 1928.

→ accident, autre, être, événement, fait, incorporel, prédication, substance

Métaphysique, Philosophie Moderne

L'attribut désigne traditionnellement la propriété qui est prédiquée d'un sujet.

Les problèmes fondamentaux de la notion se posent avec et après Descartes, qui établit que l'attribut se dit d'une substance. Nous ne pouvons connaître directement la substance créée, mais nous avons l'idée claire et distincte de son attribut principal, c'est-à-dire de la propriété qui lui est nécessairement liée et sans laquelle elle ne peut subsister. Cet attribut constitue donc la nature même de la substance et il nous permet de la connaître avec une certitude apodictique, parce qu'il l'exprime sans réserve : « [...] il y en a [...] un en chacune qui constitue sa nature et son essence, et de qui tous les autres dépendent [ce sont alors des modes]. À savoir, l'étendue en longueur, largeur et profondeur, constitue la nature de la substance corporelle ; et la pensée constitue la nature de la substance qui pense »(1). Chaque attribut principal ne se rapporte qu'à une substance : ainsi la pensée, qui appartient à l'âme et non au corps. Mais Descartes présente également la pensée comme un attribut de la substance divine, ce qui pose le problème de l'équivocité du nom de substance.

C'est sans doute que l'on ne peut pas dire de Dieu qu'il possède la pensée comme son attribut principal. Spinoza établit ainsi que l'essence de Dieu consiste en une infinité d'attributs, parmi lesquels nous ne connaissons que la pensée et l'étendue : « J'entends par Dieu un être absolument infini, c'est-à-dire une substance constituée par une infinité d'attributs dont chacun exprime une essence éternelle et infinie »(2). Ces attributs n'ont rien en commun mais sont l'expression d'une seule et même substance : « [...] que nous concevions la nature sous l'attribut de l'étendue ou sous l'attribut de la pensée ou sous un autre quelconque, nous trouverons un seul et même ordre ou une seule et même connexion de causes, c'est-à-dire les mêmes choses suivant les unes des autres »(3). Ce double caractère des attributs (ils sont réellement distincts mais, chez Spinoza, ils représentent la même substance) met en place ce qu'on a appelé la thèse du parallélisme : les attributs sont des expressions équivalentes mais qui ne se croisent pas.

La critique de la notion d'attribut (et de sa relation exceptionnelle à la substance), conduite en particulier par Locke, portera précisément sur le fait que nous ne sommes pas certains que telle ou telle propriété exprime sans réserve la chose dont elle est prédiquée, car cette liaison n'est jamais donnée dans l'expérience. On ne peut donc tenir (provisoirement) une certaine propriété pour l'expression d'une nature que lorsqu'on la rencontre constamment : elle est alors générale, mais pas forcément essentielle.

André Charrak

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Descartes, R., Principes de la philosophie, ie partie, art. 53, Alquié, Garnier, Paris, 1973, p. 123.
  • 2 ↑ Spinoza, B., Éthique, ie partie, définition VI, trad. Appuhn, Gallimard, Paris, 1965, p. 21.
  • 3 ↑ Ibid., II, proposition VII, scolie, p. 76.

→ substance