algèbre
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
De l'arabe Al jabr, « réduction », titre d'un ouvrage du mathématicien Al-Khawarizmi (ixe s.).
Logique, Mathématiques, Philosophie des Sciences
Discipline essentielle des mathématiques, dont le développement à partir du xve s. fut profondément influencé par le legs arabe.
Classiquement, c'est-à-dire jusqu'au xixe s., « l'algèbre » est la théorie des équations. Le développement de cette dernière fut parallèle à l'extension de la notion de nombre par l'introduction des nombres négatifs, des nombres irrationnels et des nombres complexes. L'« algèbre moderne » consiste en l'étude de lois de composition et de relations définies sur un ensemble d'éléments quelconques et constituant ainsi des « structures », de groupe, de corps, d'anneau, d'espace vectoriel, etc. De l'une à l'autre algèbre, il y a une parfaite continuité historique malgré une transformation significative dans la méthode.
Dès la plus haute antiquité, on rencontre des exemples de résolution d'équations du premier et du second degré. Les équations du troisième degré conduisirent les algébristes italiens du xvie s. aux nombres « imaginaires ». F. Viète introduisit une écriture symbolique, développée par Descartes, qui permit de traiter en général de chaque type d'équation au lieu de s'en tenir à la résolution d'équations particulières. Les lois de résolution générale se précisèrent jusqu'au « théorème fondamental de l'algèbre », dont C.F. Gauss donna en 1799 quatre démonstrations différentes. Les tentatives infructueuses de résoudre généralement les équations de degré égal ou supérieur à cinq conduisirent É. Galois à réorienter l'étude de l'équation vers celle de la structure du groupe – dont il introduisit le terme – de permutation de ses racines et à énoncer une condition nécessaire et suffisante de résolution. L. Kronecker continua sur cette voie, tandis que d'autres types de travaux, par exemple ceux de F. Klein sur la classification des géométries, ceux de R. Dedekind en théorie des nombres, imposèrent l'usage systématique des structures de groupe et de corps. On situe dans l'œuvre de E. Steinitz le moment où l'algèbre prit définitivement la tournure abstraite et structurale que nous lui connaissons à travers l'œuvre de Bourbaki.
L'extraordinaire efficacité de l'algèbre, classique ou moderne, vient de son langage symbolique. Des auteurs classiques comme Descartes et surtout Leibniz l'ont souligné. Plus près de nous, D. Hilbert voulait que toute discipline mathématique visât le degré de formalisme de l'algèbre. Et J. Cavaillès de rappeler aux philosophes que les formules ne sont pas seulement un adjuvant pour la mémoire, mais la matière même du travail mathématique.
La fécondité de la langue formulaire de l'algèbre n'a pas toujours levé les doutes philosophiques sur la nature des êtres inventés pour les besoins du calcul : nombres négatifs, nombres imaginaires, nombres infiniment petits, etc. L'histoire a connu ainsi des débats passionnés sur des notions réputées fictives, qu'on cherchait à fonder sur la solidité de notions tenues pour réelles comme celle de nombre entier. Cette entreprise acharnée de réduction du fictif au réel n'a pas mis fin à la floraison toujours plus riche et foisonnante d'entités fictives, acclimatées peu à peu dans l'univers du mathématicien.
Hourya Sinaceur
Notes bibliographiques
- Dieudonné, J., (dir.), Abrégé d'histoire des mathématiques, 1700-1900, Hermann, Paris, 1978.
- Waerden, B.L. Van der, A History of Algebra, from al-Khawarizmi to Emmy Nœther, Springer-Verlag, 1985.